Lectures gothiques & co, la suite !

ponson_terrail_baronne_trepassee.JPGEntre les examens, les vacances et le déménagement de mon cher et tendre, je n’ai pas eu l’occasion de suivre autant que je l’avais prévu les lectures gothiques commencées çà et là par un certain nombre d’entre vous (même si j’ai déjà lu un certain nombre de notes !). Pour mémoire, la note originale sur ce blog est ici ; la liste d’idées de lecture est . Alice a également écrit un billet à ce sujet, étant la première à suggérer une liste de lectures librement inspirées de Pauline d’Alexandre Dumas. Pour mémoire, ce roman faisait allusion à quelques classiques gothiques ainsi qu’aux Confessions d’un Enfant du siècle. Transgressant ces influences (soyons fous !), nous avions proposé de lire les récits en question tout en élargissant la liste des possibles à toute une série d’auteurs gothiques ou inspirés par cette littérature. Bref, tout cela aboutit à un joyeux bordel tournant cela dit autour de thématiques en général proches. L’idée était de lire entre 1 et 3 de ces textes d’ici la fin de l’année (plus bien sûr si vous en avez envie, mais nous ne voulions pas lancer de « défi » à proprement parler afin d’éviter son aspect contraignant). Je me proposais de réunir vos billets dans un document word que chacun d’entre vous pourrait recevoir s’il le souhaite. En théorie, une newsletter devrait également voir le jour très rapidement (malgré quelques petits soucis informatiques).

Encore merci à tous ceux qui suivent ces lectures et à ceux qui me relancent : the gothic spirit is back here, affaire à suivre !

 

Mais entrons dans le vif du sujet, avec un roman judicieusement recommandé par Wunschtraum : La Baronne trépassée de Pierre Alexis Ponson du Terrail. Cet écrivain du XIXe fait partie de ces feuilletonistes à la production gargantuesque, pouvant écrire jusqu’à 40 volumes en une année ! Son œuvre la plus connue est la série Les Exploits de Rocambole ou les drames de Paris (1859-1884). Cependant, d’après la critique, ses écrits sont d’une qualité inégale. L’auteur de la postface dit d’ailleurs à ce sujet que « cette production mammouthesque marie le meilleur et le pire ».

Imaginez un héros fort galant mais sans le sou qui, par ambition, prend pour maîtresse une femme influente. Il s’engage à lui accorder 24h d’esclavage dans le cas où il viendrait à se marier, le mariage (intéressé, bien sûr) dépendant de l’octroi incertain d’une charge importante. Imaginez maintenant que, sachant que sa maîtresse perd subitement son influence, Hector accepte le mariage avec une certaine Hélène, jamais rencontrée – qu’importe ?, puisqu’elle est auréolée d’une dot suffisamment séduisante pour faire oublier tous les éventuels défauts de la fiancée. Le mariage est alors organisé à la hâte pour berner le beau-père qui croit son gendre prêt à occuper un poste prestigieux. La surprise est excellente pour ce cher Hector (un peu fleur bleue, il faut bien l’avouer) : son épouse est aussi belle que charmante. Hector tombe de suite amoureux.

Mais les romans noirs ne donnent l’apparence du conte de fée que pour mieux plonger ensuite dans les affres de l’angoisse. C’est donc pendant la nuit de noce que la maîtresse fera appeler son esclave et le contraindra à rendre leur incartade publique, le forçant même à informer sa femme de sa conduite inconstante par un billet indigne de notre gentleman.

L’éprouvant esclavage ayant pris fin, Hector part rejoindre sa belle. Il la retrouvera dans son château breton, morte par sa faute. Après une période de deuil pénible, Hector s’enrôle dans l’armée et, en Allemagne, est conduit la nuit auprès d’un château sordide occupé par le veneur noir, personnage inquiétant prétendant être le fils du diable. A partir de là suivront de nombreuses péripéties au cours desquelles Hector rencontrera par deux fois les sosies de son épouse. Est-elle morte ? Revient-elle le hanter ? Est-ce un hasard on ne peut plus macabre ? Malgré sa bravoure, Hector est menacé par la folie. Quoi de plus normal quand on rencontre des cadavres éveillés, que l’on est convoité par un vampire et que l’on est la victime de ce qui semble être la plus sordide des machinations… ou la fantastique et terrible réalité.

