Première lecture loubookienne 2009, premier victorien !
De Wilkie Collins, j’avais commencé (difficilement) The Moonstone et lu Voie sans Issue, co-écrit avec l’immense Charles Dickens… mais peu convaincant. J’attendais néanmoins beaucoup de Collins, autre monstre sacré de la littérature victorienne, et je dois avouer que j’ai passé un très bon moment avec La Dame en Blanc.
Ayant décidé de faire face à de vieux démons et de plonger corps et âme dans le débat orageux qui oppose en France les partisans du fameux plan en trois parties à ceux du plan en deux parties (souvenez-vous de vos devoirs de philo, de français…), je vais faire ce billet en revenant à mes premiers pas dans le monde des plans pré-formatés. Ce sera donc thèse, antithèse, synthèse, ou, comme j’aimais les nommer il y a quelques années : oui, non, enfin peut-être.
Mais commençons par une rapide mise en situation : jeune professeur de dessin, Walter Hartright se rend dans le Cumberland pour enseigner son art à deux jeunes filles de la bonne société. Il tombe amoureux de Laura, la plus jolie des deux, puis découvre qu’elle est déjà fiancée à un baronnet, Sir Percival. Dépité, Walter part en Amérique latine pour une mission dangereuse qui doit l’éloigner de Laura.
Vous vous demandez peut-être qui est donc la Dame en Blanc ? Cet étrange personnage, une femme du nom de Anne Catherick, apparaît pour la première fois à Walter avant son séjour dans le Cumberland. Echappée d’un asile, la Dame en Blanc réapparaît quelques mois plus tard et cherche à persuader Laura Fairlie de renoncer à son mariage avec Sir Percival, qui serait un homme fourbe et dangereux. Peine perdue, Laura épouse le baronnet. Comme vous vous en doutez, la Dame en Blanc avait vraisemblablement raison de mettre en garde la jeune héroïne.
Pourquoi lire la Dame en Blanc ?
Si j’ai mis du temps à lire ce roman, c’est parce que je n’avais pas une minute à moi. Car autant le dire tout de suite, La Dame en Blanc est un bon roman à suspense, qui reprend toutes les ficelles du genre : multiples rebondissements, même minimes ; une galerie de personnages importante, composée notamment de traitres perfides très divertissants ; un grand mystère, avec cette Dame en Blanc fantomatique, peut-être folle ; des lieux énigmatiques, comme la vieille demeure de Sir Percival, qui comprend notamment une aile élisabéthaine abandonnée.
Certains personnages donnent une nouvelle dimension à l’histoire : « l’homme de la situation », Marian Halcombe, soeur aînée de Laura, gracieuse mais laide, dotée d’une volonté de fer et d’une grande intelligence. Sir Percival, un peu caricatural mais désarmant dans son rôle hypocrite de fiancé valeureux. Et que dire du Comte Fosco, ce « gros homme » séduisant, qui semble attacher beaucoup d’importance au bien-être des deux soeurs tout en tramant un sombre complot dans leur dos ? Attaché à ses canaris et à ses souris blanches, suivi d’une épouse fidèle et dévouée dont il se sert avec habileté, Fosco cache bien des secrets et mérite à lui seul la découverte de ce roman. Je vous recommande au passage le billet de Julien qui présente justement les personnages.
Et bien sûr, l’intérêt de ce roman repose largement sur l’alternance entre différents narrateurs : compte-rendu de l’un, journal de l’autre… les observateurs sont multiples et permettent de découvrir de nouveaux éléments, couvrant la plupart du temps des événements connus d’eux seuls – ce qui évite les répétitions multiples.
Mes réserves :
Un petit problème de fond, sans grande importance cela dit car on se laisse facilement prendre au jeu : l’histoire repose sur la ressemblance frappante entre Laura Fairlie et Anne Catherick, en théorie deux parfaites inconnues. Autant dire que malgré l’explication finale, difficile de trouver les hypothèses de base très crédibles.
Si toute l’histoire tourne autour de Laura Fairlie, c’est bien l’un des personnages les moins intéressants. Walter est lui aussi très agaçant dans son rôle de jeune premier vertueux et, évidemment, extrêmement courageux. Tous deux sont si parfaits et si transparents (en particulier Laura) qu’au final, ce qui leur arrive n’a pas grande importance. Une histoire tumultueuse entre la soeur de Laura, Marian, et le machiavélique Comte Fosco aurait été bien plus passionnante ! Et s’il ne sert à rien de ré-écrire un livre à sa sauce, disons simplement que ce qui arrive à tous les personnages secondaires a bien plus d’intérêt que les aventures de nos deux héros en pâte de guimauve.
Collins a beau être le maître du suspense, le rythme inégal du livre m’a un peu lassée vers la fin. Parfois tout s’enchaîne brutalement, un peu trop même. Et, puisque le complot est révélé au bout de 300 p environ, on se demande bien ce qui nous reste à découvrir dans les 200 dernières pages… quelques événements majeurs mais beaucoup de passages un peu longuets. La fin, qui permet d’établir la vérité sur Laura Fairlie devant tout le village, et qui s’achève par une acclamation de la demoiselle en question par tous les bons villageois présents, est parfaitement ridicule.
So what in the end ?
