Milton et son paradis perdu

stefansson_entre ciel et terre.gifMilton était aveugle, tout comme le capitaine, c’était un poète anglais qui avait perdu la vue à l’âge adulte. Il composait plongé dans les ténèbres et c’était sa fille qui transcrivait ses poèmes. Nous rendons donc grâce à ses mains, en espérant toutefois qu’elles avaient une vie en dehors de la poésie, espérons qu’elles ont eu l’occasion de serrer quelque chose de plus doux et de plus chaud que le maigre bois de cette plume. Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le coeur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts. Pourtant, à eux seuls, ils ne suffisent pas et nous nous égarons sur les landes désolées de la vie si nous n’avons rien d’autre que le bois d’un crayon auquel nous accrocher. (p74)

A mon grand regret, je n’ai pas été vraiment emportée par Entre ciel et terre, un roman qui s’annonçait prometteur et dont le sujet avait forcément éveillé ma curiosité : un marin qui oublie sa vareuse et meurt de froid en mer parce qu’il a été trop absorbé pas sa lecture du Paradis perdu de Milton ; un ami qui « entame un périlleux voyage » pour rendre l’ouvrage à son propriétaire.

entre ciel et terre, jon kalman stefansson, milton, paradis perdu, littérature islandaise, islandeDans un monde rude où le danger d’un nauffrage est omniprésent, Barour et son ami (dit « le gamin ») font figure d’exception en se passionnant pour la littérature et en s’instruisant seuls lorsqu’ils ne partent pas pêcher. Des conditions de vie spartiates, un lit pour deux et une pièce pour tous les marins, un quotidien dont ils s’échappent à travers leurs lectures. Lorsque Barour décède en mer, le gamin ne voit plus de raison de rester en compagnie des autres pêcheurs. Il part donc rendre Le Paradis perdu et s’installe dans une auberge, où deux femmes remarquables et trop indépendantes pour être appréciées lui offrent un nouveau départ.

Une écriture poétique, sans aucun doute, mais un texte que j’ai souvent délaissé en rêvassant, avec ces dialogues et considérations philosophiques mêlés au corps du texte, cette insertion des pensées de Barour et du gamin au récit lui-même, sans transition aucune.  Ce ne sont pas des procédés qui me gênent habituellement mais le caractère dense du texte associé à des sujets qui finalement ne m’intéressaient pas toujours ont fini par me lasser (en dépit des qualités innombrables de ce roman).

Un texte fin, plein de sensibilité, dont j’ai savouré certains passages particulièrement saisissants (comme celui cité plus haut) mais qui, en général, m’a sans doute déroutée. Par ailleurs je m’attendais à davantage d’intertextualité et de réflexions sur la littérature ou la lecture (en réalité c’est ce qui m’avait attirée à la lecture du résumé), or c’est un sujet finalement assez périphérique.  Ce roman est davantage une leçon de vie, à travers un récit finalement assez initiatique et viril. Une rencontre manquée donc, mais un roman indéniablement maîtrisé qui mérite de retenir toute votre attention et qui devrait plaire à beaucoup d’entre vous.

Un autre avis mitigé : Lau « Entre ciel et terre a été mon premier contact avec la littérature islandaise et, pour moi, c’est comme pour la musique, je trouve ça déprimant et même presque angoissant ».

Et d’autres avis, très enthousiastes : Le Bibliomane « une narration à la prose hypnotique et poétique », Eric Boury (le traducteur) « Entre ciel et terre appartient indubitablement à la grande littérature, à celle qui nous tend cette main amie et nous aide à vivre en nous indiquant dans quelle direction chercher la lumière et comment nous délester des ténèbres« , Des livres et des Champs « Je me suis souvent exclamée à la lecture parce que j’étais éblouie par ce que je venais de lire« , Kalistina « une splendide découverte« , Gambadou « J’ai eu au tout début un peu de mal à rentrer dans le froid quotidien de ces pécheurs de morue qui rament pendant des heures pour arriver sur leur endroit de pêche. Et puis j’ai été emportée et j’avais hâte de retrouver mon livre et la musique des mots« …

 

Merci à Lise des éditions Folio.

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(J’en profite pour rappeler que cette échelle de coeurs que j’utilise sur mes billets vise uniquement à retraduire mes sentiments à la lecture : en aucun cas il ne s’agit d’une notation à prendre au pied de la lettre… il s’agit bien plutôt de retraduire mon humeur et mon état d’esprit à la lecture, de façon hautement subjective et personnelle)

253 p

Jon Kalman Stefansson, « Entre ciel et terre« , 253 p

Commentaires

C’est un livre que j’avais demandé mais je ne l’ai jamais reçu ! Pas grave tout de fois, tout cela pour dire à l’occasion, un jour pourquoi pas …

Écrit par : Alice | 22/05/2011

Vu ton avis, je vais passer mon chemin.

Écrit par : Edelwe | 22/05/2011

Je ne lis ton billet que d’un oeil, car je vais bientôt lire ce livre. J’espère que je serai plus enthousiaste que toi.

