Portraits de femme

ovalde_vies oiseaux.jpgMême si je suis bien incapable de distinguer le moindre oiseau une fois dépassé le niveau du héron, de la mouette et du pigeon, j’ai eu envie de découvrir ces Vies d’oiseaux de Véronique Ovadé, nouveauté parmi tant d’autres en période de rentrée littéraire.

Il y a quelques années, j’ai découvert dans le cadre du prix Landerneau Et mon coeur transparent. Je projetais déjà de lire Déloger l’animal, ce que je n’ai toujours pas fait (honte sur moi, je promets de faire pénitence et de relire un chapitre des Chroniques de Mudfog de Charles DiKens pour la peine). Bref, revenons-en à nos moutons ou plutôt au Coeur transparent (quelle charmante image) ; ce livre très particulier a beaucoup dérangé à l’époque : détesté ou adoré, il n’a laissé personne indifférent. Si je ne garde qu’un souvenir flou de l’intrigue (comme je le dis souvent, en cas de fin du monde et de destruction des librairies, je pourrais bien me contenter de relectures au vu de ma mémoire de poisson rouge)… si je ne garde qu’un souvenir flou de l’intrigue (disais-je avant cette digression), je me rappelle un réel coup de coeur, une lecture enthousiaste faite d’une traite (et que j’associe à un premier long séjour à Barcelone… on peut faire plus désagréable comme contexte) !

Des Vies d’oiseaux est un roman bien différent, de facture plus classique. Il y est question de Vida, qui vit dans sa maison de luxe comme une prisonnière, en apparence soumise à un mari qui aime lui rappeler qu’il l’a sortie de la fange et l’a faite telle qu’elle est aujourd’hui. Mais c’est aussi Paloma, la fille de Vida, qui occupe une place centrale dans le roman. Lasse de voir sa mère humiliée au quotidien, rejetant les valeurs bourgeoises de sa famille, Paloma s’est enfuie avec un séduisant jardinier au crâne couvert de cicatrices (oui je sais dit comme ça, ça donne envie !). Le récit commence avec l’histoire de Vida, suivie du point de vue de Paloma, avant un chapitre final au cours duquel les deux femmes se retrouvent.

Avec sensibilité, Ovaldé décrit une Vida qui se rebelle discrètement contre son mari, par le choix de ses habits, quelques remarques inopportunes venant gâcher ses dîners mondains… jusqu’au jour où elle fait la rencontre du lieutenant Taïbo qui incarne une autre forme de virilité et lui permet de quitter enfin son mari. Malgré tout, la délicate Vida ne peut partir sans la présence d’un nouvel homme : son émancipation n’est ainsi que partielle. Quant à Paloma, c’est un personnage à mon sens moins intéressant. Elle incarne le stéréotype de la gosse de riches privilégiée qui se retourne contre ses parents… pour finir par vivre dans des demeures de luxe innocupées pendant les vacances de leurs habitants. Certes, elle se pose en provocatrice en causant maints désagréments à ses anciens voisins et parents, mais elle continue à profiter sans remord de la vie dorée qu’elle se targue de mépriser. Un personnage plus figé, parfois desservi par des scènes un peu moins réussies : je pense par exemple à une dispute assez artificielle entre le père et la fille. Dommage, car ce roman reste très agréable à lire et soulève de nombreuses questions, traitant aussi bien du fossé qui sépare les différentes couches sociales (et ce d’autant plus que le cadre choisi est l’Amérique latine, où les inégalités se manifestent de façon plus visible) que de la question de la féminité et de la réalisation de la femme.

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236 p

Véronique Ovaldé, Des vies d’oiseaux, 2011

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Commentaires

Mouais… J’avais été moyennement enthousiasmée par Ce que je sais de Vera Candida et je ne suis donc vraiment pas sûre de vouloir tenter ce nouveau roman, surtout que les deux ont l’air de partager plusieurs points communs.

Écrit par : zarline | 03/11/2011

oui…effectivement…deux femmes tout a fait « caricaturales » en fin de compte…

Écrit par : rachel | 04/11/2011

« Déloger l’animal » peut-être un jour arrivera t-il dans ta boîte aux lettres ! ;-):))
Oui, car j’ai acheté ce roman suite au billet élogieux de Wictoria, je l’ai commencé pas trop accroché, il faudrait que je le reprenne un jour pour voir ! Voilà, mais dans son ensemble concernant l’univers de Véronique Ovaldé je suis à la fois séduite surtout pour son amour des mots et son admiration pour l’univers d’Alice de Lewis Carroll et en même temps doute, indifférence 😉

Écrit par : Malice | 04/11/2011

@ Zarline : j’avais hésité à lire « Ce que je sais de Vera Candida », je le ferai sans doute mais il me tente moins que d’autres.

@ Rachel : c’est un peu plus compliqué pour la mère, je m’interroge juste sur son choix final (j’aurais aimé qu’elle parte tout court… évidemment la question était de savoir où aller quand tu n’as pas de diplômes et as laissé ton mari t’entretenir toute ta vie) mais j’ai aimé sa façon de se dresser plus ou moins discrètement contre son mari… elle fait exprès de mettre les pieds dans le plat et de laisser penser son mari que tout ça vient du fait qu’il l’a sortie de ce qu’il considère être un caniveau.

