Notre rose et notre orgueuil

hansen_exils.jpgRécemment j’ai été amenée à ranger de nouveau toutes mes bibliothèques et croyez-moi, mes amis, ce n’est pas le genre de petite tâche ménagère pliée en moins de deux (surtout quand les cinq étagères sont pleines à craquer !). J’ai donc été interpelée à cette occasion par Exils de Ron Hansen, qui criait son désespoir en pensant que je l’avais oublié définitivement et trépignait (d’impatience ou de rage, je ne saurais vous le dire) en attendant que je daigne m’emparer de lui. Comme la lamentation du livre oublié est de loin le hululement le plus angoissant qu’on puisse imaginer (surtout de nuit où il devient indispensable de se munir d’écouteurs et de musique zen pour ne pas sombrer dans la dépression avant l’aube), j’ai renoncé à énumérer à ce coquin toutes les raisons qui m’avaient fait le négliger et je me suis emparée de lui afin de le lire et, une bonne fois pour toutes, lui régler son compte.

Et ma foi, j’ai beaucoup apprécié ce roman qui met en scène en parallèle le naufrage du Deutschland en 1875 et le destin du poète jésuite Gerard Manley Hopkins qui, bouleversé par la mort de cinq nonnes ayant péri dans le naufrage, décida de rédiger un poème à ce sujet.

gerardmanleyhopkins.jpgDe famille anglicane, Hopkins suscite la désapprobation en se convertissant au catholicisme, avant de devenir finalement séminariste jésuite, au grand dam de ses parents. Hopkins choisit une confrérie particulièrement stricte, vivant dans des conditions spartiates puis, une fois ordonné, se voit muté régulièrement d’un endroit à l’autre par une hiérarchie peu soucieuse de son bien-être et de sa santé. Il décèdera encore jeune, à la suite d’une maladie éprouvante (une péritonite est évoquée et il finit par mourir de la fièvre typhoïde). Le roman montre un Hopkins profondément pieux, plein d’abnégation mais qui doutera parfois et traversera des périodes d’angoisses. He is thought to have suffered throughout his life from what today might be diagnosed as either bipolar disorder or chronic unipolar depression, and battled a deep sense of melancholic anguish (Wikipedia).

C’est aussi un Hopkins attachant, à la fois intelligent et plein d’humour, mais aussi vulnérable que dépeint Hansen.

Il ne jouissait pas d’une semblable protection en tant qu’enseignant. En cette époque où les enfants passaient pour les ennemis jurés du savoir, les directeurs n’avaient de cesse de rouspéter contre la gentillesse de Hopkins à l’égard de ses élèves, à qui il accordait autant de liberté qu’à de studieux étudiants d’Oxford, latitude dont ses potaches abusaient en le sifflant et en le chahutant ; un jour, quand il s’était retourné, Hopkins s’était ainsi retrouvé encerclé, car toute la classe avait rapproché ses putitres pendant qu’il écrivait au tableau.

« Je dois avouer que votre vif intérêt pour l’ablatif latin me touche beaucoup », avait-il lâché de sa voix de ténor haut perchée. (p194)

deutschland.jpegQuant aux soeurs naufragées, on relate leur conversion puis leurs derniers instants lors du naufrage avec une certaine économie de moyens. Avouons-le, je m’attendais sans doute à une fin particulièrement glauque ou très favorable à l’industrie du mouchoir mais c’est avec un style sobre que Ron Hansen achève son récit. Son écriture est presque clinique et ce roman s’apparente parfois à un documentaire.

Un livre qui apporte un éclairage intéressant sur les tensions religieuses du XIXe (aussi bien en Angleterre qu’en Allemagne, à travers le rejet du catholicisme) et met à l’honneur un poète anglais méconnu du public français. Et comme je raffole des romans inspirés de faits historiques, mais aussi de ceux ayant pour cadre le Royaume-Uni ou mettant en avant une figure littéraire, j’ai bien évidemment trouvé Exils particulièrement intéressant. Il m’a d’ailleurs donné envie de lire ses deux romans ayant pour sujet les Etats-Unis au XIXe.

