Cécile Coulon, Seule en sa Demeure

J’avais décidé de ne pas particulièrement m’intéresser à cette nouvelle rentrée littéraire de septembre, trouvant le concept assez absurde comme toujours. Mais finalement, notamment à travers des titres prometteurs repérés en librairie, j’ai pas mal craqué. Parmi les romans que j’avais le plus envie de découvrir figurait Seule en sa demeure de Cécile Coulon, autrice que je me promettais de relire depuis longtemps.

Il faut dire que le pitch est plus qu’alléchant lorsqu’on aime les classiques et modernes d’inspiration gothique. On pense à Rebecca, mais même plus généralement aux influences des XVIIIe et XIXe européens. Il y est question du mariage arrangé d’Aimée avec Candre au XIXe. D’un domaine isolé dans la forêt. D’un mari exagérément pieux dont la première femme est décédée rapidement après leur mariage, dans un sanatorium en Suisse. D’une domestique un peu trop présente. Et d’une professeure de flûte éveillant Aimée à la sensualité.

J’aurais tant aimé dire que la lecture de ce roman a été le coup de cœur que j’en attendais ! Malheureusement, je suis passée un peu à côté de ce livre qui avait pourtant tout pour me plaire.

Si j’ai d’abord aimé l’ambiance des premières pages, lorsque Candre courtise sobrement Aimée, mon intérêt s’est un peu émoussé dès l’arrivée au domaine Marchère. Le roman joue avec les codes du genre : la maison isolée, les arbres menaçants, la femme coupée du monde hormis son époux et une domestique fidèle, le mari un peu distant, une certaine impression produite par la maison, et le triste destin des Marchère, avec la mère morte brutalement pendant la messe et la jeune épouse elle aussi disparue. Ajoutons à cela la dimension sexuelle des classiques fantastiques, avec les obligations maritales et l’impression produite par la nouvelle professeure de musique.

Seulement, plusieurs éléments m’ont progressivement gênée.

Tout d’abord Aimée, dont la réaction paniquée à l’arrivée dans sa nouvelle maison me semble excessive, voire injustifiée. Compte tenu des échanges courtois avec Candre précédant le mariage, l’angoisse qui la saisit au point de la faire défaillir m’a justement un peu trop fait penser aux héroïnes des romans terrifiants classiques, qui tombent comme des mouches face à l’adversité. Par la suite, le mari n’est que politesse et prévenance. Certes, il est porté sur la religion, mais rien dans ses actions ne laisse vraiment penser qu’il puisse s’agir d’un fanatique pervers et dévoyé. Non, Candre est doux, un peu fade et semble-t-il plutôt tendre, dans les strictes limites de la bienséance bourgeoise de l’époque. Bien entendu, il peut paraître antipathique lorsqu’il vient accomplir son devoir conjugal mais, remis dans le contexte de l’époque, cela n’a rien de particulièrement suspect. Ensuite, il y a ces doutes qui saisissent Aimée quant à la mort de la précédente épouse. Force est de constater qu’il y a potentiellement anguille sous roche au bout d’un certain temps, mais la façon dont Aimée nourrit cette obsession au départ est difficile à concevoir. Des jeunes femmes qui mouraient de consomption, ce n’était pas si impossible que cela. Alors pourquoi imaginer autre chose qu’un triste destin ?

Vient maintenant la domestique qui a veillé sur Candre comme une mère, et qui semble gouverner la maison à sa façon, éveillant dès lors nos soupçons, forcément. C’est un personnage un peu fantomatique, comme l’époux, dont on se méfie un peu sans être vraiment totalement alarmés par sa présence.

Tout cela mis bout à bout, j’ai eu du mal à me laisser imprégner par l’atmosphère lugubre qui pèse tant sur Aimée.

