Ma chère Lou,
Le billet écrit à quatre mains sur Catalène Roca m’a bien amusée, que je te propose un échange de mails autour d’un auteur anglais, cette fois-ci. Après la lecture de Testament à l’anglaise que j’ai fort apprécié, je me suis donc lancée dans un nouveau roman de Jonathan Coe : La femme de hasard*. Que n’ai-je eu raison d’ouvrir ce petit livre me suis-je dis tout d’abord ! C’est bourré d’humour, avec des interventions de l’auteur et un personnage principal, Maria, dont on nous raconte l’adolescence, qui a pour modèle philosophique la vie de son chat : » Cette créature, un petit matou marron et blanc nommé Shefton, n’avait que deux ans, mais son attitude et sa philosophie de la vie contredisait son jeune âge. Maria l’aimait sincèrement, d’un amour fondé, comme il se doit sur un profond respect. Shefton semblait avoir tout compris à la vie, sur tous les plans. Les buts de son existence était peu nombreux, et tous admirables : se nourrir, rester propre, et par-dessus tout dormir« .
Et puis passé les premières pages, ma lecture est devenue fastidieuse. La femme de hasard, c’est l’histoire d’une vie mais d’une vie gâchée et l’infinie suite des déboires de notre chère Maria finit par lasser. Il est aussi question du bonheur et bien sûr de hasard. Mais cette réflexion sur le bonheur n’est guère plaisante : » Honnêtement, je commence à en avoir marre de Maria et son histoire » dit le narrateur. Comment l’auteur a-t-il fait pour deviner mes sentiments ? Moi aussi je ressentais cet ennui. Mais je ne veux pas en dire trop et je vais te laisser le plaisir ou le déplaisir de découvrir ce livre : Les pensées de Pascal paraissent presque un divertissement devant le désintérêt que m’a causé le livre ! J’ai donc fini ma lecture agacée. Quel ennui ! Quelle perte de temps ! Vraiment j’ai hâte de connaître ton avis pour savoir comment tu perçois cette histoire : va-t-elle t’amuser ? Ou va-t-il te tomber des mains ?
Maggie.
Dear Maggie,
C’est avec un affolement certain que j’ai reçu ton mail contenant ces quelques lignes sur Jonathan Coe. Bien évidemment, je n’avais toujours pas ouvert La Femme de Hasard qui menaçait de s’écrouler dans un carton (où j’ai a priori laissé se glisser quelques objets dont j’ai un besoin impératif, mais c’était couru d’avance !). J’étais par ailleurs en train de suer sang et eau sur une autre lecture, l’esprit passablement ailleurs puisque, au risque de me répéter, je devais quitter mon appartement ce week-end et j’ai été assez (pré)occupée ces derniers temps. Toujours est-il que j’ai décidé de saisir le taureau par les cornes et de ne pas remettre au lendemain ce qui pouvait être fait le jour-même (sur ce coup, je me suis impressionnée). Je suis donc courageusement partie travailler sous un soleil de plomb en glissant ce petit roman dans mon sac et en croisant les doigts pour ne pas être déçue, car je n’ai pas envie de lire grand-chose en ce moment et mes livres et moi boudons régulièrement dans notre coin depuis le début de l’été.
Bref, pour ceux qui vont débarquer sur nos blogs en ce moment et se demander s’il n’y a pas par ici une erreur de transmission, une fausse manip ou une preuve manifeste de la théorie du complot, cette femme de hasard est donc une certaine Maria, héroïne assez atypique en ce sens qu’elle mène une vie follement ennuyeuse, se fait trois amis en dix ans (nous croiserons donc peu de personnages en cours de lecture), va à Oxford sans que le lecteur n’ait d’information bien précise sur la formation qu’elle suit (diantre ! c’est Oxford tout de même ! mais avec l’enthousiasme forcené de Maria, on pourrait tout aussi bien se trouver à Cardiff).
Voilà une personnalité curieuse, que le narrateur s’amuse à décortiquer en intervenant en effet fréquemment via divers commentaires à l’attention du lecteur, lui précisant les conditions météorologiques afin de satisfaire son caractère tatillon, lui expliquant qu’il en a maintenant assez d’utiliser le temps présent ou que, puisque Maria se souvient de certaines époques sous un soleil d’été, tel et tel chapitre seront exempts de pluie, même si l’histoire se déroule en Angleterre (cela se passe de commentaire). Maria ne s’enthousiasme jamais, ne voit pas pourquoi il faudrait toujours sourire ou s’emporter, ni en quoi il est nécessaire de faire partager à ses congénères un état de satisfaction en faisant preuve d’une spontanéité excessive. C’est un personnage morne d’apparence et dont on suit les pas avec une certaine appréhension, ne voyant pas bien comment l’histoire pourrait s’éclairer avec une héroïne aussi sinistre – et si banale que l’on finit par s’interroger sur ses propres passe-temps et réactions afin de déterminer si elles ressemblent un tant soit peu à celles de Maria.