Publié en 1852, ce roman a tout du bon feuilleton, avec ses rebondissements, ses exagérations, quelques liens grossiers entre les chapitres. C’est un excellent page turner, un bon exemple de littérature populaire, caractérisé par une histoire captivante et totalement rocambolesque. Les excès de passion (combien de fois Hector ne tombe-t-il pas amoureux ?), les drames, les effets d’annonce et le spectaculaire, tout contribue au côté palpitant de l’affaire.

Les monstres sont également de sortie ; c’est cependant le vampirisme qui l’emporte, avec cette figure extraordinaire qui rejoint Hector chaque nuit et semble dominer les autres personnages. Le roman rappelle les classiques du genre, avec son lot de cimetières, de lumière effrayante, de morsures inexpliquées et de cercueils.

On a pourtant plus l’impression d’avoir devant nous un pastiche. Le narrateur joue avec nos nerfs, certes, mais il prend également un malin plaisir à mélanger surnaturel et construction policière, le récit s’achevant par un éclaircissement en bonne et due forme (à la Agatha Christie, avec ce cher Hercule revenant sur chaque événement mystérieux pour arriver à une conclusion retentissante). Malgré l’humour et le côté presque folklorique de cet excès de gothique, certaines questions restent sans réponse et ce qui semblait être une bonne farce garde tout de même sa part de mystère.

La postface de Jean-Baptiste Baronian complète ces impressions de lecture par une analyse courte et intéressante. Baronian souligne la variété de situations de ce roman riche tournant autour du thème du vampirisme et empli de « châteaux mystérieux, pièces d’appartement doubles, décors macabres, hallucinations, apparitions, cauchemars, invocations magique, etc ». Il souligne les influences d’Ann Radcliffe et de Clara Reeves, sans oublier l’audace de Ponson du Terrail, qui s’amuse à jouer avec les codes de l’imaginaire et à mélanger tous les genres dans un joyeux méli-mélo. Ces codes sont d’autant plus brouillés que ce roman est à la fois réaliste et fantastique : en effet, difficile de démêler les deux parfois, même si beaucoup de réponses sont apportées par la suite. Bien que d’inspiration gothique, le roman rappelle le genre policier, avec l’existence d’une énigme et une description détaillée de chaque circonstance et fait troublants. Pour Baronian, l’enjeu du roman est cependant la description du baron et sa réaction face aux événements inattendus dont il est la victime ; il en va de même de sa réaction face aux trois visages d’une même femme, présentés dans trois parties bien distinctes. A cet égard, Ponson du Terrail serait un précurseur.

Quoi qu’il en soit on prend un malin plaisir à découvrir les aventures de ce baron qui a tout d’un valeureux chevalier, prêt à brandir son épée pour sauver son honneur : outrageusement courageux, un peu ridicule en raison de son inclination romanesque et excessive envers la gente féminine, le héros est au final un jeune homme un peu trop lisse mais fort sympathique. La mascarade dont il semble être victime est absolument machiavélique. Le pauvre n’est pas épargné par le narrateur (et sa femme vampire)… mais le lecteur est ravi de se délecter de ses mésaventures ! Un très bon moment de lecture et une découverte sympathique à recommander à tous ceux qui s’intéressent aux vampires et aux romans d’aventure !

Et un petit extrait, gothique comme on les aime :

« L’escalier avait deux cent quatre-vingt-dix-sept marches. Les chevaux les gravirent en dix minutes, et bientôt le baron et ses hôtes se trouvèrent sur une deuxième plate-forme, de laquelle surgissaient les murs du château. C’était un gothique manoir, avec fossés profonds taillés dans le roc vif, tourelles élancées et pointues, sveltes clochetons, ogives nerveuses et fines, créneaux noirs et lourds, beffroi gigantesque, toiture moussue, murs pleurant aux brutales caresses du vent nocturne, écusson gravé sur le fronton de la porte principale, et souterrains longs d’une lieue, creusés à travers la roche et correspondant mystérieusement avec les forêts et les plaines d’alentour. »  (p68)

Idées de lecture pour tous ceux qui sont tentés par l’aventure !

