Sur la plage abandonné…

ishiguro-inconsole.jpg… et pourtant, tout n’avait pas si mal commencé. Vous me ferez également remarquer qu’en ce mois de décembre où neige et verglas sont au rendez-vous, ce pauvre roman ne survivra pas longtemps aux intempéries mais rassurez-vous, il est près de moi et se porte bien, malgré la semaine passée dans mon sac bien encombré.

L’Inconsolé de Kazuo Ishiguro fait près de 900 pages dans l’édition que j’avais. J’ai lu les 460 premières avant de m’avouer vaincue (à ce stade-là j’ai hésité à poursuivre au lieu de m’arrêter après avoir déjà fait tout ce chemin, mais j’avais déjà failli suspendre ma lecture à plusieurs reprises et j’ai considéré qu’il fallait me rendre à l’évidence).

Dans ce roman, il est question de Ryder, pianiste renommé en déplacement dans une ville d’Europe centrale. Dans cet endroit sans intérêt, la venue du célèbre artiste est un événement et dès son arrivée, Ryder est assailli par les requêtes diverses et variées. A son emploi du temps chargé (rencontre avec les journalistes, dîner chez la comtesse, soirée du jeudi…) s’ajoutent des éléments imprévus, lorsque d’illustres inconnus s’adressent à lui pour lui confier leurs problèmes personnels divers et variés : Ryder lira-t-il l’album de coupures de presse que la femme d’untel lui a consacré ? écoutera-t-il tel amateur pour lui donner des conseils sur son jeu au piano ? Discutera-t-il avec la fille du portier pour savoir ce qui la tracasse ? Aidera-t-il le petit Boris à récupérer un jouet dans son ancien appartement ?… et ainsi de suite.

On comprend rapidement que dans cette ville, la population attend énormément de Ryder, à la fois glorifié et utilisé (au point de le réveiller en pleine nuit pour une quelconque demande). C’est l’artiste qui devra aider à rendre à l’endroit un semblant de renommée pour ses réussites sur le plan culturel, mais on sait également que d’autres que lui avaient en principe la même vocation et ont échoué : un vieux chef d’orchestre ridiculisé et désormais exploité et remis sur pied de manière à incarner le représentant par excellence de l’art au sein de la ville, tandis qu’un autre est désavoué après avoir été encensé pendant des années.

L’idée est intéressante et certains passages se lisent avec grand plaisir mais ce roman aurait gagné à être amputé d’au moins 500 pages, si ce n’est plus. Au final, on assiste à une succession de scènes improbables semblant tout droit sorties d’un rêve désagréable. Le héros, privé de sa volonté comme on peut l’être dans nos rêves, semble incapable d’atteindre le but qu’il est fixé, et est sans cesse détourné de  ses objectifs par des micro-événements inattendus, des personnages importuns. Au point de se retrouver nu sous une simple robe de chambre lors d’une soirée mondaine, de suivre des escaliers sans fin, de passer de la rase campagne au café du centre-ville qu’il avait quitté en traversant un minable restaurant en bord de route. Les conversations sont faites pour perturber le lecteur d’entrée de jeu, avec des personnages pérorant dans le vide, en décrivant par le menu la façon dont tel repas s’est passé ou tel personne va s’habiller, mettre ses chaussures, faire la boucle de son premier lacet et j’en passe. On ne sait pas non plus quelles sont ses relations avec les gens de la ville, où il retrouve une certaine Sophie qui lui fait des scènes de ménage et une amie d’enfance connue en Angleterre.

Au final, le procédé est extrêmement répétitif et lassant. Quant aux personnages, impossible de s’attacher à eux tant ils manquent de consistance (ce qui là encore rappelle le monde des rêves). Ishiguro est un auteur que j’ai envie de lire depuis très longtemps et il y a beaucoup de matière dans ce roman, mais l’ensemble est trop redondant. Un premier rendez-vous raté (mais il y en aura d’autres).

Merci à Lise des éditions Folio pour cette découverte, malgré cet avis mitigé.

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896 p

Kazuo Ishiguro, L’Inconsolé, 1995

Commentaires

Aïe aïe aïe… je l’ai dans ma PAL et ton avis m’effraie ! bon je sens qu’il va devoir attendre des jours meilleurs pour avoir la chance d’atterrir sur ma table de nuit !