Un bon roman populaire, habilement mené, tenant le lecteur en haleine la plupart du temps. Ayant lu récemment Les Mystères de Morley Court, je trouve certaines ressemblances entre les deux romans, même si je préfère au final celui de Le Fanu. A noter que De Pierre et de Cendre / Set in Stone de Linda Newbery rend hommage à la Dame en Blanc et, si les deux livres n’ont pas grand-chose en commun, le plus récent est lui aussi fort sympathique.
J’ai trouvé ma lecture un peu longuette mais je pense que c’est plus dû au peu de temps que j’avais devant moi. J’ai dévoré de nombreux passages et compte bien poursuivre ma découverte de Wilkie Collins cette année.
Beaucoup d’avis dans le cadre du blogoclub de lecture (j’étais moi-même en retard, d’où le billet sur Anne Perry) : les liens sont chez Sylire ou Lisa.
Mais aussi : Lilly, déçue et Isil, qui se remet avec plaisir d’une première déception avec le même auteur.
476 p
Wilkie Collins, La Dame en Blanc, 1860


Commentaires
Je suis d’accord que le rythme est inégal, mais c’est bien passé pour moi.
Écrit par : Isil | 08/01/2009
Écrit par : Pimpi | 08/01/2009
Écrit par : Lisa | 08/01/2009
Et quant à Fosco, finalement, est-il si méchant que ça ??… il a tout de même un rôle assez ambigu et par certains côtés, c’est un gentil ! (oui, je le défends bec et ongles, et alors ?;o))
@ Lisa : à voir dans d’autres Collins… j’avoue avoir eu du mal avec le début très longuet de « The Moonstone », mais il y a tellement de Collins à découvrir !
Écrit par : Lou | 08/01/2009
Je n’ai pas détesté en fait, mais j’ai été super déçue parce que mes attentes étaient élevées…
Écrit par : Lilly | 08/01/2009
Écrit par : Loula | 08/01/2009
Bon c’est pas mon préféré du tout de (mon) Wilkie, je ne l’ai lu qu’une fois et il y a longtemps, mais j’ai le souvenir d’un roman assez lent par rapports à ses autres romans.
Par contre, le pas crédible chez Wilkie, il joue avec! Dans « Un belle canaille » c’est flagrant, il écrit pas pour être crédible, il fait du roman « notre » Wilkie 🙂
Écrit par : Cryssilda | 08/01/2009
Écrit par : Ankya | 08/01/2009
Écrit par : Lilly | 09/01/2009
Écrit par : Karine 🙂 | 09/01/2009
J’adore la littérature victorienne et comme l’été d’avant j’avait lu « Mari et Femme » de Wilkie Collins, je me suis decidée à faire mes recherches sur cet auteur, et plus précisement sur la manière dont il traite la femme dans ses oeuvres.
J’ai étudié « The Woman in White », « No Name » et « The Secret » sur cette thématique là. Je te les recommande vivement, en particulier « No Name ».
Désolée pour la longueur du commentaire, mais j’aime beaucoup ton blog, que je découvre tout juste. 🙂
Écrit par : Ofelia | 09/01/2009
Écrit par : Lilly | 09/01/2009
Écrit par : Manu | 09/01/2009
Écrit par : Jumy | 10/01/2009
@ Loula : c’est une lecture très agréable, même si j’ai pris un malin plaisir à citer ses petits travers :p
@ Cryssilda : pour son rapport au crédible ou pas je m’y connais moins que toi mais en fait ce n’est pas vraiment un gros reproche que je lui ferais. J’ai juste souligné cet aspect, mais en même temps, une fois qu’on se prend au jeu ça n’entrave pas du tout la lecture !
@ Ankya : espérons que la lecture commune du blogoclub et le swap victorien vont faire émerger Wilkie Collins au sein de la blogosphère en 2009 :o)
@ Karine 🙂 : yesss ! et j’attends ton avis avec impatience !
@ Ofelia : au contraire, merci pour ton commentaire, j’adore les échanges autour d’un livre ou d’un auteur et comme je suis moi-même assez bavarde j’adore les commentaires un peu longs :o) C’est amusant cette thématique, j’ai choisi un thème proche dans un cours sur les vampires, en me concentrant sur Stoker. C’est un sujet qui m’intéresse finalement beaucoup ! Est-ce que tu accepterais de m’envoyer ton mémoire ? Je serais curieuse de le lire, d’autant plus que je compte lire d’autres Collins cette année.
@ Manu : oh happy swap ;o)
@ Jumy : Pour moi c’est pareil, j’ai adoré mais à la fin j’avais envie de passer à autre chose. Il faut dire que les 200 dernières pages pourraient être en partie écourtées. Et pour les plans, au début de mes études c’était quelque chose d’incontournable dans ma formation (3 parties jusqu’à la fin de la prepa, deux jusqu’à l’obtention du master), avec des débats fondamentaux (3 ou 2 ?) et des figures imposées selon les établissements !:o)
Écrit par : Lou | 10/01/2009
Je suis d’accord avec ton analyse des charmants et mièvres Laura et Walter très prévisibles mais malgré tout amusants.
Ce fut une belle découverte et elle m’a donné envie de lire d’autres romans de Wilkie Collins.
Écrit par : katell | 17/01/2009
Écrit par : Lou | 18/01/2009
Écrit par : choupynette | 27/09/2011
Écrit par : Lou | 27/09/2011
Heureusement c’est paraît il pas son meilleur, alors …..
Écrit par : Malice | 04/08/2012
Écrit par : Lou | 04/08/2012
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