Barbara Comyns, The Vet’s Daughter

comyns_vets daughter.jpgAujourd’hui j’avais prévu de participer à la lecture commune autour de Terry Pratchett, mais je peine à terminer mon roman. Je l’ai donc un peu mis de côté en espérant vous en parler avant la fin du Mois anglais. A la place, je vous présenterai The Vet’s Daughter de Barbara Comyns. J’ai découvert cet écrivain au cours d’un de mes séjours en Angleterre. J’ai toujours l’habitude de prévoir du temps pour explorer tranquillement les rayons d’une librairie ou deux quand je m’y rends. Je fais systématiquement un tour du côté des Modern classics ou des Vintage classics qui sont souvent rassemblés sur quelques étagères et parfois mis en avant sur une table. J’ai fait pas mal de trouvailles comme ça et eu de très bonnes surprises. Ce roman en fait partie (si bien que je compte chercher d’autres titres de Barbara Comyns lors de mon escapade à Londres cette semaine). Mais trêve de bavardages, parlons donc plutôt du roman !

The Vet’s Daughter est un curieux roman, peut-être un brin dérangeant ; il dégage en tout cas une ambiance très particulière qui en fait un livre à part. La narratrice Alice Rowlands vit dans une quartier assez populaire de Londres. Son père est vétérinaire, c’est aussi un homme d’humeur sombre, qui n’aime ni sa femme ni sa fille et se montre souvent distant avec elles et parfois même brutal. Alice a une bien triste vie dans cette maison peu ensoleillée où elle a l’habitude de nettoyer les cages et de nourrir les animaux laissés en pension. Le métier de son père ne se limite pas aux soins ; il couvre ainsi le gardiennage mais aussi l’euthanasie pour les animaux dont on ne veut plus. Pour gagner davantage, le père vend les malheureuses bêtes concernées à un homme qui fait des vivisections. Alice n’a qu’une amie sourde muette, qui s’apprête à rejoindre l’atelier d’une modiste et sera ainsi moins présente. Heureusement elle compte deux autres alliés dont un futur vétérinaire amoureux d’elle mais pas assez séduisant à son goût, qu’elle surnomme Blinkers. Au cours du roman, de nombreuses péripéties vont bouleverser le quotidien d’Alice, dont une en particulier, puisqu’elle découvre qu’elle est capable de léviter. 

Sarah Waters parle de « Gothic masterpiece » sur la 4e de couverture, mais je trouve que l’atmosphère qui se dégage de ce roman est plus subtile (n’y voyez pas là une critique contre les romans gothiques ou d’inspiration gothique car j’en raffole). Nous suivons pendant quelque temps le quotidien d’une jeune fille anglaise de classe moyenne, qui mène une vie peu commune du fait du métier de son père. Elle s’exprime de façon très factuelle, raconte les faits marquants de cette période en allant droit au but. Très observatrice, elle intègre soudain la lévitation à son récit sans faire grand cas de l’évènement, donnant ainsi au lecteur une impression peu confortable : le récit est on ne peut plus factuel et terre-à-terre ; pourtant, soudain, un évènement hors normes se produit. La rupture d’équilibre qui en découle est pour le moins déstabilisante.

[Quelques spoilers dans ce paragraphe] Le récit est par ailleurs porté par des personnages très intéressants, bien que peu attachants. Le père est détestable dès le début, il le deviendra plus encore par la suite mais il perd de son autorité lorsqu’on le voit parler seul ou manifester un penchant certain pour la boisson à moment donné. Alice a eu une enfance peu heureuse et a toujours dû se plier en quatre pour assurer le confort de son père, mais lorsqu’elle aura l’occasion de s’éloigner de la maison paternelle, elle profitera de la gentillesse de son employeuse et se montrera subitement remarquablement égoïste. Son manque de clairvoyance en matière d’hommes est par ailleurs étonnant pour quelqu’un qui a été aussi mal aimée qu’elle. On pourrait l’imaginer capable d’aller vers le gentil Blinkers pour s’éloigner de son père et contracter un mariage basé sur le respect et la bonne entente – ce qui, à l’époque, était déjà une belle perspective. Pourtant, elle préfère prendre le risque de s’aliéner son prétendant en fréquentant un jeune homme riche et séduisant qu’elle croise à moment donné. La complexité des personnages est ainsi l’un des points forts de ce court roman étonnant et très bien mené que j’ai pris grand plaisir à découvrir.

Pour terminer, j’ajouterai ici l’avis de Graham Greene : « The strange offbeat talent of Miss Comyns and that innocent eye which observes with childlike simplicity the most fantastic or the most ominous occurrence, these have never, I think, been more impressively exercised than in The Vet’s Daughter ».

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159 p

Barbara Comyns, The Vet’s Daughter, 1959

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Commentaires

oui didonc meme au travers de ta critique, on imagine le cote bizarre de ce roman…et bin il demande a etre decouvert…tout un drole de monde autour de cette dame bizarre…;)

Écrit par : rachel | 10/06/2015

@ Rachel : oui oui, il faut le découvrir ! :o)

Écrit par : Lou | 10/06/2015

Cette lecture est tentante.

Écrit par : Tiphanie | 10/06/2015

je connais comyns de nom, mais c’est tout. je me laisserais bien surprendre moi aussi 😉

Écrit par : choupynette | 10/06/2015

Ça semble être une bien chouette trouvaille en effet. Je le lirais avec plaisir s’il était traduit (je paresse ; je ne lis plus en VO depuis quelques années)

Écrit par : Lili | 10/06/2015

@ Tiphanie : elle vaut le coup !

@ Choupynette : oui oui oui, fais donc ! ;o)

@ Lili : je ne sais pas si on peut trouver les romans de Comyns en français, je ne l’avais jamais croisée jusqu’ici.

Écrit par : Lou | 10/06/2015

Saviez-vous que mon premier livre ÉTRANGES NOUVELLES vient de ressortir chez MON PETIT ÉDITEUR ?
C’est un recueil de 24 nouvelles, parfois drôles, étranges ou fantastiques dont, pour certaines, vous pourrez ima-giner une fin. Disponible dans les bonnes et même mauvaises librairies… http://www.monpetitediteur.com/librairie/livre.php?isbn=9782342037937

Écrit par : Jeanmi | 11/06/2015

Merci pour cette découverte! ( et je t’envie trop de faire une escapade à Londres cette semaine . Mon grand plaisir est de flâner dans le Waterstones de Trafalgar Square …)

Écrit par : Leshakili | 11/06/2015

S’il est traduit en français, je me laisserai bien tenter tant l’ambiance étrange que tu décris (et la couverture) semblent originaux …

Écrit par : Mrs Figg | 13/06/2015

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