Lucy Worsley, My Name is Victoria

Pour le thème victorien de février de A Year in England, j’ai sorti de ma PAL ce roman jeunesse de Lucy Worsley acheté il y a deux ou trois ans lors d’une de mes virées à Waterstones. Après m’être régalée avec The Austen Girls, j’avais hâte de me plonger dans ce roman traitant de la future reine Victoria. Malheureusement, le charme a moins opéré cette fois-ci.

Le roman est raconté du point de vue de Miss V. Conroy qui, enfant, est conduite au Palais de Kensington pour servir de compagne à la jeune princesse. Celle-ci vit en recluse, entourée et surveillée par quelques adultes, majoritairement allemands. Et Sir Conroy, le père de Miss V. Les débuts sont compliqués : Victoria est colérique et change rapidement d’humeur. Elle se plaint d’être enfermée et espionnée sous les ordres conjugués de Sir Conroy et de sa propre mère, dans le cadre de ce qu’elle appelle « le système ». Ce fameux système vise à la protéger des complots, des maladies, et à lui permettre également d’accéder à la royauté sans être trop associée à ses oncles rois, tous débauchés et décriés par le peuple. Victoria est probablement la dernière chance de la monarchie anglaise et il est hors de question de prendre des risques inconsidérés à son égard. Quand Miss V. arrive, elle est vue en ennemie, car c’est la fille de l’instigateur du système. La princesse dit à la jeune fille tout le mal qu’elle pense de son père mais Miss V. fait confiance à celui-ci et joue en effet les espionnes en pensant qu’elle sert indirectement les intérêts de la future reine. Son père lui dit toujours : « You can always count on a Conroy ».

Avec le temps, les jeunes filles grandissent, se rapprochent. Elles se ressemblent beaucoup aussi. Et Miss V. commence elle aussi à douter du « Système », et à s’interroger sur les motivations de son père. Il semble clairement œuvrer par ambition personnelle et utiliser des moyens contestables pour arriver à ses fins – on s’en doutait assez rapidement dans la première partie.

Le règne de Victoria approche. Y aura-t-il une période de régence, qui donnerait à Sir Conroy les pleins pouvoirs, grâce à son influence sur la Duchesse ? Quel sera le rôle de Miss V. après ? Et puis, comment Victoria finira-t-elle par épouser le prince Albert, que l’on va croiser ainsi que d’autres cousins allemands ?

Que penser de ce roman, alors ? Sur le plan positif, j’ai été très intéressée par le fonctionnement du « Système », les descriptions de Kensington et des appartements miteux de la princesse, à qui l’on propose du pain rassis et du lait verdâtre. Les jeux de pouvoir entre les adultes, les humeurs de la Duchesse, l’influence de John Conroy. La succession de rois précédents. Lucy Worsley décrit également les différents appartements, met en scène d’autres personnages royaux à Kensington et Windsor : Princess Sofia, le fils du Duke of Cumberland qui est soupçonné d’avoir cherché à éliminer Victoria pour régner. Dans les scènes intéressantes, il y a aussi ces rares moments où la foule a l’occasion d’apercevoir Victoria et de lui témoigner de la sympathie. La princesse est apparemment perçue comme une prisonnière, ce qui corrobore ce qu’elle-même dit. La lecture du roman a aussi été l’occasion de relire à plusieurs reprises l’arbre généalogique présenté au début, qui aide à mieux comprendre quel ordre de succession a permis à Victoria d’accéder au trône.

