Il suffisait d’un auteur anglais inconnu et d’une allusion à Mervyn Peake pour que je me retrouve embarquée dans une visite pour le moins ubuesque, celle de L’Observatoire d’Edward Carey. 429 pages lues avec avidité, un roman que j’ai trouvé tout à la fois passionnant, intelligent, drôle, cruel, et qui occupera désormais une place de choix dans ma bibliothèque. Pas la peine de lire la suite, n’attendez plus, tentez vous aussi l’aventure !
Le narrateur, Francis Orme, est issu d’une longue lignée de Francis Orme, propriétaires du domaine de Tearsham, peu à peu rattrapé par la modernité et une mauvaise gestion qui lui a valu d’être grignoté par une ville tentaculaire, bien déterminée à ne faire qu’une bouchée de ce bastion d’un autre temps qui lui résiste encore. Le domaine s’appelle désormais l’Observatoire : un manoir amputé de ses dépendances, encerclé d’un ridicule mur d’enceinte, sans jardin, un manoir découpé en appartements.
A remonter le fil du temps aux côtés de Francis Orme, on comprend que la transformation du manoir en résidence a été souhaitée par sa mère et incarnait pour elle une nouvelle vie et la modernité. Pourtant, lorsque le récit débute, les appartements ont perdu la fraîcheur des premiers jours ; la plupart des habitants sont morts ou ont quitté les lieux, l’endroit est sale, le rez-de-chaussée envahi par les déchets urbains. Quant aux habitants restants, avec lequel tenterez-vous une collocation ? Claire Higgs, vieille femme scotchée devant sa télé toute la journée, idolâtrant un personnage qui de par sa description, me fait fortement penser à Victor Newman des Feux de l’Amour (remarquez l’étendue surprenante de mes connaissances, je peux ainsi saisir la subtilité de telles influences) ? Peter Bugg, ancien précepteur adepte des coups de règle, suant, transpirant pour expier on ne sait quelle faute ? Numéro 20, la Femme-chien ? Le Portier, qui chuinte au lieu de parler ? Ou bien les Orme ? Le père et la mère, enfermés dans leur silence depuis des années ; le fils, cleptomane, incapable de vivre sans gants blancs et maniaque à leur égard, auteur d’une étonnante et sordide collection (dont vous ne connaîtrez l’Objet, le clou de la collection, qu’à la fin du récit) et vivant de son métier de statue humaine ? Comme tous ceux-là sont assez dérangés, il serait préférable de renoncer à tout emménagement intempestif. Mais voilà qu’une certaine Anna Tapp décide de s’installer dans l’appartement 18. Elle n’est certainement pas la bienvenue, et c’est par sa présence que les souvenirs vont remonter à la surface, troublant puis détruisant le petit équilibre monotone de ces résidents qui avaient renoncé à vivre…
Sur le déclin de l’aristocratie, un passage exquis, sur Lord Pearson, contraint de se séparer de son château pour venir habiter à L’Observatoire : « Lord Pearson aimait inviter chez lui les autres résidants pour leur faire visiter son modeste appartement comme s’il s’agissait d’un château. Il disait : Voici le salon où Lord Pearson regardait la télévision. Voici la salle-de-bains, c’est dans cete baignoire en plastique que Lord Pearson se lavait avec un savon parfumé au citron. Voici la cuisine, c’est à cette table que Lord Pearson buvait son potage. Et ainsi de suite. Lord Pearson s’éteignit après avoir absorbé une dose massive de somnifères. Il n’avait plus un sou. Il ne voyait pas comment il pourrait s’en sortir. Sur son corps élégamment vêtu d’un costume de tweed était épinglée une note : Voici Lord Pearson, Noble vestige du début du siècle. Enterrez-le dans son caveau de famille. » (p249-250)
Merci aux éditions Phébus pour cette belle découverte.
429 p
Edward Carey, L’Observatoire, 2000
Commentaires
en tout cas il parait bien sympa ce livre sisisisisi…;o)
Écrit par : rachel | 18/05/2012
Écrit par : zarline | 19/05/2012
Écrit par : niki | 20/05/2012
Écrit par : choupynette | 20/05/2012
@ Zarline : il y a juste cette allusion au moustachu au sourire carnassier ou quelque chose dans le genre, mais ça me fait vraiment penser à Victor Newman ! La couverture reprend un dessin de l’auteur si je ne m’abuse, en tout cas je te conseille vraiment ce roman, ce serait dommage de passer à côté même si moi aussi j’ai tendance à me laisser influencer par les couvertures…
@ Niki : ça vaut vraiment le coup, c’est une de mes meilleures lectures de ces derniers mois :o)
@ Choupynette : eh attends, ce n’est pas n’importe quel salon ici, je connais du beau monde ;o)
Écrit par : Lou | 20/05/2012
Écrit par : rachel | 21/05/2012
Écrit par : Titine | 22/05/2012
@ Titine : mince ! Je te le prête bien volontiers, je pense vraiment qu’il pourrait te plaire… fais-y moi penser dès qu’on se trouve enfin un peu de temps pour se voir ;o)
Écrit par : Lou | 23/05/2012
Écrit par : rachel | 24/05/2012
Écrit par : Lou | 24/05/2012
Écrit par : rachel | 25/05/2012
Écrit par : maggie | 26/05/2012
Écrit par : maggie | 26/05/2012
@ Maggie : ah la décadence chez soi c’est tout de suite moins appréciable :o) Je pense que ce roman te plairait en effet, pour la couverture ce sont des illustrations de l’auteur (il y a d’autres dessins dans le livre).
Écrit par : Lou | 03/06/2012
Écrit par : Lilly | 13/06/2012
Écrit par : Lou | 13/06/2012
Claire Higgs, vieille femme scotchée devant sa télé toute la journée, idolâtrant un personnage qui de par sa description, me fait fortement penser à Victor Newman des Feux de l’Amour (remarquez l’étendue surprenante de mes connaissances, je peux ainsi saisir la subtilité de telles influences) ? »
Écrit par : Popila | 18/07/2012
Hanna
Écrit par : matche | 20/08/2013
Écrit par : Lou | 20/08/2013
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