Écrit par : Cryssilda | 22/05/2011

bin euh deja le sujet n’est vraiment pas pour moi…alors en plus avec ta critique…je laisse…;o)

Écrit par : rachel | 22/05/2011

je me sens très peu attirée par ce roman (quelle chance pour les LAL et PAL)
et comme ton avis semble mitigé, je passe 😉

Écrit par : niki | 22/05/2011

La lecture c’est tellement personnel. Moi aussi je passe parfois à côté de livres que tout le monde aime.

Écrit par : BelleSahi | 22/05/2011

Je n’ai pas non plus écrit de billet dithyrambique, à cause de la partie à l’auberge qui m’a moins intéressée. Mais c’est un livre auquel on repense et avec le recul je regrette de ne l’avoir pas aimé plus. Peut-être à relire donc…

Écrit par : prune | 22/05/2011

Bonjour Lou,
Je te remercie de ta visite et de ton gentil commentaire.
J’y répond avec un peu de retard, je suis débordée et m’en excuse.
Je te souhaite une très belle semaine

Écrit par : Kenza | 23/05/2011

Je viens de lire ton billet (ce que je n’avais pas fait à la première lecture) je le trouve très intéressant et tu explique très bien ton ressenti. Oui comme toi, il m’arrive de trouver des livres qui sont de qualité mais je n’arrive pas à m’accrocher. Il en est de même parfois pour des films. C’est pas toujours facile de le démontrer comme l’expliquer. Et tu l’as très bien démontrer ici !

Écrit par : Alice | 24/05/2011

Il me tente moi…. Bon je note on verra bien!

Écrit par : Allie | 24/05/2011

Moi j’aime énormément ce livre que j’ai chroniqué il y a quelques mois à peine.

Écrit par : Eeguab | 25/05/2011

@ Alice : celui-ci est à moi pour le coup et je serais ravie de te le prêter quand tu en auras envie ! Sans doute te plaira-t-il davantage qu’à moi, je crois que le thème un peu viril des pêcheurs ne m’a pas aidée.

@ Edelwe : mais encore une fois je n’ai presque vu que des avis positifs…

@ Cryssilda : je sais que tu vas le lire, je te souhaite d’être plus enthousiaste… tu n’as pas peur de la mer et des bateaux ?;o)

@ Rachel : toujours se méfier des sujets qui nous inspirent peu, sinon : danger à l’horizon !

@ Niki : j’étais très attirée par l’allusion au “Paradis perdu” de Milton mais je m’attendais à un livre faisant sans doute davantage référence aux classiques anglo-saxons, ou traitement à minima plus fréquemment du plaisir de la lecture.

Écrit par : Lou | 25/05/2011

@ Bellesahi : tu as bien raison, et c’est mieux comme ça (ce serait bien triste sinon !)

@ Prune : je relirai peut-être des passages également…

@ Kenza : merci d’être également passée par ici… ne t’en fais pas, j’ai moi aussi un peu de mal à répondre aussi vite que je le souhaiterais parfois. Bonne fin de semaine à toi !

@ Alice : merci pour ton gentil commentaire, ce n’était pas un billet facile à écrire pour les raisons que tu invoques… difficile de rester honnête et de traduire son ressenti sans trop desservir un livre qui, objectivement, a de réelles qualités.

@ Allie : tu fais bien de te fier à ton instinct !

@ Eequab : je vais de ce pas lire ton commentaire, merci de me l’avoir signalé.

Écrit par : Lou | 25/05/2011

je suis en pleine réalisation d’une liste « auteurs nordiques », je l’avais vu, et noté sur ma liste, il a curieusement gagné quelques places grâce à toi, je suis curieuse de voir ce que peut donner ce style.

Écrit par : Océane | 28/05/2011

Je viens de le commencer ! Donc je viendrai lire ton billet plus tard…

Écrit par : Aliénor | 28/05/2011

@ Océane : je serais curieuse de connaître ton avis… en tout cas j’ai moi aussi repéré un certain nombre d’auteurs nordiques et prévois d’autres lectures en la matière :o)

@ Aliénor : j’espère qu’il te séduira davantage…

Écrit par : Lou | 29/05/2011

IL est dans ma pile à lire, je ne vais donc pas lire ton billet in extenso aujourd’hui… J’espère aimer ce roman !

Écrit par : Kathel | 30/05/2011

@ Kathel : je te le souhaite aussi :o)

Écrit par : Lou | 30/05/2011

On m’a prêté ce livre en septembre en me disant « tu vas voir, c’est de toute beauté ! ». J’ai donc commencé une lecture fébrile, et puis… flop ! Je n’ai pas accroché du tout. J’ai comme toi décroché souvent, trop souvent pour pouvoir aller au bout. Un rendez-vous manqué peut-être ?

Écrit par : Margotte | 03/06/2011

mais quand meme..il y a tellement de livres qui m’inspirent…alors je tente de passer a cote…;o)

Écrit par : rachel | 16/06/2011

@ Margotte : sans doute un rendez-vous manqué… je l’ai pour ma part prêté à quelqu’un qui, à mon avis, serait plus susceptible de l’apprécier…

@ Rachel : tu as bien raison :o)

Écrit par : Lou | 16/06/2011

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