En revanche, j’ai été gênée par plusieurs éléments dans ma lecture. En mineur, un roman assez long à démarrer, ce qui s’est traduit par une lecture poussive de la première moitié, alors que j’ai dévoré la seconde. Dans la première partie également, un intrus entre dans la chambre de Victoria la nuit et Lucy Worsley n’exploite pas du tout la tension dramatique de l’épisode. Certes, on met des barreaux aux fenêtres le lendemain, mais aucune tentative de course-poursuite ne s’ensuit quand l’évènement se produit en pleine nuit et l’intrusion suscite peu de réactions sur le coup. Bref, l’évènement tombe à plat. Quoi ? Un homme vient d’entrer pour tuer la princesse ? Ah là là. C’est embêtant. Heureusement que Miss V. était là pour donner l’alerte. Il y aurait tout de même de quoi s’affoler un peu. Mais c’est surtout le rebondissement final qui a de quoi laisser pantois, en s’écartant brutalement de la réalité historique et en nous entraînant sur une piste osée… mais peut-être un peu trop. En tout cas beaucoup trop improbable par rapport à ce qu’on pourrait attendre de Lucy Worsley, historienne, et dont le roman The Austen Girls me semblait davantage tenir la route. Si vous voulez en savoir plus sur ce retournement de situation improbable, lisez le paragraphe suivant. Sinon, si vous êtes malgré tout tentés par ce roman – qui, encore une fois, présente un certain nombre de qualités indéniables, mieux vaut arrêter ici la lecture et vous faire votre propre opinion.

[SPOILERS] Dans la vraie vie, on sait que Victoria et Albert forment un couple royal presque mythique. C’est la mort du prince Consort qui a conduit la reine à porter le deuil jusqu’à la fin de sa vie, influençant fortement le rapport à la mort jusqu’à la fin du XIXe. L’époque victorienne voit la naissance de vrais empires du deuil, ces grands magasins de mode, version funèbre. La création de grands cimetières, du train funèbre célèbre. Les séances de spiritisme, et ainsi de suite. Et tout ça est en partie lié aux choix de vie de la reine suite au décès d’Albert. Dans le roman, Albert et la demoiselle de compagnie Miss V. tombent amoureux, s’écrivent. Ce premier passage m’a interpelée, mais je me suis demandé s’il y avait un épisode historique dont je n’avais pas encore connaissance et me suis promis de me documenter à la suite de ma lecture. Seulement voilà, je m’attendais à ce que cette pauvre Miss V. retourne dans l’ombre et s’efface devant le mariage de la reine avec son cousin. Eh bien non. Par un formidable rebondissement, Miss V. et Victoria décident de changer d’identité, dans l’intérêt de la princesse incapable de régner, pour le bien du royaume et, cherry on the cake, pour permettre un mariage avec Albert. Évidemment, on aime les histoires qui se finissent bien, mais un tel arrangement avec la réalité fait sortir le récit de ses rails… Trop improbable pour être envisagé (ou on ne nous a pas tout dit…). J’ai eu beau apprécier les dernières pages où la nouvelle reine s’affirme, je suis restée en dehors devant cette solution incongrue. Le roman en tant que tel tient la route, mais il s’approche trop de la véritable histoire par moment pour pouvoir s’en détacher aussi brutalement sans dommages.

Un avis en demi-teinte donc, même si ma lecture a été globalement agréable et plutôt instructive. De Lucy Worsley, je lirai peut-être en priorité la biographie de la reine Victoria avant d’envisager de lire de nouveau un roman jeunesse.

372 p

Lucy Worsley, My Name is Victoria, 2017

7 thoughts on “Lucy Worsley, My Name is Victoria

  1. Woups ! Dommage pour ce twist improbable, le roman avait l’air sympa. J’avoue, j’ai lu le spoiler, je ne pense pas que je lirai le roman.
    Quelle couverture en tous cas !! 🙂
    Ça me fait que je dois toujours commencer à regarder la série Victoria. J’espère qu’elle me plaira plus que The Crown, qui m’a ennuyée :/

    1. Je n’ai pas fini de voir The Crown. J’adore, mais j’ai eu du mal à adhérer au changement de cast, j’aimais beaucoup le 1er. J’aimerais bien voir la série Victoria aussi. J’ai aussi deux films dont un prêté depuis longtemps, j’aimerais les revoir.
      Quant au twist, oui, comment dire… quel scoop !

    1. ça dépend vraiment ce qu’on cherche, mais j’avoue que l’inexactitude historique m’a perturbée, surtout après une mise en contexte assez réaliste, et venant de Lucy Worsley.

  2. ok je vais donc moi aussi noter plutôt la biographie de la reine Victoria du même auteur (et je crois que j’avais noté l’année dernière The Austen Girls lors du mois anglais ^^ mais ça me permet de me le remettre en mémoire ^^). Dommage, le résumé me tentait bien mais ce que tu en dis, beaucoup moins ^^

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