La marque du baiser de Judas

collectif-femmes-vampires.jpgPour le challenge Halloween proposé le mois dernier avec Hilde, j’ai sorti de mon étagère une acquisition plutôt récente : Les Femmes Vampires, recueil collectif publié chez José Corti. Un livre acheté à Montparnasse en compagnie de Titine et auquel je pouvais difficilement résister :

– les vampires sont un de mes thèmes de prédilection, en particulier dans les textes plus classiques qui n’avaient pas du vampire une vision aussi glamour que ce qu’on peut voir aujourd’hui en bit lit ou sur grand écran, même si, en recoupant des textes assez différents, on retrouve un certain nombre d’éléments qui inspirent largement les auteurs plus contemporains (d’ailleurs en parlant de glamour, Carmilla de Le Fanu incarne déjà un vampire sensuel un brin sulfureux si l’on songe que ce texte a été écrit à l’époque victorienne, où le saphisme n’était pas vraiment dans le ton des valeurs morales – en partie de façade, mais c’est une autre histoire – de l’époque).

– J’ai une confiance aveugle dès que je vois qu’un livre est édité par José Corti (un peu comme avec Phébus), qui par ailleurs publie beaucoup de classiques anglo-saxons oubliés – un éditeur qui ne passe pas inaperçu pour moi lorsque je vais en librairie.

– Enfin, voilà une bonne façon de poursuivre mon challenge Mary Elizabeth Braddon, dont la nouvelle est sans doute la plus inattendue au sein de ce recueil.

Ce recueil comporte cinq récits :

Ernst Raupach, Laisse dormir les Morts (« Lasst die Toten ruhen ») – 1823 :

Un jeune châtelain pleure sur le tombeau de Brunehilde, sa première épouse au caractère affirmé, dont le souvenir le hante depuis qu’il s’est lassé de la douceur et de la gentillesse de sa nouvelle femme. Il finit par rencontrer un homme capable de faire revenir les morts à la vie et décide de retrouver ainsi sa chère défunte. Cependant celle-ci a ses exigences et l’oblige à répudier son épouse de manière à ne pas être simplement sa maîtresse. Après son arrivée au château, des morts suspectes se produisent parmi la jeunesse du pays. Aveugle à tout, envoûté, le héros ne voit rien jusqu’à ce que ses propres enfants soient tués par Brunehilde qui s’alimente du sang des personnes en bonne santé. Et lorsqu’il tente de s’en débarrasser, c’est pour s’apercevoir qu’un acte contre nature tel que celui qu’il a commis ne se défait pas facilement.

Un texte agréable à lire mais qui présente une vision assez surannée du vampire et des personnages féminins, avec un héros un peu fade, tandis que le déroulement du récit même est assez conventionnel – ceci dit c’est là le texte le plus ancien.

Anne Crawford, Baronne Von Rabe, Un Mystère de la Campagne Romaine (« A Mystery of the Campagna ») – 1887

Plusieurs voix se mêlent pour raconter l’histoire de Marcello, artiste de la villa Médicis qui décide de s’installer dans une maison isolée pour composer un opéra. Un de ses amis s’inquiète immédiatement et sans raison apparente après l’avoir laissé dans la maison en question. Il finit par tomber lui-même malade et à imaginer dans son délire que de terribles choses arrivent à Marcello. Envoyé sur place, un ami commun découvre ainsi que Marcello semble avoir une maîtresse qu’il rejoint une nuit dans son jardin, avant de disparaître sous terre dans ce qui semble être des catacombes romaines. Pourtant, peu de temps après, en revenant sur place, on découvre le corps de Marcello qui est bizarrement vidé de son sang.

Une nouvelle intéressante dans la mesure où elle comporte également une autre dimension fantastique, l’ami du mourant communiquant avec lui par la pensée, tandis que la vampire est finalement peu présente. Malgré tout j’ai trouvé quelques longueurs au texte, qui est sans doute celui qui m’a le moins plu.

X.L. : Le Baiser de Judas (« A Kiss of Judas ») – 1893 :

Un homme voyageant à bord d’un steamer (le lieutenant-colonel Rowan) cherche à se renseigner auprès du capitaine après avoir aperçu un curieux passager, au souffle d’asthmatique, le visage toujours caché par ses vêtements. Suite à cette discussion, le passager concerné qui a eu vent des questions posées à son sujet vient menacer le premier voyageur, faisant preuve d’une hargne et d’une vulgarité étonnantes. A cette occasion son foulard glisse un peu et le héros aperçoit un visage d’une laideur effrayante. 

