Aux sombres héros de l’amer

carroll_chasse_snark3.jpgUn petit livre oublié est en train de faire son chemin sur la blogosphère grâce aux éditions Folio, qui une fois encore ont remis au goût du jour un vrai petit bijou ! Ecrit en 1876, onze ans après le première Alice, La Chasse au Snark de Lewis Carroll est un exemple typique de « nonsense », ce que s’emploie à illustrer la présente édition à travers une série de commentaires pertinents et une documentation bien fournie.

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La chasse au Snark va embarquer des individus plus farfelus les uns que les autres à la recherche de cet être sans doute à mi-chemin en un requin et un escargot (snark était le mot-valise de « shark » et de « snail »), une créature que personne n’a par ailleurs jamais vue. Le capitaine donne des ordres contradictoires, le castor fait de la dentelle, arrive un boucher qui ne tue que les castors… voilà qui pourra déjà vous donner une idée de la situation absurde et cocace dans laquelle se trouvent embourbés les personnages ! Le texte est ici en version bilingue et est absolument à découvrir, ne serait-ce que pour l’humour qui s’en dégage, au-delà de la langue, Carroll se jouant des mots avec plaisir !

Ainsi pour réanimer le boulanger :

« The roused him with muffins – they roused him with ice… » (Ils le ranimèrent avec des muffins, ils le ranimèrent avec de la glace)

Ou encore :

« And the Bellman cried « Silence ! Not even a shriek ! » / and excitedly tingled his bell » (Et l’homme à la cloche cria silence, pas même un cri ! / excité et faisant sonner sa cloche).

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carroll_Snark_cover.pngA noter l’introduction intéressante qui revient sur le parcours de Lewis Carroll, mathématicien; sa technique est annonciatrice de l’Oulipo, dont fait partie le traducteur de cette édition (les traductions ne manquant pas, et nous devons l’une d’elles à Aragon).

On y apprend que Carroll avait refusé de laisser l’illustrateur représenter le snark, ce qui m’a rappelé Kafka et La Métamorphose :

« J’ai pensé, comme Starke va faire l’illustration, qu’il pouvait peut-être vouloir dessiner l’insecte. Non pas cela, par pitié, pas cela ! L’insecte, il ne faut pas le dessiner. On ne peut même pas l’ébaucher. Si je pouvais me permettre de suggérer une illustration, je choisirais des scènes comme par exemple : les parents et le fondé de pouvoir devant la porte fermée ou encore mieux, les parents et la sœur dans la pièce éclairée tandis que la porte donnant sur la petite chambre obscure reste ouverte. »

carroll_jabberwocky-1.jpgLa Chasse au Snark est suivie par le Jabberwocky (poème découvert par Alice dans Through the Looking Glass), fait de mots inventés par Carroll. Plusieurs traductions sont proposées, assorties des commentaires de Bernard Cerquiglini qui sont finalement ce qui m’a le plus passionnée lors de cette lecture. On y voit ainsi plusieurs versions qui n’ont pas grand-chose en commun, ni le fond ni la forme (en particulier en termes de sonorités, l’effet rendu est radicalement différent d’une traduction à l’autre).

J’ai bien ri en lisant celle d’Henriette Rouillard qui ne s’est pas donné de mal mais a le mérite de rester très fidèle au texte original : C’est brillig et le slithy toves / gyre et gimble dans le wabe / Mimsy sont tous les borogoves / et les mome raths outgrabe (ça me rappelle les traductions automatiques sur internet).

Bref, amusez-vous bien et partez vous aussi à la chasse au snark !

Les avis d’Alice (qui a beaucoup parlé de Lewis Carroll sur son blog où Tenniel est lui aussi très présent), Cryssilda, Lilly, Maggie, Mélisendre, Praline, Tortoise,

Encore merci à Lise !

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132 p

Lewis Carroll, La chasse au Snark, 1876

* Pourquoi ce titre ? Parce qu’il m’a rappelé un grand moment d’absurdité, puisque petite j’étais persuadée que le titre était en réalité « au sombrero de la mer » (titre ma foi fort intrigant) et que cette confession me paraît parfaite dans le cadre de ce petit billet sur le nonsense !

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Commentaires

Lou, ton petit astérisque me fait trop rire ! De même Carroll m’a beaucoup fait rire aussi avec sa chasse au snark : j’adore ce petit Castor qui file de la dentelle sur cette nef des fous !

Écrit par : maggie | 08/05/2010

J’ai aussi beaucoup aimé et le jeu des traductions est en effet excellent !

Écrit par : praline | 08/05/2010

oooh alice l’a remis au gout du jour….ooooh excellent la loufoquerie…c genial!

Écrit par : rachel | 08/05/2010

Ton titre est parfaitement bien trouvé en effet!
Ton billet me rappelle que je l’ai également reçu et que je l’avais oublié!
Le voilà près de moi maintenant!

Écrit par : Mango | 08/05/2010

j’ai eu exactement la même réaction au titre pour « le sombre héros de l’amer » :o)

Écrit par : niki | 08/05/2010

Merci pour le clin d’œil c’est vraiment sympa 😉

Écrit par : Alice | 08/05/2010

Hum… en lisant ton astérisque, je… enfin bref, sache que certains sont encore plus longs à la détente que toi… ;o)

Écrit par : Lilly | 08/05/2010

@ Maggie : je suis fan du castor, surtout s’il est si utile !

@ Praline : je trouve que la logique que met en évidence B. Cerquiglini est vraiment intéressante, surtout que le texte est très opaque à première vue.