263 p

Pierre Alexis Ponson du Terrail, La Baronne trépassée, 1852

Commentaires

Impossible de résister à un billet pareil, je note !
Je passais pour te redemander ton adresse, je l’avais notée, mais je préfère vérifier ;o)

Écrit par : Lilly | 18/09/2008

J’adore ton billet! Ce roman m’a tout l’air d’être un joyeux n’importe quoi, pile pour moi quoi! :)) Et l’extrait est croquignolet : « murs pleurant aux brutales caresses du vent nocturne », ah, j’adore!

Écrit par : fashion | 18/09/2008

@ Lilly : chouette, j’aide à exhumer les auteurs un peu oubliés ;o) Et je t’envoie l’adresse par mail!

@ Fashion : et moi j’adore le terme « croquignolet » :o) Oui c’est un joyeux n’importe quoi, l’auteur en fait beaucoup trop mais c’est ça qu’on ADORE !

Écrit par : Lou | 18/09/2008

Wow… j’adore quand ça part dans tous les sens… et ça semble le cas ici! Notons allègrement! :))

Écrit par : Karine | 19/09/2008

la dernière nouvelle de Mary Dollinger dans la collection « En attendant le bus » sort très bientôt.Puis-avoir votre adresse pour un envoi.Il y a en ce mùoment un petit concours sur son blog pour deviner le titre.Bon W.E.

Écrit par : alain | 20/09/2008

@ Karine : complètement loufoque, ça devrait te plaire effectivement ! :o)

@ Alain : Merci de me signaler ce concours. Je viens également d’envoyer un email ! Très bon week-end !

Écrit par : Lou | 20/09/2008

Je suis vraiment un cas désespéré. Je n’arrive même pas à tenir mes challenges. Je note ce titre parceque j’aime le genre fantastique. Pour ce qui est des challenges, je crois que je vais m’arrêter là. Pareil pour le challenge ABC. Une catastrophe.

Ton avis est toujours aussi bien développé, j’adore. Bon week-end !

Écrit par : Laetitia la liseuse | 20/09/2008

@ Laetitia : Je ne tiens pas non plus mes challenges, du coup je n’en fais plus sauf un challenge anti-PAL ultra personnel… que je ne tiens pas non plus :o) C’est pour ça que nous avons proposé ces lectures sans en faire un challenge… puisqu’on peut tout à fait y participer avec une seule lecture. Alors peut-être que tu seras tentée ! En tout cas je vais faire une note récapitulative avec les titres envisagés et les notes déjà faites en espérant tenter d’autres lecteurs :p

Écrit par : Lou | 21/09/2008

Heureux de constater qu’il y a encore des lecteurs pour celui qui écrivit un jour, dans sa hâte: « Sa main était froide comme celle d’un serpent »… J’avais adoré « Rocambole », en son temps, avec ses résurrections improbables.

Écrit par : Daniel Fattore | 23/09/2008

@ Daniel Fattore : Ponson du Terrail ne ménage pas ses effets, quelles qu’en soient les conséquences !:o) Quoi qu’il en soit ce roman aux allures pseudo-gothiques m’a vraiment donné envie de lire d’autres récits du même auteur, parfaits pour les soirées et week-ends ennuyeux !

Écrit par : Lou | 23/09/2008

ah chouette, ça me plait drôlement ! Il y a eu une réédition ou bien il faut fouiller dans la biblio des grands-parents ? ou bien tu nous le prette ?

Écrit par : liliba | 23/09/2008

@ Liliba : je l’ai déjà prêté et je ne sais pas quand je vais le récupérer :p Mais on le trouve sans problème sur Internet, il a été réédité récemment. Dans mon cas je l’ai eu à la FNAC mais ils l’ont rarement… j’avais déjà regardé plusieurs fois avant de le trouver !

Écrit par : Lou | 23/09/2008

Je l’ai lu il y a quelques années et je n’en avais gardé aucun souvenir. Et le résumé n’a pas davantage activé ma mémoire : je crois vraiment que je ne l’avais pas aimé, mais alors pas du tout…

Écrit par : Porky | 02/11/2008

@ Porky : mais euh… j’ai bien aimé ! :o)

Écrit par : Lou | 02/11/2008

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