Quand on aime l’Espagne et les livres et qu’on a passé de délicieux moments à arpenter des librairies madrilènes et barcelonaises, il est difficile d’être passé.e à côté de Javier Cercas, grand auteur contemporain. Et pourtant, j’avais beau le croiser lorsque je vivais en Espagne, je n’ai jamais pris le temps de me plonger dans l’un de ses titres. C’est seulement hier que j’ai lu mon premier Cercas, avec ce court roman (ou novella) qui m’a été offert par mon père dans sa traduction chez Actes sud.
J’avais lu quelques pages il y a un moment mais reposé ce livre qui, je le voyais bien, n’était pas fait pour être lu dans un bus à l’heure de pointe. Alors il a attendu sagement dans ma bibliothèque que vienne le moment de notre rencontre. Avec le confinement et la fermeture de ma belle libraire de quartier, j’ai eu l’occasion de découvrir de petites merveilles dans mes étagères. Le mobile était de celles-là.
Texte de jeunesse de l’auteur écrit dans les années 1980, Le mobile met en scène Alvaro, un juriste de profession qui se voue entièrement à son ambition : écrire. L’écriture est toute sa vie et il lui a tout sacrifié : travail lucratif, vie sociale… tout a été délaissé de manière à lui permettre de se consacrer à son art chaque matin, avec la régularité d’un métronome. Car Alvaro est un écrivain minutieux, consciencieux, qui ne laisse rien au hasard et considère que la littérature est traitée avec beaucoup trop de légèreté par ses contemporains. Pour créer son œuvre magistrale, il entend bien trimer autant qu’il le faudra, car pour lui, écrire ne s’improvise pas.
Il finit par imaginer un roman dans lequel un écrivain vit dans un immeuble et rédige l’histoire d’un couple qui connaît des problèmes et assassine un vieux monsieur. Cet écrivain vit par ailleurs dans un immeuble où cohabitent également un couple et un vieux monsieur qui ressemblent fort aux personnages du livre en cours d’écriture. Mais la mise en abîme ne s’arrête pas là, puisque, pour trouver l’inspiration et rendre son texte plus réaliste, Alvaro se rapproche d’un couple et d’un vieux monsieur parmi ses voisins. Dès lors, il perd pied et confond imagination et réalité : au lieu de simplement observer ses voisins, il décide d’influencer leur comportement pour enrichir son roman.
Un texte très malin, dont j’ai adoré la construction habile, débutant et s’achevant sur le même paragraphe dans un effet miroir parfait. Le personnage d’Alvaro devient rapidement très antipathique, mais il est drôle tant il est absurde. Un joyeux exercice de style autour de la création littéraire et de l’image de l’auteur démiurge. Un pur plaisir !
Une participation au Mois espagnol de Sharon.
90 p
Javier Cercas, Le mobile, 1987
Oh je ne connais pas mais tu me donnes sacrément envie ! Je me note ça de suite, je suis très très curieuse =)
C’est une plume élégante, j’ai beaucoup aimé ce petit exercice de style de jeunesse !
oh oui ce livre a l’air si bon….oui didonc…tu donnes envie…
Je n’ai lu -et aimé- que deux titres de cet auteur : Les soldats de Salamine et Les lois de la frontière. C’est un adepte, me semble-t-il, des romans « à tiroirs », ou « miroir », comme tu dis, et il excelle dans cet exercice !
Tu m’avais offert un de ses livres il y a fort longtemps, mais je ne l’ai toujours pas lu… C’est étrange, j’ai vraiment du mal avec les auteurs hispanophones, à part « Confiteor » je n’en lis jamais (cela vient peut-être du fait que je n’ai jamais fait d’espagnol…).
Est-ce que le programme du Mois anglais est disponible quelque part ? Je voudrais participer (j’ai même pris un peu d’avance en me plongeant dans « Middlemarch) et éventuellement commander quelques livres (j’en ai à peine deux cent cinquante qui attendent dans ma bibliothèque^^).
Merci pour ta participation.
Encore un auteur à découvrir pour moi.