A noter que cette édition inclut le poème « le Naufrage du Deutschland » de Hopkins.

Un très grand merci aux éditions Buchet Chastel pour cette lecture !

3,5coeurs.jpg

 

 

277 p

Ron Hansen, Exils, 2008

Commentaires

Mouais… non 🙂
Désolée…. je ne veux pas rester bloquée sur un beteau encore une fois 🙂

Écrit par : Cryssilda | 29/05/2011

Tiens, tiens un titre à noter, je sens qu’il pourrait me plaire !

Écrit par : Kathel | 30/05/2011

Je l’avais noté à sa parution car j’avais beaucoup aimé les autres titres de cet auteur et que comme toi, j’adore les livres qui s’inspirent de faits historiques, particulièrement s’ils sont peu connus 🙂 Mais je crois bien que tu es le premier avis que je lis dessus !

Écrit par : Joelle | 30/05/2011

quel courage de remettre de l’ordre dans sa bibliothèque 😉

en tout cas, cela permet de faire de belles découvertes – la preuve !

Écrit par : niki | 30/05/2011

@ Cryssilda : surtout qu’avec un naufrage tu serais bien coincée…

@ Kathel : une bonne idée de lecture !

@ Joëlle : j’ai cherché hier et ne suis tombée sur aucun avis ! c’est bien dommage, je ne comprends pas qu’il n’y ait pas eu plus d’articles sur ce livre… j’espère que tu le liras toi aussi :o)

@ Niki : ah je n’ai pas trop le choix :o) Tout était en vrac après un déménagement, j’ai enfin retrouvé mes repères (qui me sont d’ailleurs très personnels car peu de gens s’y retrouveraient je crois !!).

Écrit par : Lou | 30/05/2011

« Comme la lamentation du livre oublié est de loin le hululement le plus angoissant qu’on puisse imaginer » : moi, c’est le cri des livres de ma PAL qui hurlent quand je rentre dans une librairie qui m’inquiètent le plus. Ces dizaines, ces centaines de petits jappements : « tu nous as nous ! pourquoi en chercher un autre ? » … Brrrrr, effrayant !
Comment ça, ce commentaire ne parle absolument pas du livre que tu présentes ? 😉

Écrit par : C�line | 31/05/2011

@ Céline : pas grave, il est 23h, j’ai eu une dure journée et je ne suis pas en état de répondre à tout commentaire un tant soit peu littéraire ou intellectuel :o)
Quant au cri des livres en cas de fréquentation de librairie, je compatis… j’ai commencé à m’inquiéter le jour où, revenant avec quelques nouveux livres, l’une de mes étagères s’est mystérieusement abattue juste derrière moi !

Écrit par : Lou | 31/05/2011

Ce livre a l’air vraiment très bien. Je ne connaissais pas du tout cette histoire, et là je bave d’envie…

Écrit par : Lilly | 04/06/2011

Je viens de le noter sur mon carnet, ce n’est pas le genre de livre que je lis je vais le lire pendant mes vacances, je me prépare une liste d’enfer, mais bon en vacance on peut lire beaucoup plus quand même…..

Écrit par : Nina | 05/06/2011

Tu vis dangereusement! Je ne savais pas tout ce qu’une lectrice pouvait entendre dans les ténèbres de la part de ses livres non lus! Mais je vais écouter les miens plus attentivement. Celui-ci a un sujet plutôt original.

Écrit par : claudialucia ma librairie | 06/06/2011

@ Lilly : service de prêt habituel à ta disposition ! ;o)

@ Nina : tu m’étonnes, c’est un des magnifiques avantages des vacances ! Je suis ravie de t’avoir tentée et espère que tu trouveras le temps de le lire cet été (je serais très curieuse de lire ton avis) !

@ Claudialucia : il faut se méfier de ses livres, ces petits êtres pernicieux qui peuvent se retourner contre vous ! Oui le sujet est vraiment original et a suscité ma curiosité.

Écrit par : Lou | 06/06/2011

Un thème qui a l’air intéressant!

Écrit par : Edelwe | 15/06/2011

@ Edelwe : il l’est en effet !

Écrit par : Lou | 15/06/2011

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