Nell Leyshon, La Couleur du Lait

leyshon_la-couleur-du-lait.jpgJ’ai eu récemment envie de sortir de ma PAL un roman qui avait tout pour me plaire par son cadre (Angleterre XIXe) mais dont le style me causait une petite appréhension. Pas de majuscules, des tournures très simples, peu ou pas d’indications pour introduire les dialogues. Dans l’ensemble, lorsqu’on feuillette le livre, on s’aperçoit d’emblée que l’auteur a volontairement privilégié une écriture maladroite, ayant choisi une jeune paysanne sans éducation pour narratrice. Un exercice risqué mais dans l’ensemble assez réussi.

1831. La jeune Mary vit à la ferme avec son grand-père, ses parents et ses trois soeurs aînées. Leurs journées sont rythmées par des corvées sans fin. Leur père est brutal et leur mère assez indifférente. Les quatre soeurs partagent le même quotidien mais ne sont pas véritablement soudées. Seul le grand-père est plus sympathique. Mary est sa favorite – c’est aussi la seule à s’intéresser à son sort. Un jour, elle est envoyée au presbytère pour aider le pasteur dont la femme est malade. Son salaire est versé directement à son père qui ne l’a nullement concertée avant de décider de lui faire quitter la ferme.

Mary n’a jamais appris à lire et n’a connu que le monde rustre et direct de la ferme. Elle détonne ainsi immédiatement chez son nouvel employeur de par son franc-parler : elle n’a aucune idée des conventions, dit tout ce qu’elle pense et ne voit pas d’impolitesse dans ses réparties (par exemple lorsqu’elle compare la quantité de nourriture ingérée par son employeur à celle que consomme habituellement le cochon de la ferme). Néanmoins, Mary a bon fond et fait preuve d’un bel optimisme, ce qui lui permet de gagner les faveurs de la femme du pasteur, ce dernier se montrant lui aussi indulgent devant des maladresses pouvant passer pour de la grossièreté.

A travers cet emploi, Mary va découvrir un univers totalement différent mais aussi saisir une opportunité, en apprenant à lire et à écrire. Néanmoins, le séjour au presbytère finit par prendre une tournure beaucoup plus sombre.

Ce court roman a su me toucher à travers la rencontre de deux mondes qui jusqu’ici n’ont évolué qu’en parallèle et qui n’ont finalement rien en commun, en dépit d’une même époque et de la grande proximité géographique. Nell Leyshon met en avant la condition paysanne au XIXe, misérable à bien des égards.

Le personnage de Mary est attachant. Je ne ressors pas complètement convaincue de l’exercice de style. Le fait que la jeune femme ait pu rédiger un tel récit juste après avoir appris à écrire me semble peu crédible. Au-delà de la ponctuation sommaire, il aurait fallu a minima envisager de monstrueuses fautes d’orthographe sans doute – mais cela aurait rendu la lecture insurmontable bien entendu. Tel que le récit est construit, les maladresses volontaires n’ont finalement pas gêné ma lecture et permettent de facilement imaginer la façon dont s’exprime la jeune fille.

Comme dans bien des romans anglais, l’un des thèmes principaux est l’attention portée aux apparences en accord avec une morale de façade, profondément hypocrite.

Un roman original et intéressant, dont la chute ne laisse pas indifférent.

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175 p

Nell Leyshon, La Couleur du Lait (The Colour of Milk), 2012

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Commentaires

En lisant ton billet, j’hésite… mais why not ?

Écrit par : FondantGrignote | 29/02/2016

Cette lecture me tente beaucoup mais la forme me fait un peu peur.

Écrit par : Tiphanie | 29/02/2016

J’en avais déjà entendu du bien, en tous cas le titre me rappelle quelque chose ! Ça peut être intéressant 🙂

Écrit par : Chicky Poo | 29/02/2016

bin didonc deux mondes qui se rencontrent….et une lecture interessante didonc….oui tu donnes envie…;)

Écrit par : rachel | 01/03/2016

@ FondantGrignote : c’est une belle surprise, il ne manque pas d’originalité. J’ai repéré un autre titre de cet auteur depuis !

@ Tiphanie : c’était mon cas aussi, après expérience je peux te le recommander !

@ Chicky Poo : Oui, oui, ça l’est !

@ Rachel : dans ma lecture précédente aussi deux mondes très différents se rencontraient mais là c’est un univers que je connais moins (surtout la campagne, les pasteurs j’en croise souvent dans mes lectures anglaises…).

Écrit par : Lou | 02/03/2016

oui il y a toujours un pasteur dans les livres anglais…il semblerait que l’angleterre ne soit constituee que de pasteurs…lol…
oui c’est bien de connaitre une societe avec la confrontation de ses differents mondes…

Écrit par : rachel | 03/03/2016

Ta remarque sur l’écriture d’une jeune fille qui vient juste d’apprendre à lire m’avait aussi interpellée lors de ma lecture 🙂 Malgré tout, j’ai beaucoup aimé cette sombre histoire !

Écrit par : Mrs Figg | 09/03/2016

@ Rachel : oui le pasteur est une figure récurrente :o)

@ Mrs Figg : j’ai beaucoup aimé moi aussi malgré ce point qui manque un peu de crédibilité.

Écrit par : Lou | 12/03/2016

je me demande ce qu’il represente….une facon de montrer que le livre est « sacre » ?

Écrit par : rachel | 14/03/2016

@ Rachel : je pense plutôt que c’est une figure très importante de la société jusqu’à une certaine période. Et notamment ici pendant l’époque victorienne où la morale et les bonnes moeurs sont affaire d’état…

Écrit par : Lou | 14/03/2016

effectivement….il est toujours lala…en plus dans un village il peut y en avoir beaucoup….comme un maire ou un avocat….;)

Écrit par : rachel | 15/03/2016

@ Rachel : oui sa place est essentielle ici dans le village…

Écrit par : Lou | 16/03/2016

oui c assez hallucinant de voir les pasteurs partout et dans toutes les vies…..chaque anglais doit avoir un pasteur a chaque deux generations….lol

Écrit par : rachel | 17/03/2016

Je l’ai offert à ma sœur, mais je ne sais pas encore si elle l’a lu. L’histoire pourrait me plaire aussi.

Écrit par : Hilde | 05/04/2016

@ Rachel : ce n’est pas faux :o)

@ Hilde : c’est un roman original, je pense qu’il pourrait te plaire en effet. Je vais normalement bientôt lire sa pièce « Bedlam ».

Écrit par : Lou | 05/04/2016

Je n’étais pas du tout tentée, mais entre toi et Mrs Figg, vous commencez à me faire penser que c’est peut-être intéressant…

Écrit par : Lilly | 17/04/2016

Je crois que je l’ai dans ma PAL, il m’avait été conseillé par l’une de mes libraires. Si c’est le cas, je le lirai pour le mois anglais 🙂

Écrit par : Cryssilda | 23/04/2016

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