Peu de temps après, arrivé chez ses amis, Rowan entend parler du baiser de Judas, qui voudrait que des créatures repoussantes soient à même de servir Satan en se donnant volontairement la mort pour revenir sous des traits beaucoup moins reconnaissables afin de frapper les vivants par toute sorte de fléau. Les victimes de ces serviteurs du diable se trouvent marqués d’une petite croix. Suite à cette histoire, Rowan revoit le passager qui l’a suivi pour l’assassiner et qui, n’y parvenant pas, se tue d’un coup de poignard en promettant de revenir…

Cette nouvelle qui mêle légendes, folklore et vampirisme est très originale. Non seulement le récit est bien mené mais le monstre-vampire est fascinant, très différent de ce que l’on a l’habitude de croiser dans la littérature vampirique. Je ne saurais dire pourquoi mais il m’évoquait l’expressionnisme de Nosferatu.

Mary Elizabeth Braddon, La Bonne Lady Ducayne (« Good Lady Ducayne ») – 1896

Une jeune femme entre au service d’une vieille dame aisée qui l’emmène avec elle en Italie, avec un salaire dépassant toutes ses espérances. Eclatante de santé, Bella (notre héroïne) devient curieusement de plus en plus faible, sans en comprendre la raison, hormis les petites plaies qu’elle découvre parfois sur sa peau à son réveil. Le médecin personnel de son employeuse, Lady Ducayne, lui assure qu’il s’agit de piqûres, mais lorsqu’elle les montre à un jeune médecin anglais avec qui elle a sympathisé, celui-ci est persuadé que des saignées ont été pratiquées sur la jeune femme à son insu.

Voilà le deuxième texte qui m’a particulièrement séduite dans ce recueil (normal, c’est Mary Elizabeth qui l’a écrit – dit-elle en toute objectivité !). Ni sensuelle, ni surnaturelle, la vampire évoque davantage cette Landlady a priori sympathique qui empoisonnait ses jeunes pensionnaires dans le texte de Roald Dahl. Le vampirisme prend ici une tournure plus médicale, à travers la transfusion. Un récit finalement moderne qui se lit avec plaisir.

Francis Marion Crawford, Car la Vie est dans le Sang (« For the Blood is the Life ») – 1905

J’en avais parlé (mais j’avais oublié que je l’avais déjà lu). Et je disais donc : deux hommes observent un champ depuis la tour d’une vieille demeure. Lorsque les rayons de lune se posent sur un tertre a priori désert, une forme étrange apparaît, laissant entrevoir un corps allongé sur un tombeau. Pris de curiosité, l’un des deux hommes souhaite se rendre sur place pour mieux observer le phénomène. A quelques mètres de l’objet, il s’arrête : plus rien sur le tertre. De loin, l’autre homme voit le corps se redresser et s’accrocher à son ami. Cette histoire n’est pas ma préférée mais j’apprécie l’atmosphère inquiétante qui l’imprègne ainsi que le caractère hautement fantomatique du vampire. Ici, le vampire n’a pas encore pris ses traits classiques et fait appel aux premiers monstres de notre imaginaire…

 

Sur ce blog, quelques liens piochés dans les Chroniques de Vampires (toujours à gauche dans mes listes de livres lus – pas tout à fait actualisées) : Les cent ans de Dracula (Goethe, Polidori, Crawford, Gautier, Stoker, Askew, Ray, Lovecraft), La Dame pâle d’Alexandre Dumas, et une très bonne surprise : La Baronne Trépassée de Pierre Alexis Ponson du Terrail (roman populaire du XIXe).

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213 p

Anthologie, Les Femmes Vampires, de 1823 à 1905

dark side challenge.jpgchallenge-mary-elizabeth-braddon.gifChallenge Mary Elizabeth Braddon

Le challenge Mary Elizabeth Braddon prenant fin au 31 décembre 2010, je vous propose une lecture commune pour le 20 décembre : Le Secret de la Ferme grise (un de ses textes les plus courts, idéal pour un petit plaisir avant la fin du challenge ), La Bonne Lady Ducayne (nouvelle vampirique citée plus haut) ou, pour ceux qui chercheraient un roman plus conséquent, Henry Dunbar (avec lequel j’ai passé un très bon moment).