@ Malice : oh là là ces enveloppes mystère ;o) Je me souviens de nombreux billets élogieux sur « Déloger l’animal », du coup ça m’avait donné envie de le lire (je me souviens que j’aimais aussi la couverture). Pour l’instant je trouve mes deux lectures vraiment très différentes… l’autre était plus perturbante mais m’a enchantée, celle-ci est intéressante mais me laisse un léger goût d’inachevé.

Écrit par : Lou | 05/11/2011

oui c vrai qu’a cette epoque c’etait pas evident…meme encore aujourd’hui pour beaucoup….mais bon s’enferrer avec un homme qu’on aime pas (c mon cote trop trop moderne…viiiii!)…en fin de compte cela me rappelle le role de julianne moore dans the hours (le personnage que tu n’aimais pas)…;o)…

Écrit par : rachel | 05/11/2011

Je ne suis pas tentée. Je viens de finir Ce que je sais de Vera Candida (lecture commune et billet prévu pour lundi avec Cynthia) et la question de la féminité et de la réalisation de la femme, je souhaite n’en plus faire l’expérience avec Ovaldé, je crois.
Par contre, Déloger l’animal, il faut le lire !!! 🙂

Écrit par : Reka | 05/11/2011

J’ai adoré ce roman, plus encore que Vera Candida…

Écrit par : Liliba | 06/11/2011

@ Rachel : c’est vrai, ça rappelle un peu ce rôle, même si en fait sauf erreur de ma part le roman a un cadre contemporain. Je suis bien d’accord avec toi sur le fond, et j’aurais aimé que Vida se réalise toute seule et non avec le lieutenant, mais le fait qu’elle mette du temps à quitter son mari est compréhensible.

@ Reka : ouh là, je sens que tu as été emballée :o) Je vais lire ton billet, tu m’intrigues ! J’ai comme tu le vois quelques réserves sur son approche des deux personnages féminins, même si j’ai bien apprécié en général.

@ Liliba : j’ai vraiment aimé « Et mon coeur transparent » mais je ne sais pas si je dois le conseiller tant il a déplu à d’autres lecteurs !

Écrit par : Lou | 06/11/2011

bon la condition de la femme a vraiment evolue que dans les annees 70….il me semble que les heures se passent dans les annees 50…mais quel horreur quand le mari dit a julianne moore… »tu n’as plus a penser je te fais une superbe vie…tu as une maison et de quoi vivre »….l’horreur…oui d’ailleurs pour julianne moore aussi c dur de partir…la vision de la noyade est bien explicite…

Écrit par : rachel | 09/11/2011

@ Rachel : ce roman me paraît assez contemporain en revanche… mais tu sais je pense qu’il y a encore aujourd’hui un machisme évident… les niveaux de salaire entre hommes et femmes ne sont pas les mêmes, c’est encore trop souvent le mari qui a la plus belle situation et il y a encore assez peu de maris au foyer par rapport aux femmes au foyer. Dans mon entourage les filles de mon âge bossent mais quand je prends les amis ou relations de mes parents il y a quand même plusieurs cas de couples où seul le mari travaille. Sur le principe le fait qu’un des deux ne bosse pas ne me choque pas mais malheureusement c’est encore trop souvent dans un sens. Et puis le fait de ne pas travailler pose beaucoup de questions en termes d’indépendance financière et c’est aussi à cause de ça qu’on trouve encore le terme de « chef de famille » qui me semble complètement anachronique du moins dans nos sociétés occidentales. Le roman d’Ovaldé met ici en lumière le risque qu’il y a à se remettre au bon vouloir de son cher et tendre, avec le cas de cette femme qui voit son couple se défaire mais qui n’a pas vraiment de ressources pour s’en aller… pas d’études, pas d’expérience, un père pauvre souffrant d’alzheimer pour seul refuge. Bon après c’est aussi mon petit côté féministe, mais j’estime que fournissant le même travail je n’ai pas à être moins payée que mes collègues masculins sous prétexte que dans l’inconscient collectif je suis une pondeuse en devenir !!! Parce que c’est aussi ça le problème, comme le dit bien une amie féministe, un homme qui a un enfant va juste paraître plus stable, moins enclin à démissionner et sa paternité ne sera pas un frein dans sa carrière (peut-être dans certains cas, ce sera un petit coup de pouce), tandis qu’une femme avec un enfant c’est une source continuelle de problèmes, surtout que dans notre culture on envisage plus facilement de voir la mère quitter son travail tôt lorsqu’il faut aller chercher le petit tandis qu’on n’imagine pas monsieur manquer une réunion pour un tel événement périphérique (je suis assez remontée sur ces sujets, j’avoue :o) Heureusement j’ai une perle à la maison qui cuisine, coud, repasse en plus de supporter mes diatribes féministes ;o)).