Personnellement j’ai une nouvelle fois été séduite par cet écrivain, qui maîtrise divinement l’art de la narration, produit des textes très divers et a su me surprendre au cours de mes deux lectures. En revanche, je pense que c’est un roman à lire plus ou moins d’une traite : en s’attardant, on risque de trouver que l’histoire stagne et je dois avouer que s’il avait été plus long, je l’aurais peut-être trouvé un peu ennuyeux moi aussi. En l’occurrence, mon seul regret concerne la fin : la chute un peu brutale laisserait presque penser que Coe ne savait plus quoi faire avec cette héroïne statique, pas assez passionnée pour se suicider ou trouver une occupation digne d’intérêt, pas assez résolue pour changer réellement de vie et pas assez sociable pour nous faire croiser de nouveaux personnages plus intéressants (constat également fait par le narrateur qui s’excuse de la platitude avec laquelle sont abordés les seconds rôles). Enfin, malgré ça, j’ai enfin réussi à savourer un roman en cette période peu propice à la lecture… tout ça grâce à ton mail anxiogène au départ… alors merci à toi !
Lou, pleine de courbatures et prête à se plonger dans la préparation de son voyage en Angleterre (oh yeah).
PS : nous n’avons pas dû lire la même version des Pensées, ou alors… mmh, Maggie, de gros soupçons pèsent désormais sur toi concernant le contenu de la théière posée près de toi lorsque tu as affronté Pascal…
Ma chère Lou très chanceuse d’aller en Angleterre,
Permets-moi de riposter en deux lignes, sinon aucun lecteur ne s’aventurera à lire ce billet fleuve, genre cher aux romanciers du XIXeme siècle que plus personne ne lit ( ?!) : tout d’abord je suis ravie de voir que ce livre t’a plu et deuxièmement, non, quelques gouttes de whisky ne sont pas tombées pas inadvertance, dans ma tasse, pendant ma lecture des Pensées ! Qu’insinues-tu ? Quoique à bien y réfléchir, ça m’aurait rendu la lecture de Pascal moins pénible !
Sur ce je t’embrasse et je souhaite beaucoup de soleil pour ton séjour londonien.
Maggie
* Il s’agit du premier roman de l’auteur.
183 p
Jonathan Coe, La Femme de Hasard, 1987

Une lecture partagée avec Maggie (dont les neurones ont visiblement moins souffert de la chaleur que les miens). Et l’avis de Pitou (chez qui j’ai d’ailleurs trouvé la photo de l’auteur).
Et ici, le site et blog de Jonathan Coe.
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Avis aux amis blogueurs, lecteurs et passants occasionnels :
Je profite de notre fête nationale pour partir quelques jours chez nos amis britanniques. Je serai souvent absente cet été mais je pointerai le bout de mon nez par ici de temps en temps, of course !
En attendant, bonnes vacances à tous ceux et toutes celles qui partent bientôt ! Quant à moi, je prépare maintenant les quelques heures que je passerai demain à Londres avant de partir pour le Yorkshire, aussi folle de joie qu’une petite fille (et plus encore !). Ci-dessous, des photos de lieux que nous envisageons de découvrir si nous avons le temps (Sherwood Forest, Haworth où vécurent les Brontë, la ville de York). Départ à 8h demain !




Commentaires
ohhhh ! Ces photos sont tout simplement sublimes ! Bon voyage !
Écrit par : maggie | 13/07/2010
Écrit par : Miss Babooshka | 14/07/2010
et bin bon voyage…hummm ces photos sont sympas bon voyage!…;o)
Écrit par : rachel | 14/07/2010
Les premiers romans de Coe ne sont pas ses meilleurs, même si j’avoue ne pas avoir lu celui-ci encore. Le seul non lu avec son dernier !
Écrit par : Manu | 14/07/2010
je te souhaite un très agréable séjour british !
Écrit par : niki | 14/07/2010
Pour ce premier roman de Jonathan Coe, j’avais apprécié même si ce n’est pas son meilleur.
Écrit par : Maeve | 14/07/2010
Passe de bonnes vacances!
