Âmes sensibles, passez votre chemin ! Car si vous ne supportez pas l’idée de voir les héros des romans que vous lisez maltraités, sachez que dans Zuleika Dobson de Max Beerbohm, le narrateur annonce la couleur dès la page 39 en glissant lors de se description du duc, principal personnage de l’intrigue (hormis l’héroïne éponyme): «Il est hors de doute que sans sa mort prématurée, il eût, là encore, fini brillant premier de l’année commencée.»
Max Beerbohm fait partie de ces classiques anglais un peu oubliés que je suis toujours ravie de découvrir. Malgré tout, je dois avouer que ma lecture a parfois été laborieuse car l’auteur se donne beaucoup de peine pour rendre Zuleika antipathique et réussit si bien que j’avais parfois envie de jeter mon livre dans la Seine en souhaitant bon voyage à la demoiselle en question.
Nous sommes à Oxford au début du XXe. Prestidigitatrice rendant amoureux tous les hommes qu’elle croise, Zuleika rend visite pour la première fois à son grand-père, recteur. Sans surprise, tout Oxford tombe amoureux d’elle, jusqu’au duc qui s’était pourtant enorgueilli jusque-là de n’avoir jamais succombé au chant d’une quelconque sirène. Mais si Zuleika est vaniteuse et met un point d’honneur à attirer tous les regards, elle est aussi suffisamment blasée pour ne pas accorder beaucoup d’intérêt à ses soupirants. Aussi, lorsqu’elle rejette le duc, celui-ci décide de mourir pour elle, honneur oblige. Ce que la coquette en question accepte de suite, mettant ceci dit un point d’honneur à régler quelques détails cruciaux : « A propos, murmura-t-elle, j’ai une petite faveur à vous demander. Demain, au moment suprême, voudrez-vous, s’il vous plaît, prononcer mon nom à haute voix, pour que tout le monde l’entende ? (…) De sorte que nul ne puisse jamais dire que ce n’est pas pour moi que vous êtes mort, vous comprenez ». (p 148)
Agréablement traduit, très bien illustré, ce livre est une curiosité dont j’ai apprécié de nombreux passages même si, au final, je reste un peu dubitative. Avec un récit qui tient la route malgré son absurdité – ce qui n’était pas gagné à première vue, Max Beerbohm construit une fable moderne volontairement ridicule, le ton érudit et les références classiques servant à alimenter une farce macabre et une histoire sans queue ni tête. Un principe séduisant mais un roman auquel je reprocherais en ce qui me concerne quelques longueurs, avec un récit parfois un peu monotone, peut-être en raison de la description « clinique » que le narrateur fait de ses personnages irréels, qui manquent un peu d’épaisseur. Là où le peu d’action aurait pu être compensé par la psychologie, j’ai parfois trouvé l’effet rendu un peu trop artificiel – effet sans doute recherché par l’auteur. C’est sans doute également parce que Zuleika m’horripilait que l’attitude absurde des étudiants m’a un peu agacée.
Mais si vous cherchez un classique oublié, un peu d’originalité ou une plume soignée, ne boudez pas Zuleika Dobson, qui mérite d’être découvert – de même que l’éditeur dont la présentation pleine d’humour a éveillé ma curiosité.
Et pour finir, une réplique de Zuleika que j’adore, lorsqu’elle s’adresse à un garçon ne s’étant pas noyé pour elle comme il l’avait promis :
« Quant à vous, Seigneur Foie jaune qui vous penchez là, et, je vous le dis franchement, qui ne ressemblez à rien tant qu’à une gargouille qu’aurait sculptée un maçon ivre pour une chapelle méthodiste de l’un des plus vils faubourgs de Leeds ou de Wigan, je félicite le dieu des eaux et ses nymphes, dont le royaume aquatique a échappé aujourd’hui, grâce à votre poltronnerie, à la pollution de votre contact. » (p324)
Un grand merci aux éditions Monsieur Toussaint Louverture et à Babelio pour cette découverte.
L’avis de Aloysa, Amélie, Folfaerie, Maggie, Mangeclous, Paikanne,
349 p
Max Beerbohm, Zuleika Dobson, 1911
****
Et je suis de retour d’Angleterre, après cinq jours idylliques dont je compte vous parler bientôt, photos à l’appui. Je n’ai presque pas accès à Internet (et plus de logement fixe) mais je programme quelques billets pour cet été.
Et n’oubliez pas notre lecture commune autour de Nick Hornby pour le 1er août (proposée avec Pickwick) !

Commentaires
Écrit par : rachel | 25/07/2010
Écrit par : niki | 25/07/2010
Écrit par : Isleene | 25/07/2010
@ Niki : peut-être que nous arriverons à te tenter :o)
@ Isleene : tiens-moi au courant si tu le lis !
Écrit par : Lou | 25/07/2010
Écrit par : rachel | 25/07/2010
Écrit par : juliette | 26/07/2010
Écrit par : LN | 27/07/2010
Écrit par : LN | 27/07/2010
Tu es sous l’eau? J’espère que ce n’est pas trop grave…
Écrit par : Hilde | 29/07/2010
@ Juliette : j’ai hâte de faire le tour de mes photos, je me poserai dessus pendant mes vacances !
@ LN : J’adorerais étudier à Oxford… mais sans Zuleika !
@ Hilde : j’ai hâte de te lire ! Sinon je suis juste débordée avec le boulot, plus d’appart et peu de temps pour moi… ça ira mieux bientôt !
Écrit par : Lou | 29/07/2010
Écrit par : rachel | 30/07/2010
Écrit par : Hilde | 30/07/2010
Écrit par : Manu | 30/07/2010
Écrit par : Irrégulière | 31/07/2010
@ Hilde : j’espère qu’on se verra, on s’appelle dans la semaine !
@ Manu : je pensais qu’il me plairait davantage à vrai dire…
@ Irrégulière : ce n’est pas mal, j’ai juste trouvé des passages plus intéressants que d’autres et l’ensemble un peu trop long…
Écrit par : Lou | 02/08/2010
Écrit par : rachel | 02/08/2010
Écrit par : Lilly | 02/08/2010
@ Lilly : oui j’ai un peu ramé à moment donné, puis je l’ai laissé pendant mon séjour en Angleterre et en le reprenant ça allait mieux.
Comment ça Cambridge ? tu y es allée ?! Mon copain avait été pris en thèse là mais il a refusé… de toute façon ça n’aurait pas été pratique pour moi, mais malgré tout, j’aurais bien aimé y aller un petit peu… je rêve encore de pouvoir un jour faire une année sabbatique et partir suivre des cours de littérature à Oxford ou Cambridge…
Écrit par : Lou | 02/08/2010
Écrit par : rachel | 02/08/2010
Écrit par : niki | 02/08/2010
Pour y aller, ça n’est pas très compliqué, il y a des trains directs entre Londres ou ses aéroports et Cambridge, et ça n’est pas long. A ta place, j’aurais demandé le divorce ! ;o) (je plaisante, mais c’est dommage)
Écrit par : Lilly | 02/08/2010
Écrit par : Melmelie | 02/08/2010
Mais en fait, je ne venais pas pour ça, seulement pour te signaler que le challenge du 1 % de la rentrée reprend pour 2010, je l’ai relancé sur mon blog. Si le coeur t’en dit…
Écrit par : Schlabaya | 08/08/2010
Écrit par : Joelle | 23/08/2010
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