Après avoir lu Le Poids des Secrets, j’étais impatiente de retrouver Aki Shimazaki. J’ai lu l’an dernier les deux premiers volumes du Cycle du Yamato, relus cette année avec l’intégralité des autres (courts) romans. Je n’avais pas procédé de cette façon avec le cycle précédent et je trouve très agréable de ne pas laisser beaucoup de temps s’écouler entre la découverte de chaque tome, lié d’une certaine manière aux précédents.
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Le cycle s’ouvre avec Tonbo (en partie dégusté au soleil le premier jour de grand beau temps de mars), dont l’action se déroule en 1981. C’est un univers très nouveau qui s’ouvre aux lecteurs du cycle précédent. Nous rencontrons Takashi Aoki, commercial au sein de la prestigieuse société Goshima. Le jeune homme est entièrement dévoué à son entreprise : un beau salaire et une carrière prometteuse, mais de gros horaires, de nombreux déplacements, des missions à l’improviste le dimanche lorsqu’il doit servir d’interprète pour de grands clients en visite au Japon et enfin, des soirées passées entre collègues. C’est ici la vie typique d’un shôsha-man (employé d’une firme commerciale) que nous découvrons.
Egalement employé par la société Goshima, le père de Takashi est décédé brutalement lors d’un voyage d’affaires en Europe. On apprendra plus tard que l’entreprise a sa part de responsabilité dans sa mort.
Dans le cadre de ses cours de français, Takashi rencontre Yûko Tanase, temporairement affectée à la réception de la société Goshima. Notons toute l’ironie de la chose : Yûko est une jeune femme instruite et intelligente mais n’occupe qu’un poste subalterne. Tous deux tombent amoureux, décident de se marier, mais, brutalement, une rumeur circule au sein de l’entreprise : Mademoiselle Tanase aurait accepté la demande en mariage du fils de la prestigieuse banque Sumida, qui finance Goshima. Une nouvelle fois, la société ne semble pas être étrangère à cette situation.
Dans Zakuro nous retrouvons Tsuyoshi Toda, cadre de la société Goshima. Dans le premier tome, il est le mentor du jeune Aoki au sein de cette société.
Nous voilà quelques années auparavant, à l’époque où il intervient justement pour que la famille du jeune homme soit décemment indemnisée suite au décès brutal. Mais c’est surtout dans le cadre de son foyer que nous le voyons, entouré de son épouse, maîtresse de cérémonie du thé. C’est l’aîné de la fratrie. De retour de la guerre où il a vu tous ses camarades périr, Tsuyoshi a dû prendre la charge de chef de famille, son père Bânzo Toda n’étant jamais rentré de Sibérie où il avait été déporté.
Aujourd’hui, Tsuyoshi a perdu tout espoir de retrouver son père, tandis que sa mère, qui perd la mémoire, est persuadée que Bânzo Toda reviendra. On croise également les plus jeunes frères et soeurs ainsi que Satoshi, son neveu souhaitant devenir un jour cuisinier mais s’interrogeant surtout sur les zones d’ombre de son manuel d’histoire.
Un jour, un ami journaliste de Tsuyoshi lui dit avoir rencontré son père à Los Angeles et avoir découvert qu’il tient un restaurant à Yokohama et s’est remarié. Une nouvelle qui bouleverse cet homme après des années d’attente, puis de résignation.
Troisième tome du cycle, Tonbo met en scène Nobu, qui incarnait l’anti-thèse du cadre parfait chez Goshima. Nobu travaillait bien mais refusait les sorties entre collègues le soir et le week-end, passant honteusement pour un « bon père de famille ». Après avoir été sommé de partir au Brésil par un supérieur hiérarchique ne l’appréciant pas, Nobu a démissionné et créé une école du soir, dénommée Tonbo (libellule) en hommage à son père, passionné par les insectes. Cet homme a été accusé de la mort d’un de ses élèves, décédé après une gifle. L’honneur du père n’a jamais été lavé et il s’est suicidé.
Un jour, un ancien élève de cet homme se présente chez Nobu pour apporter un éclairage nouveau sur la situation ayant entraîné la gifle, inattendue de la part d’un homme réputé pour son calme.