Écrit par : George | 12/12/2010

C’est un auteur avec qui j’ai des hauts et des bas , j’avais beaucoup aimé « les vestiges du jour » mais par contre j’ai toujours dans ma pal « artiste d’un monde flottant » que j’ai entamé et abandonné par ennui …

Écrit par : Dominique | 12/12/2010

Je l’ai dans ma PAL (comme tous les livres de cet auteur), mais il n’est pas le plus urgent. Je ne sais pas si c’est le meilleur pour commencer à lire cet auteur en fait, je crois que Clarabel l’avait moyennement aimé. N’abandonne surtout pas en tout cas, « Auprès de moi toujours » (dont l’adaptation est prévue pour bientôt), « Les Vestiges du jour » (très anglais) et « Lumière pâle sur les collines » sont de vraies merveilles !

Écrit par : Lilly | 12/12/2010

Quel dommage ! J’ai lu trois livres de Ishiguro qui m’ont tous enchantée. Je crois qu’il pourrait raconter n’importe quelle histoire, je me laisserais emporter tant sa musique me plait.

Écrit par : Ys | 12/12/2010

J’allais faire un commentaire similaire à celui d’Ys, j’ai aussi ressenti trois coups de coeur par rapport à ce que j’ai lu de lui. Ce que tu dis de celui-ci me plaît déjà !
Tu devrais peut-être essayer un autre, plus court ? Les vestiges du jour ou Auprès de moi toujours ou encore Quand nous étions orphelins devraient être plus dans tes centres d’intérêt, je pense.

Écrit par : Manu | 12/12/2010

amputé de 500 pages..??? j’avais déjà vu 20, 30, voire même 80, mais 500… mais que fait la police des livres, je vous le demande!!!

Écrit par : choupynette | 12/12/2010

@ George : je crois que ce n’est pas idéal pour commencer…

@ Dominique : je suis persuadée qu’il s’agit effectivement d’un accident et que d’autres titres sauront davantage me plaire.

@ Lilly : je compte lire au moins « Les vestiges du jour » (dans ma PAL), car l’adaptation fait partie de mes films préférés. Je pense que si je n’ai pas aimé ce roman, ce n’est pas parce que je ne peux pas apprécier Ishiguro mais ce sont vraiment les longueurs propres à l’histoire qui ont eu raison de mon envie.

@ Ys : je serais curieuse de savoir ce que tu penses de celui-ci :o)

@ Manu : oui, je compte bien en lire d’autres. Je n’ai rien contre les romans longs (je lis en ce moment « La guerre et la paix » et me régale) mais ici je trouvais que le récit tournait en rond, j’ai commencé à ressentir de la lassitude au bout de 200 ou 300 p, j’ai continué encore et n’en voyant pas le bout et ne voyant toujours pas où il voulait en venir j’ai déclaré forfait :o)

@ Choupynette : j’ai déjà lu je ne sais plus où un avis aussi radical à ce sujet. Toutes ces digressions, ces scénettes voulant illustrer un propos auraient pour moi gagné à être sélectionnées selon un procédé assez drastique… je fais rarement ce genre de commentaire, surtout pour un livre dont j’aimerais bien connaître la fin, mais là je n’en pouvais plus :o)

Écrit par : Lou | 12/12/2010

Pour se lancer dans 900 pages il faut au moins que ça soit un coup de coeur ! ça ne t’étonnera pas si je te dis que je passe…
Bises

Écrit par : L’or des chambres | 13/12/2010

Je n’ai lu qu’un seul livre de cet auteur et c’était « Auprès de moi toujours » que j’avais aimé malgré le manque de surprise (vu que j’avais deviné toute l’histoire à la page 3 ou 4 !). Mais je passe sans regret sur celui que tu viens d’essayer !!!

