L’art de l’occulte

medium_mabanckou_memoires_porc-epic.JPGAvez-vous déjà rêvé de connaître les états d’âme d’un porc-épic ? De découvrir les secrets occultes de la magie vaudoue ? De connaître l’identité d’un assassin qui n’a jamais été découvert ? D’imaginer avoir un double qui vaquerait tranquillement à ses occupations pendant vos longues siestes ?

C’est un peu ce que nous propose Alain Mabanckou dans les Mémoires de porc-épic. Ayant eu la chance de rencontrer l’auteur au Salon du Livre 2006, votre chroniqueuse attitrée va donc se faire un plaisir d’écrire un commentaire élogieux sur le dernier roman de cet écrivain fort sympathique.

L’histoire : un porc-épic se confie à un baobab suite à la mort de son maître Kibandi. C’est ainsi que l’on apprend qu’il existe des doubles pacifiques, très sympathiques et fort utiles, ainsi que des doubles nuisibles, chargés de commettre les pires atrocités au nom de leur maître. Bien évidemment, notre petit porc-épic est de cette trempe (car sinon, qu’aurait-il eu à nous raconter ?).

De son côté, suite à un rite initiatique et après avoir goûté un breuvage abject, Kibandi  s’est vu pourvu d’un double et de certains pouvoirs. C’est ainsi qu’il apprend à lire seul et devient le meilleur charpentier de la région. Suite à la cérémonie, il reçoit également pour double nuisible le petit porc-épic, qui va l’accompagner tout au long de sa vie et, en principe, mourir à ses côtés.

Notre héros raconte donc les meurtres perpétrés au nom de son maître. Voisins peu respectueux, lettrés arrogants, fiancée inaccessible, tous périront à coups de piques de porc-épic. Les traces disparaîtront ensuite, le meurtre restant inexpliqué. C’est ainsi que les initiés pourvus de doubles maléfiques « mangent » leurs ennemis. Même l’épreuve du cadavre accusateur – le cercueil confondant son meurtrier – restera sans effet. Jusqu’au centième meurtre à venir. Là, les esprits se vengeront et causeront la mort de Kibandi, laissant le porc-épic seul en vie pour nous raconter son histoire.

Mon avis : ce roman se lit d’une traite et il est difficile de quitter notre ami porc-épic à qui l’on s’attache facilement. Débordant d’humour, cette petite histoire hautement ironique et racontée par le plus sympathique des meurtriers a le mérite de nous dépayser, de nous arracher à la pluie et aux nuages de la métropole pour nous inviter sur les terres d’Afrique aux couleurs chaudes et ensoleillées. Faisant allusion à la littérature africaine, ce livre est une invitation à la lecture et nous incite à découvrir les conteurs traditionnels méconnus en Europe. Ces « mémoires » sont aussi un clin d’œil à la littérature occidentale, pour le plus grand bonheur des lecteurs amoureux d’Edgar Allan Poe, de Faulkner et d’Hemingway.

Respectant une ponctuation minimale (ni majuscule, ni point), ce récit nous entraîne à une allure folle dans des aventures rocambolesques, tandis que le porc-épic se fait une joie de nous rappeler nos propres travers. Le sourire aux lèvres, nous assistons donc à la périlleuse aventure du jeune (Narcisse) Amédée qui, pour mieux se contempler dans les eaux du fleuve, se perche sur une pierre recouverte de mousse et tombe à l’eau, y laissant un peu de sa dignité.

Fiction et réalité, imaginaire et histoire sont entremêlés dans Mémoires de porc-épic, et l’on est si vite happés par ce roman que l’on attend d’avoir lu la dernière ligne pour reprendre notre souffle et nous interroger sur l’honnêteté douteuse du narrateur.

Compte tenu de sa haute teneur en sorcellerie : à ne pas mettre en toutes les pattes… 

Commentaires

Bonjour,
je ne me suis pas laissée ensorcellée par le narrateur… J’étais gênée, en lisant le roman par son style, le manque de ponctuation… Il y a un certain humour, certes, mais jai été déçue…
Au plaisir de te relire

Écrit par : Anne-Sophie | 16/01/2007

@ Anne-Sophie : les avis sont en effet assez partagés sur Mabanckou. Pour ma part, j’ai finalement rapidement apprécié le manque de ponctuation et j’ai été séduite par cet esprit propre aux contes africains… c’était pour moi une bonne surprise car je suis allergique à la littérature française contemporaine et lis donc très peu de romans « de langue française ». Mabanckou m’a donné envie d’aller piocher de ce côté-là…

Écrit par : Lou | 16/01/2007

Bravo pour ton commentaire qui m’a redonné envie de m’attaquer à ce porc-épic que j’ai eu du mal à apprivoiser …
(la ponctuation y étant pour beaucoup, mais pas seulement)
Et bravo-bis pour ton blog que je ne connaissais pas !

Je reviendrai aux deux, merci Lou et à bientôt, ici ou ailleurs 😉

Écrit par : aériale | 11/05/2007

@ Aériale : merci pour ta visite ! J’espère te revoir bientôt sur le blog (et évidement sur le forum) ! :o)

Écrit par : Lou | 16/05/2007

Bonjour,

J’aime beaucoup ton commentaire. Il est complet.
En lisant ce roman, j’ai perçu de niveau de lectures : celui d’un simple conte animalier avec une bonne intrigue mais sans morale véritable. Le second s’appuyant sur les croyances magico-religieuses que tu nommes sorcellerie.
La subtilité d’Alain Mabanckou a été de jouer entre ses deux niveaux d’interprétation et de ce point de vue, c’est un coup de maître.

Un bon moment de lecture !

Écrit par : Gangoueus | 07/12/2007

@ Gangoueus : merci pour ton commentaire très intéressant ! Au passage, tu as raison de souligner que c’est moi qui utilise le terme de « sorcellerie ». Je ne sais pas si Mabanckou l’emploi aussi, peut-être parle-t-il de magie ? Toujours est-il que le terme « sorcellerie » dénote une vision très occidentale un peu limitée… bref je n’ai pas employé le meilleur mot et tiens à le souligner.
Au passage j’ai trouvé ton blog très sympa, je reviendrai !

Écrit par : Lou | 15/12/2007

oh j’avais meme pas remarque pour la ponctuation tellement l’histoire m’a plu…ouiii je suis a 100% d’accord avec toi….un chouette livre…un chouette recit et je veux retrouver mon ami le porc-epic…viii…;)

Écrit par : rachel | 09/09/2014

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