@ Rachel : oui c’est peut-être lié au film, même si j’ai été un petit peu déçue (je crois que j’attends trop de Burton maintenant).

@ Mango : ah, le coup des SP oubliés ou en retard !! Là j’ai découvert que je devais lire 700 p très rapidement, avec mes horaires en semaine et la venue de Mr Lou, ça va être sympa !

@ Niki : merci !! je me sens moins seule désormais !!

@ Alice : mais c’est normal :o)

@ Lilly : ah c’est énorme ! J’adore, grâce à toi j’ai le sourire dès le matin au réveil, ce qui est tout à fait miraculeux ! Si ça peut te rassurer j’ai eu une première phase de transition où je croyais qu’il s’agissait des sombres héros de la mer (en plus ils disent « always lost in the sea », pfff, vraiment ce sont de petits plaisantins, hein !). Enfin je n’ai toujours pas fait très attention au sens général de la chanson, il me reste encore une étape à franchir !

Écrit par : Lou | 09/05/2010

Lol! Moi j’avais compris, Aux sombres héros de la mer…Un titre qui pose problème!

Écrit par : Edelwe | 09/05/2010

Un titre qui me tente beaucoup, Lewis Caroll et le non sens bien sûr ! Avec une édition bilingue (si je lis bien) qui va certainement m’aider dans ma reconquête de l’anglais après tant d’années !!

Écrit par : Pickwick | 09/05/2010

@ Edelwe : « un homme pressé » est plus à ma portée :o)

@ Pickwick : ce n’est pas ce qu’il y a de plus simple, enfin pour le poème, le reste se lisant bien malgré tout. J’espère que tu te laisseras tenter, mais en tout cas pour la chasse tu as à gauche la version anglaise et à droite la version française et pour la suite le poème en anglais suivi de plusieurs traductions, puis des versions françaises commentées en fonction de leur pertinence par rapport aux jeux de mots et au respect des origines de chaque mot-valise.

Écrit par : Lou | 09/05/2010

Purée, tueuse d’illusions, je viens de passer de la phase 2 à la phase 3 en à peine quelques heures… Cela dit, c’est vrai que la phase 1 n’a aucun sens… Quant à la phase 2, il me semblait même qu’il y avait un rapport avec la Bretagne, donc j’en étais encore à la mer…

Écrit par : Lilly | 09/05/2010

@ Lilly : mais le sombrero de la mer c’est vachement plus drôle :o) tu vois Noir Dez bien sombre et tu imagines un clip ultra sombre avec un sombrero mexicain bien jaune qui vogue sur les flots… de toute façon même maintenant je continue d’y penser, hehe !

Écrit par : Lou | 09/05/2010

oooh j’y vais dimanche prochain..ne sort que cette semaine au chili…alors avec pas mal de critiques negatives, je ne pourrais qu’aimer…;o)

Écrit par : rachel | 09/05/2010

@ Rachel : bah c’est un peu gentillet, je dois dire que j’en ai marre des Burton à la guimauve et un peu marre de sa femme !

Écrit par : Lou | 09/05/2010

ah effectivement…lala c irrecuperable…

Écrit par : rachel | 10/05/2010

J’aime beaucoup Noir Désir, que j’ai vu en concert à 15 ans… Et j’adooore cette idée de sombrero bien jaune et mexicain qui voguerait gaiment sur les flots… très drôle ! Tu as gardé « la mer » mais ça aurait pu être « la mère » ou bien de « l’amer » !!!!
« au sombrero de la mère »… Carroll nous a emmené bien loin…

Écrit par : maggie | 10/05/2010

@ Rachel : tu verras à la fin, j’étais avec Titine et lorsqu’a démarré le générique on s’est regardées dans un grand moment d’incompréhension, puisque ça se termine sur une chanson pour ados de type Avril Lavigne ou Hannah Montana (writing ?)… ça donne une petite idée, même si ça ne correspond pas à tout le film !

Écrit par : Lou | 10/05/2010

Je ne connaissais pas du tout ces « Snark ». Tu titilles ma curiosité, j’irai regarder de quoi il retourne!!

Écrit par : lancellau | 10/05/2010

@ Lancellau : ravie de t’avoir fait découvrir ce petit livre 🙂

Écrit par : Lou | 11/05/2010

Lu aussi… et j’ai bien aimé! Un moment agréable de grand n’importe quoi!

Écrit par : Karine:) | 12/05/2010

Moi aussi j’ai profité de ce partenariat pour découvrir ce roman d’un auteur que j’apprécie profondément. Une petite merveille. Et en passant, j’aime beaucoup ton billet merveilleusement illustré 🙂

Écrit par : GeishaNellie | 12/05/2010

C’est vrai, comme le cloporte de Kafka, que ce sont des créatures qu’il ne faut surtout pas tenter de dessiner! Ce serait tout abîmer. Et puis « un être entre le requin et l’escargot »… bon courage au dessinateur!
😉

Écrit par : Sibylline | 12/05/2010

@ Karine:) : ah je n’ai pas encore vu ton billet. J’avais vu que tu saturais après Alice, ce que je comprends assez car j’aime bien mais pas à forte dose ! J’ai oublié le petit logo English Classics, je vais le rajouter !

@ GeishaNellie : merci pour le gentil compliment, et moi aussi j’adore ces illustrations (et j’adorerais avoir cette édition de la chasse au snark ;o))

@ Sibylline : déjà pour le fameux Jabberwocky Tenniel a fait un exploit !

Écrit par : Lou | 13/05/2010

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