Écrit par : Joelle | 13/12/2010

En passant, un bilan du challenge, encore 6 mois, ici
http://www.audouchoc.com/article-bilan-2010-challenge-les-coups-de-coeur-de-la-blogosphere-61626842.html
@ bientôt ! 😉

Écrit par : Theoma | 13/12/2010

Le hasard a voulu qu’on publie un billet sur le même livre le même jour ^_^. J’ai été énormément déçue aussi, et je trouve également que ce livre aurait dû être amputé de nombreuses pages (je me demande même si 500 aurait été suffisant comme nombre…)(sérieusement en plus). J’ai l’impression de voir où l’auteur a voulu en venir mais je ne le suis pas sur ce terrain-là.
J’ai maintenant fini d’explorer sa bibliographie et je ne peux que te recommander « Auprès de moi toujours », qui restera d’ailleurs un de mes livres préférés, et « Un artiste du monde flottant », qui se montre délicat et subtil, et beaucoup moins barbant que ce livre-ci.

Écrit par : Cachou | 14/12/2010

Attends, je l’ai dans ma pile depuis une éternité… en anglais (520 pages en grand format). Du coup j’ai terriblement, terriblement peur! Mais j’aime beaucoup Ishiguro alors je vais quand même tenter le coup.

Écrit par : Karine:) | 14/12/2010

Aïe! J’ai deux livres de cet auteur dans ma PAL (pas celui-ci heureusement) mais les commentaires me rassurent un peu. A part ça, je vois que tu t’es lancée pour G&P, et bien moi, c’est sur ce livre que j’aurais volontiers couper plusieurs centaines de pages. Oui, je sais, je vais me faire lyncher sur la place publique 😉

Écrit par : zarline | 14/12/2010

Bon je note que pour ma découverte de cet auteur (qui est en attente depuis des années je ne dois pas commencer par celui-là!!

Écrit par : loula | 14/12/2010

J’avais adoré « Quand nous étions orphelins ».
Mais là c’est une déception pour moi aussi.
Son écriture est toujours agréable mais on a envie d’accélérer l’intrigue…
Mais il a quelque chose dans l’écriture qui me fera revenir vers lui !

Écrit par : Eugénie | 15/12/2010

@ L’or des chambres : non, et cet auteur a l’air d’avoir écrit de telles merveilles par ailleurs que mieux vaut porter son choix sur d’autres titres…

@ Joëlle : j’ai « Auprès de moi toujours » dans ma PAL, j’avais commencé à le lire mais je n’avais pas eu trop envie de poursuivre à l’époque (pas le bon moment je pense). Je serais curieuse de le lire maintenant que j’ai eu cette expérience « râtée » !

@ Theoma : après avoir publié mon billet sur les challenges j’ai réalisé que j’avais oublié celui-ci (comme quelques autres !!!). J’ai encore 6 mois pour m’en sortir :o)

@ Cachou : ah je vois que tu es d’accord pour la longueur, j’ai un peu choqué Choupynette avec mes 500 pages ^^ Je suppose aussi que je voyais où Ishiguro voulait en venir mais il y parvient de façon assez laborieuse (dans mon cas il n’y est pas parvenu car j’avais beau vouloir connaître la fin j’ai lamentablement craqué !). Je note tes deux recommandations, je pense que je les lirai, par contre je pense commencer par « Les vestiges du jour », le roman qui me tente le plus (j’adore le film).
C’est amusant qu’on ait publié notre billet en même temps !

@ Karine:) : si tu l’aimes je pense que ce sera moins risqué que pour le découvrir !

@ Zarline : je le lis chez Points qui ont choisi de publier le 4e version (si je me souviens bien), en tout cas la plus courte (un peu plus de 1200 p). Tolstoï lui-même avait écrit plusieurs versions et celle-ci est amputée des considérations philosophiques et politiques et privilégie davantage le romanesque. Je n’ai pas beaucoup avancé comme je lis plusieurs livres en même temps mais j’ai adoré tout ce que j’ai lu, et pourtant il ne se passe pas grand-chose.

@ Loula : je crois que ce n’est pas un excellent choix pour une découverte…

@ Eugénie : oui c’était agréablement écrit, ou du moins traduit. Je note « quand nous étions orphelins » !

Écrit par : Lou | 19/12/2010

Je vais passer mon chemin… vu ton avis et le nombre de pages.

Écrit par : Edelwe | 22/12/2010

@ Edelwe : je pense qu’il vaut mieux commencer par un autre titre !

Écrit par : Lou | 23/01/2011

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