LECTURE COMMUNE 20 DECEMBRE 2010, 3 TEXTES AU CHOIX  :

Le Secret de la Ferme Grise : disponible d’occasion (facile à trouver). Pour en savoir plus sur le sujet voir les liens ci-dessous.

Good Lady Ducayne : nouvelle disponible gratuitement en anglais ici / en français dans Les Femmes Vampires, José Corti. 

Henry Dunbar : publié chez Labyrinthes.

braddon-dunbar.gifbraddon-secret-ferme-grise.jpg

 

challenge-mary-elizabeth-braddon.gifCHALLENGE ELIZABETH BRADDON – les lectures :

Aurora Floyd : Cécile, Maggie, Mea

L’Aveu : CécileLoula,

Henry Dunbar : Lou, Loula, Nag,

La Bonne Lady Ducayne : Lou,

Lady Isle : Cécile

La Ferme grise : Cécile, George Sand et moiMaggie, Manu, Sabbio, Titine,

Le Secret de Lady Audley : Cécile, ClaudiaLucia, Keisha, Lou, Malice, Mango, Titine,

Les Oiseaux de Proie : Rachel,

Sur les Traces du Serpent : Choupynette, ClaudiaLucia,

Commentaires

Je m’inscris pour ta lecture commune soit pour la nouvelle (car je viens de commander le recueil chez le libraire), soit pour Henry Dunbar (que j’ai dans ma PAL). Je ne sais pas encore ; cela dépendra de mon emploi du temps …

Écrit par : CecileSBlog | 14/11/2010

merci pou le lien concernant la nouvelle de Braddon
je vais me faire un plaisir de me l’imprimer et la lire un de ces jours – qui sera sans doute un soir et me flanquera une frousse pas possible LOL

Écrit par : niki | 14/11/2010

oui je suis comme toi…je prefere les vieux bons vampires qui font peurs…..peuvent etre sensuels…mais doivent etre machiaveliques et faire peur..;)

Écrit par : rachel | 14/11/2010

Ah! merci pour m’avoir citée!
Juste un petit mot pour te dire que j’ai pris la petite image des « rabbit » en haut à gauche, faute d’avoir une bannière, pour personnaliser ta participation au challenge shakespeare. Tu sais que je m’en occupe avec Maggie. Je publierai la liste des participants demain. Bonne soirée.

Écrit par : claudialucia ma librairie | 14/11/2010

Ca a l’air assez intéressant, mais il me faut du passionnant en ce moment…

En fait je passais pour savoir si tu comptais publier ton billet sur Laurence Cossé un jour, parce que tu ne m’as toujours pas donné ton avis (ou si, et en fait je suis tellement à l’ouest que j’ai oublié 😉 ).

Écrit par : Lilly | 15/11/2010

je suis horriblement déçue : je ne peux pas lire le texte en anglais, j’ai déjà lu la ferme grise et je n’ai pas Henri Dunbar ! Je ne peux pas y participer à cette lecture commune mais c’est vraiment à regret… C’est horrible n’est-ce pas !

Écrit par : maggie | 15/11/2010

Je vais tenter un truc incroyable : lire une nouvelle victorienne en anglais !!! Je te dirai si j’y arrive ou non…. 😉

Écrit par : Titine | 16/11/2010

je viens de terminer « Good Lady Ducayne », grâce au lien que tu as communiqué
il y a longtemps que je n’avais plus autant ri !!!

Écrit par : niki | 17/11/2010

J’ai Henry Dunbar à la maison donc je m’inscris pour celui -ci. Mais même si c’est fini, je continuerai à lire Braddon, en particulier Lady Ducane.C’est vraiment quelqu’un que j’ai découvert et qui me plaît beaucoup.

Écrit par : claudialucia ma librairie | 17/11/2010

Merci pour les conseils, comme toi je prefere les vieux bons vampires qui font peurs.

Écrit par : Stephanie | 18/11/2010

@ Cécile : tu assures ! bravo pour ton challenge vraiment exemplaire (tu me fais même un peu honte avec mes trois lectures ;o))

@ Niki : mais non ça ne fait pas peur… mais j’aime bien cette histoire pour le moins sordide.