Tsukushi nous permet de retrouver Yûko, désormais mariée à l’héritier de la banque Sumida. Voilà qui nous permet de mieux comprendre pourquoi elle a éconduit son ancien fiancé. Regrette-t-elle sa décision ? Celle-ci a-t-elle été contrainte et forcée ? Est-elle heureuse dans le cadre de sa nouvelle vie ?
C’est le quotidien d’une riche femme au foyer que nous découvrons. Yûko vit dans une certaine opulence, bien intégrée par sa belle-famille, et en harmonie avec son mari. Elle a une fille (mais on sait qu’elle n’est pas de lui).
Un jour, elle découvre une boîte d’allumettes provenant d’un club homosexuel. Elle ferme les yeux mais, on s’en doute, elle sera vouée à une grande déconvenue d’ici la fin de ce tome.
Dans ce dernier tome, Yamabuki, c’est l’épouse de Tsuyoshi Toda qui prend la parole. La voici avec son mari, tous deux désormais âgés. Ils vivent toujours en harmonie, mènent une vie simple faite de repos, de promenades au parc, de visites au café et à la librairie. Aïko partage avec nous le souvenir de son premier mariage raté par miaï (mariage arrangé) et surtout, de sa rencontre coup de foudre avec Tsuyoshi dans un train. C’est une belle histoire d’amour, d’autant plus touchante que nous avions découvert d’autres facettes de la famille Toda auparavant. La fin est particulièrement émouvante.
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Un nouveau cycle réussi, même si j’ai préféré certains romans à d’autres : les deux tomes consacrés aux Toda ainsi que le tout premier, aux allures de tragédie moderne. Les personnages de ces romans sont particulièrement attachants, tandis que j’ai eu peu de sympathie pour Yûko Tanase dans Tsukushi et que Tonbo m’a fait l’effet d’un tome quelque peu hors du cycle. J’aurais trouvé plus logique de consacrer un tome à la fille de Yûko et Takashi ou bien, à l’épouse de Takashi, qui vit désormais avec lui et leur fille à Montréal. Il y a comme un goût d’inachevé lié à l’absence de ces points de vue. J’avais eu le même ressenti avec le premier Cycle. Bien entendu, c’est au lecteur d’imaginer ce qu’il souhaite pour la suite.
Si les thématiques sont très différentes par rapport au premier cycle, la dimension historique est toujours très présente : négociations avec les Américains pour récupérer Okinawa, histoire de la déportation en Sibérie et surtout, de l’organisation des rapatriements. Croissance économique et rôle des salariés dans la reconstruction du Japon. Souvenirs de la guerre et des bombardements. A de nombreux moments, ce cycle m’a interpelée sur la place de la femme dans la société japonaise : respectée dans un cadre précis et cantonnée à certains rôles d’épouse, d’employée ou de maîtresse de cérémonie du thé. Ce sont les hommes qui font carrière.
Une fois encore, nous allons et venons entre passé et futur, croisant des personnages à différents moments de leur vie. C’est toujours aussi délicat et poétique. L’écriture fine et épurée vise à l’essentiel. Une plume unique en son genre.
Aki Shimazaki, Au coeur du Yamato (cinq tomes), 2006 – 2012
Maintenant que j’ai mis le doigt dans l’engrenage, je vais tous les lire (avec délectation !)
Quel bonheur de pouvoir les découvrir !
J’espère avoir l’occasion de découvrir ce cycle-ci ! Le format de Shimazaki (ces courts ouvrages faciles à prendre en main et à emporter avec soi) me plaît beaucoup et sa plume m’a convaincue lors de mes 2 premières découvertes! bonne semaine à toute la famille 🙂
oh oui je veux lire ses cycles mais en entier…ouiiii..c delicat…c’est beau….
J’espère que tu te laisseras tenter, ça vaut vraiment le coup.
oh je suis tentee….le seul probleme les trouver…..mais normalement je debarque en decembre en France…lol
J’ai très envie de découvrir l’auteure depuis un précédent mois japonais mais je crois que je commencerai par son cycle le plus connu que je trouve spontanément plus attirant.