Sur un autre plan, il y a également l’intervention de la professeure de musique et ces scènes intenses où, en forçant son élève à bien se positionner, elle éveille en elle une soudaine obsession. L’idée était intéressante, mais je m’attendais à ce qu’elle soit plus exploitée. Que l’on voie davantage les deux jeunes femmes interagir. Que la relation évolue, gagne en ambiguïté voire conduise à l’adultère. Telle quelle, j’ai eu du mal à saisir ce qu’elle apporte à l’histoire hormis la naissance d’un désir nouveau chez Aimée, par la suite beaucoup plus réceptive lorsque Candre vient la rejoindre. J’ai eu aussi peu compris l’implication finale de l’enseignante, qui vient démêler toute l’affaire alors que j’avais eu l’impression que les rencontres précédentes avec Aimée s’étaient résumées à peu de choses au final.

Enfin, l’un des personnages est un jeune homme muet et séduisant qui attire l’attention d’Aimée lors de son propre mariage. Il jouera un rôle capital plus tard, mais lorsque la jeune femme arrive dans sa nouvelle maison, il disparait un certain temps sans que l’on sache pourquoi. En le découvrant la première fois, je m’imaginais qu’il allait être une figure un peu sulfureuse, séductrice ou menaçante, qui viendrait de suite troubler la jeune femme. Il met un certain temps à réapparaître et à avoir un rôle vraiment significatif, comme si on l’avait oublié.

En quelque sorte, il m’a manqué des liens de cause à effet, des personnages avec un peu plus d’épaisseur, plus contrastés les uns des autres. Par exemple Candre porte en lui une part de féminité tout en étant fort, il est pieux mais porté sur le devoir conjugal, pourquoi pas ? Encore aurait-il fallu pour moi exploiter un peu plus ses aspérités pour lui donner une aura de mystère, le rendre vraiment inquiétant, ou séduisant, peu importe. En l’état, il traverse ce roman comme un courant d’air.

J’aurais vraiment aimé que cette lecture fasse mouche, moi qui adore ce genre de thématique et qui apprécie énormément les choix éditoriaux de l’Iconoclaste (d’ailleurs, j’ai aussi prévu de lire bientôt deux autres de leurs parutions récentes). Évidemment, je suis déçue d’avoir été déçue alors que le roman de Cécile Coulon fourmille de bonnes idées et que le talent de cette autrice n’est plus à démontrer. Parfois, la rencontre ne se fait pas, ce qui n’empêche pas d’autres lecteurs d’avoir aimé ce livre. J’aurais vraiment regretté de ne pas avoir lu ce titre, alors, tant pis pour ce bémol, et je suis certaine de me régaler avec Une Bête au Paradis que je n’ai toujours pas lu.

Les avis des copinautes et participantes au challenge Halloween Lilly et de MissyCornish, pas franchement enthousiastes non plus.

333 p

Cécile Coulon, Seule en sa Demeure, 2021

 

8 thoughts on “Cécile Coulon, Seule en sa Demeure

  1. bonjour, comment vas tu? j’avais déjà entendu parler de ce roman mais en des termes plus élogieux. c’est bien dommage… passe un bon mercredi et à bientôt!

  2. Je re rejoins Lou, il y a effectivement eu de bonnes idées mal exploitées. J’adore ta phrase lorsque tu parles de Candre qui traverse le livre comme un courant d’air. Tu as complètement raison. J’ai une bête au paradis et j’ai très envie de le lire apparemment il est très bien. Si une LC te tente n’hésite-pas. Je serais encore heureuse d’en discuter avec toi

  3. Bon, je l’avais déjà ôté de mes idées-lectures en lisant des chroniques mitigées… Tu finis de me convaincre : finalement, ce sera non. Sauf si je tombe dessus à la médiathèque, par exemple… Bises !

  4. C’est exactement ça. Il y a tous les éléments, mais pas de lien entre eux. Même l’amour naissant avec la prof de musique est tellement subtil qu’on le voit à peine. Ou alors j’ai l’empathie d’une huitre…

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