Écrit par : Voyelle et Consonne | 14/07/2010
Écrit par : Graphisme blog | 15/07/2010
Sinon toujours aussi amusant vos échanges de mails ! Et là je suis surprise, un Jonathan Coe que je ne connais !!!! Mince moi qui croyait avoir fait le tour de ses romans ! Heureusmeent que vous êtes là pour combler mes manques ! 😉
Écrit par : Titine | 15/07/2010
Écrit par : canthilde | 18/07/2010
Écrit par : dasola | 20/07/2010
Écrit par : Naïk | 21/07/2010
Si ça t’intéresse de continuer l’aventure COE viens faire un petit tour sur nos blog 😀
Écrit par : myrddin | 24/07/2010
@ Miss Babooshka : je suis assez curieuse de découvrir ses autres livres…
@ Rachel : dommage, je me suis vraiment régalée. Justement j’ai trouvé intéressant cette description minutieuse d’une fille qui ne sait pas vraiment profiter de la vie (ce qui finalement me semble assez commun). Allez je te tenterai peut-être avec un autre Coe ;o)
@ Manu : j’ai failli acheter son dernier en Angleterre mais j’étais déjà bien chargée… du coup j’ai songé à ceux qui m’attendaient déjà dans la bibliothèque de mon père !
@ Niki : tu sais j’ai lu mon tout premier il y a quelques mois à peine… mais je me dis que je vais me régaler avec ceux que je ne connais pas encore… et le séjour anglais était très agréable (j’ai d’ailleurs pensé à tes vacances en découvrant un jardin) !
@ Maeve : elles étaient excellentes (normal en Angleterre ;o)).
Écrit par : Lou | 25/07/2010
@ Titine : c’est parce que je n’en savais rien :o) Avec mon déménagement j’ai eu le temps de me pencher sur la question la veille de mon départ en Angleterre, et je n’étais pas sûre d’aller dans ces endroits même s’ils me tentaient. On ne savait même pas si on louait une voiture… et finalement nous y sommes allés, mais évidemment j’ai pensé bien fort à toi en visitant la maison familiale et l’église !!! (mr Lou pourra témoigner) Sinon je serais ravie de te prêter le Jonathan Coe, et que dirais-tu d’une lecture à trois la prochaine fois ?
@ Canthilde : pour être fraîche, elle était fraîche, nous avons dû dépasser les 20° quelques minutes seulement et il faisait globalement un temps très anglais : légèrement pluvieux, frais, sans parler du vent dans la lande :o) Mais bon je suis toujours folle de joie et excitée comme une petite fille en Angleterre !
@ Dasola : je ferai des billets sur mon voyage, et notamment sur Haworth, c’est promis !! Un voyage très émouvant pour moi, j’avoue que je n’ai jamais autant senti la présence d’un auteur que dans le parsonage…
@ Naïk : merci !!!
@ Myrddin : encore un challenge ? mais je ne vais pas m’en sortir :o) Allez je vais y jeter un œil comme j’ai bien envie d’en lire d’autres !!
Écrit par : Lou | 25/07/2010
Écrit par : rachel | 25/07/2010
Écrit par : niki | 25/07/2010
@ Niki : oui oui, il faut juste que je me pose un peu sur la préparation des billets, du coup je pensais en publier un par semaine en septembre, avec grosso modo un billet par jour de vacances.
Écrit par : Lou | 25/07/2010
Écrit par : rachel | 25/07/2010
Écrit par : Karine:) | 27/07/2010
@ Karine:) : c’est vrai que l’an dernier tu es retournée en Angleterre… j’y suis allée plein de fois mais presque toujours à Londres, sauf une fois dans le Kent et une autre à Rye et Canterbury. Du coup ça a été une très très très belle découverte, très émouvante pour moi !
Écrit par : Lou | 29/07/2010
Écrit par : rachel | 30/07/2010
Écrit par : Tiphanie | 18/08/2010
J’ai beaucoup aimé le rapport philosophique qu’à Maria vis-à-vis de son chat dont tu parles. C’était mon premier Coe mais j’aime déjà donc je pense tous les lire dans l’ordre ou presque !
Écrit par : Morgouille | 03/04/2011
@ Morgouille : alors je vois que tu as eu le même coup de coeur que moi ! Si tu veux j’ai écrit trois autres billets si tu cherches des idées pour le prochain 🙂
Écrit par : Lou | 03/04/2011
J’ai Les nains de la mort dans ma PAL donc ce sera certainement mon prochain… Après, j’essayerai de trouver Une touche d’amour et puis je lirai les autres dans l’ordre jusqu’au dernier ! 🙂
Écrit par : Morgouille | 03/04/2011
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