Je vais avoir quelques difficultés à rédiger ce billet car c’est pendant mes vacances d’été que j’ai lu Le Résurrectionniste de James Bradley. Même si le temps a passé je tenais à vous parler de ce roman que je n’avais vu nulle part et sur lequel je suis tombée complètement par hasard alors que je m’apprêtais à prendre un train. Amateurs d’histoires victoriennes, ne détournez pas votre chemin !
Le jeune Gabriel Swift entre en apprentissage chez le chirurgien Poll, chercheur visionnaire qui dissèque les cadavres afin de comprendre la véritable nature de l’être humain. Afin de se procurer les cadavres nécessaires, Poll est obligé de traiter avec les « résurrectionnistes », de dangereux criminels qui pillent les cimetières. Gabriel est chargé avec ses collègues de réceptionner les sordides « livraisons » en pleine nuit, de juger de l’état des corps avant paiement et de nettoyer les corps avant dissection devant les étudiants du chirurgien.
Dans leur sac, ils sont portés comme dans le ventre de leur mère ; genoux contre la poitrine, tête en bas ; comme si leur mort n’était qu’un simple retour à la chair dont nous sommes issus, une seconde conception. Une corde derrière les genoux les maintient ainsi, une autre lie leurs bras, une dernière referme le sac. L’ensemble forme un paquet compact, facile à camoufler, car être vu avec un tel chargement revient à provoquer la foule (p 11).
Mais Gabriel finit par subir de mauvaises influences et abandonne son travail d’apprenti pour celui de résurrectionniste, méprisant également son curateur, le terne M. Wickham. En repensant aux soirées abrutissantes que j’ai passés là-bas, à écouter la voix monocorde de M. Wickham et le gazouillement discordant de sa fille Georgiana, je ne sais quoi dire (p 39). Dès lors il fraye avec de dangereux individus ; la frontière entre le bien et le mal devient très ténue car chaque partenaire en vient rapidement à craindre pour sa vie suite à quelques dérapages.
Le roman s’articule entre deux parties : « Plus léger que l’air : Londres, 1826-1827 », qui concerne l’apprentissage de Swift puis sa rapide dérive, à travers un récit de plus en plus sombre ; puis « Le Royaume des Oiseaux : Nouvelles-Galles du Sud, 1836 » qui sert en quelque sorte d’épilogue. Cette deuxième partie arrive assez brusquement et peut désarçonner le lecteur, après un long épisode londonien à la fin malheureuse.
J’ai surtout apprécié les errances de Swift en Angleterre : James Bradley réussit à allier le fond historique (les débuts de la chirurgie, les pillages de tombe, la description des bas-fonds d’une Londres victorienne) à un récit haletant, porté par un jeune héros dont l’apprentissage prend un virage inattendu. Le Résurrectionniste a été pour moi un véritable page-turner, malgré une fin qui m’a d’abord laissée un peu dubitative. L’éditeur parle de « roman gothique, noir et lyrique, dans la lignée des grands classiques anglais ». Si ce livre peut déconcerter par son épilogue ou effrayer par sa noirceur, les influences littéraires sont bien là en tout cas. C’est presque un coup de coeur pour moi !
Sur Prince’s Street, devant St Anne’s, une poignée de corneilles parcourent les pavés, picorant sur les lignes – noires, sur le blanc de la neige – que tracent les voitures. Le ciel bas est lourd d’épais nuages. La cloche de la tour sonne brutalement dans le silence du matin glacé ; à son appel, je m’arrête et scrute derrière moi la masse indistincte de l’église. À travers la grille du cimetière, j’aperçois les têtes des affligés et les hauts-de-forme des porteurs. Le cercueil dépasse à peine sur leurs épaules, il semble glisser sur le sol (p 87).
Illustration : Carlos Schwabe La mort et le fossoyeur 1900
350 p
James Bradley, Le Résurrectionniste (The Ressurrectionist), 2007
Commentaires
Écrit par : rachel | 25/06/2014
Écrit par : Manu | 25/06/2014
ça me rappelle certains cimetières que j’ai visité en Angleterre et qui avaient encore les grilles métalliques au dessus des tombes pour empêcher le ‘travail’ des pilleurs ! ça fait froid dans le dos !
Écrit par : Mrs Figg | 25/06/2014
Écrit par : Theoma | 25/06/2014
Écrit par : yueyin | 25/06/2014
@ Manu : mission accomplie alors :o)
@ Mrs Figg : je trouve étonnant qu’il soit passé entre les mailles du filet… en même temps c’est comme « Les Maîtres de Glenmarkie » quand je l’avais lu je ne le voyais nulle part puis les billets étaient venus plus tard, on ne sait pas trop pourquoi… mais bon, pourtant celui-ci est déjà en poche ! Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu des grilles au dessus des tombes ou alors ne connaissant pas leur fonction je n’ai pas fait attention ! Tu te souviens où c’était ? Tu as des photos ?
@ Theoma : oui oui oui !
@ Yueyin : exactement !
Écrit par : Lou | 25/06/2014
Écrit par : Titine | 26/06/2014
Écrit par : Lou | 26/06/2014
Écrit par : romanza | 27/06/2014
Écrit par : Mrs Figg | 27/06/2014
@ Mrs Figg : oui oui je veux bien une photo quand tu as 5 mn :o) Ce fameux cimetière de Greyfriars… mmh tu n’en avais pas parlé pendant le challenge Halloween ?
Écrit par : Lou | 27/06/2014
Écrit par : Hilde | 03/07/2014
Écrit par : dasola | 04/07/2014
Et non, ce n’est pas moi qui en avait parlé (mais je m’en souviens aussi) car je suis allée en Ecosse en mai !
Écrit par : Mrs Figg | 07/07/2014
Écrit par : Mrs Figg | 11/07/2014
Écrit par : Karine:) | 12/07/2014
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