Écrit par : Lou | 11/11/2011

ooohh j’ai ouvert une douche lala ;o)….je suis d’accord avec toi….sur tout…mais bon au canada j’ai ete un peu ecoeuree du feminisme….le faite de tenir la porte a quelqu’un ou quelqu’une c une insulte pour elles…pour moi c’etait juste de la politesse…c un exemple parmi tant d’autres…mais bon lala au chili boudiou je bouillonne je bouillonne…mais bon c un tel sujet que l’ecrire serait bien difficile…d’ailleurs lit « mon pays reinvente » d’Isabelle Allende….c les annees 60…j’ai failli de pas demenager dans ce pays…

Écrit par : rachel | 12/11/2011

@ Rachel : ah oui à l’inverse je trouve le féminisme extrémiste assez ridicule. J’avais une prof d’anglais complètement parano qui avait fait un scandale quand on avait dit qu’on avait envie d’étudier les nouvelles pour adultes de Roald Dahl sous prétexte qu’il était odieux avec sa femme ou les femmes en général, je ne sais plus. Enfin si on va par là autant arrêter de lire Hemingway tant qu’à faire ! Je trouve aussi que la galanterie ne va pas toujours à l’encontre d’une vision plus saine et équilibrée des relations hommes-femmes, pour moi ça reste aussi de la politesse. Mais par exemple avec mon conjoint même si nous ne comptons pas au centime près ce que nous dépensons chacun, nous nous invitons mutuellement au resto, faisons une cagnotte commune pour les repas et les frais courants, etc… je tiens assez à partager nos frais de façon assez équitable et nous essayons autant que possible de partager les tâches dans l’appart par exemple. C’est plutôt à ce niveau que je ne supporte par le rôle de la femme qui fait le ménage et la cuisine, l’homme qui bricole et qui ramène de l’argent etc. Je comprends pour le Chili, en France j’ai déjà des raisons de ne pas être ravie et quand j’étais en Espagne c’était absolument lamentable (c’est d’ailleurs en grande partie à cause du machisme au travail que je n’ai pas vraiment envie d’y vivre, l’autre raison étant les salaires honteux à la base). Merci pour le conseil de lecture, ça m’intéresse.

Écrit par : Lou | 12/11/2011

et le plus ironique dans l’histoire…ils arrivent a voter des femmes au pouvoir en amerique latine…pourtant quel machisme pas ici!!!…
mais bon c tout un effet de societe, une argentine m’avait dit qu’au chili les femmes le cultivent…il leur faut un homme avec testosterone….bin au bout de 6 ans, oui cela se confirme….
et je suis comme toi…on aime partager nos depenses…j’aime plutot parler de symbiose que d’egalite…;o)…

Écrit par : rachel | 13/11/2011

@ Rachel : c’est vrai que c’est assez paradoxal ! Oui la symbiose c’est plus juste… l’égalité c’est compliqué mais disons que je ne suis pas d’accord pour dire qu’on doit tout faire pareil, il y a des différences physiques et autres indéniables entre hommes et femmes… il n’empêche que les femmes sont aussi capables que les hommes de bosser, qu’à travail égal salaire égal et qu’au foyer les deux doivent s’accorder harmonieusement (ce qui ne passe pas par la soumission de l’un des deux).

Écrit par : Lou | 13/11/2011

oh pour le salaire egal pour travail egal, c un principe de bon sens…et pour le couple oui c la symbiose…il faut s’apporter d’embellir ensemble…mais bon il y a des femmes, des hommes qui aiment la soumission…mon voisin en est un…et il n’est pas malheureux…je peux te le dire…;o)

Écrit par : rachel | 13/11/2011

J’aime énormément cet auteur et compte bien lire celui-ci.

Écrit par : Edelwe | 16/11/2011

@ Rachel : le bon sens n’est malheureusement pas appliqué (l’égalité des salaires est un sujet auquel je suis très sensible :o))… quant à la soumission consentie et bien vécue, c’est autre chose !

@ Edelwe : j’en lirai d’autres également.

Écrit par : Lou | 16/11/2011

quand le bon sens s’applique quand il y a de l’argent?….

Écrit par : rachel | 17/11/2011

@ Rachel : bah dans ce cas si les femmes doivent avoir un salaire plus bas, pourquoi ne pas gagner plus d’argent (je parle des entreprises) en payant les hommes comme ils paient les femmes, c’est-à-dire moins ?!

Écrit par : Lou | 19/11/2011

parceque malheureusement ce sont les hommes, en majorite, qui decident de l’argent…helas….

Écrit par : rachel | 20/11/2011

@ Rachel : je suis sûre que les choses commencent à bouger ceci dit, et un jour nous saurons nous affranchir du système homme chasseur et guerrier, femme cuisinière et éleveuse de troupeau dans les cavernes !

Écrit par : Lou | 26/11/2011

oui cela bouge…maintenant au chili par exemple les femmes peuvent travailler sans arriere pensee…au perou le feminicide est un delit majeur! mais c d’une telle lenteur…que c effrayant et pathetique…et elles se battent contre le mademoiselle…c fou…

Écrit par : rachel | 27/11/2011

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