@ Rachel : vraiment je ne sais pas si ça fait peur, mais en tout cas ce ne sont pas des ados pré pubères improbables et surtout les textes sont bien écrits :o)

@ Claudia Lucia : je ne sais pas si tu avais vu mais j’avais bien actualisé les liens, je les tiens actualisés sur le lien vers lequel redirige la photo de Braddon dans la colonne de gauche.
Merci pour la liste, je vais regarder ça ce week-end avec plaisir ! Tu ne pouvais pas récupérer ma bannière sur le blog ? Le lapin est parfait aussi mais si tu préfères la bannière dis-le moi pour que je puisse te la fournir.
Je suis également ravie que tu aies apprécié ta découverte d’Elizabeth Braddon, ça me fait très plaisir car j’espérais aider à la faire connaître un tout petit peu plus en proposant ce challenge.

@ Lilly : ça me rassure je ne suis pas la seule à oublier des trucs bizarres (hier j’étais persuadée avoir fait une bourde et aujourd’hui j’ai vu que hier j’avais juste mal lu un truc) :o) J’ai publié mon billet il y a deux mois je crois. J’ai même eu un moment de doute en lisant ton commentaire mais si si, j’en ai bien parlé. En gros je disais que c’était un page turner très sympathique mais en deçà du style et du contenu plus sérieux auxquels je m’attendais, et sans réflexion réelle sur le bon roman.
http://www.myloubook.com/archive/2010/09/18/laurence-cosse-au-bon-roman.html

@ Maggie : quid de lire un autre texte ? tu seras la bienvenue, of course !:o) sinon je te passerai le recueil !

@ Titine : tiens-moi au courant et sinon je peux apporter à la rescousse le recueil en français dimanche !! (mais je ne voudrais pas te freiner dans ton élan anglophone)

@ Niki : ah tu vois que ça ne faisait pas peur :o)

@ Stéphanie : il n’y a rien de tel que les ambiances gothiques !

Écrit par : Lou | 18/11/2010

exactement ce que je pouvais rajouter…;o)
mais bon les vampires prepuberes ont ramene pas mal de jeunes a la lecture…;o)

Écrit par : rachel | 19/11/2010

ça tu as raison, pour ne pas faire peur, ça ne m’a pas fait peur – mais tu as raison lorsque tu parles du côté glauque de cette aventure (sordide est un peu fort non ?)
en tout cas ce fut intéressant ;o)

Écrit par : niki | 19/11/2010

Je ne vais pas le lire mais par contre merci pour les « tuyaux » concernant ces deux éditeurs apparemment de qualité!

Écrit par : Sabbio | 19/11/2010

Et en plus, je l’avais commenté ! ;o) Maintenant, je me rappelle de ton billet. Mais c’est ta faute, tu n’as pas mis ton index à jour ;P

Écrit par : Lilly | 19/11/2010

@ Rachel : oui c’est certain… il faut juste espérer que ce premier pas vers la lecture ne sera pas le dernier…

@ Niki : je trouve ça tout de même particulièrement malsain, d’autant plus venant de la part d’une vieille femme, de surcroît respectée… plutôt pervers !

@ Sabbio : mais de rien ! Disons qu’ils publient des textes correspondant à mes goûts et ce sont des éditeurs sérieux (peu ou pas de coquilles, souvent des préfaces intéressantes, jolis formats etc).

@ Lilly : oui oui je sais :o) J’ai beaucoup de retard, j’avais commencé à le remettre à jour (les Anglo-saxons) mais j’ai des mois et des mois de retard, donc il faudra que je prenne pas mal de temps pour le faire d’une traite, sinon je vais en oublier la moitié. Il faut que je refasse comme avant : mettre dans l’index dès que j’ai préparé le billet !

Écrit par : Lou | 21/11/2010

je l’espere…mais bon peut-etre ils iront chercher dans les livres « vrais vampires »…;o)

Écrit par : rachel | 22/11/2010

Noté aussi!

Écrit par : Edelwe | 26/11/2010

@ Rachel : mouais j’ai des doutes mais sait-on jamais ?

@ Edelwe : c’est un bon choix ;o)

Écrit par : Lou | 27/11/2010

oh si c seuleument 10%, 5%…c deja ca…;o)

Écrit par : rachel | 27/11/2010

Un vampire qui se nomme Brunehilde! Est-ce une coïncidence?! Je note ce titre. 😉

Écrit par : Hilde | 28/11/2010

http://plaisirsacultiver.unblog.fr/2010/12/20/good-lady-ducayne-de-mary-elizabeth-braddon/
Voici mon lien vers mon billet sur « Good Lady Ducayne », merci à toi pour cette découverte.

Écrit par : Titine | 20/12/2010

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