Romain Meynier, Revoir Marceau

J’ai découvert les éditions Cambourakis récemment et jeté mon dévolu sur le premier roman de Romain Meynier. Pendant que je le lisais, j’ai eu la chance d’assister à une rencontre à distance avec l’auteur grâce à #varionsleseditionsenlive. Moment d’échange passionnant qui m’a au passage donné quelques clefs de lecture pour Revoir Marceau.

Tout commence par une scène tragicomique où, après avoir chanté « Pour que tu m’aimes encore » sous la douche, le dernier jour des vacances, le narrateur découvre que sa compagne Marceau est partie et l’a enfermé dans leur maison de vacances. Le voilà désoeuvré dans un petit village en Lozère, confronté à une réalité brutale et forcé de prendre des décisions pour se sortir de ce mauvais pas. On comprend rapidement que l’action et la projection dans un futur relativement immédiat ne sont pas le point fort du narrateur : J’aimais les images fortes, les brutales évidences, mais de nature je m’enlisais dans la promesse éphémère, le matin, d’arriver jusqu’au soir, pas davantage (ces courts programmes par tranches de vingt-quatre heures ont quelque chose de réconfortant). (p 20)

Même poussé dans ses derniers retranchements, cet anti-héros moderne se laisse porter par le quotidien, accepte avec une certaine philosophie sa situation et se met à faire des choix à première vue incongrus pour rejoindre Paris – et Marceau.

Je m’en sortais comme ça, moi, de mes piteux états : en légers traits d’esprit. (p 19)

Face à l’inconcevable et une situation a priori dramatique, il réagit à contretemps: Nous étions lundi. Tandis que j’aurais dû être à mon poste de travail à neuf heures, à Paris, j’étais à cinq cents kilomètres de là, debout dans la cuisine, en robe de chambre vert et bleu, observant mon sachet de thé Earl Grey se diffuser paisiblement dans ma tasse d’eau chaude. (p 23)

Le ton est donné. A partir de là, entre inertie, rencontres dues au hasard, verres de vin rouge pétillant et excursions pour capter du réseau, s’amorce une lente mise en route pour se confronter à la réalité et rejoindre le quotidien parisien. Au passage, nous croisons des personnages hauts en couleur, comme André Laubert Rieutort de Randon, dit Randon, homme d’église qui a chez lui des photos de nus : de lui-même de plus ou moins près, et celle, plus ancienne, d’une soeur avec laquelle il avait travaillé.

Du début à la fin, le narrateur reste en perpétuel décalage, fait des choix surprenants. Comme celui, par exemple, d’aller errer dans un grand magasin de sport, de décider de se mettre au badminton, de courir (littéralement) après un vendeur qui l’ignore depuis sa voiturette, d’attendre plusieurs heures l’arrivée du spécialiste du badminton puis d’acheter une raquette parfaitement adaptée à son type de jeu. Avant de conclure : il ne me restait plus qu’à jouer de cette façon particulière.

Même si le style est précis et soigneusement orchestré, même si le narrateur a des considérations toutes philosophiques, il est souvent un peu ridicule. Par exemple, après une longue course en taxi. Je remerciai longuement mon chauffeur pour le trajet, et il me dit : cent-dix euros soixante.

J’ai beaucoup apprécié ce texte intelligent et plein d’humour (souvent décalé). La plume est magnifique et nous porte aisément – bien que lentement – jusqu’à Paris. Comme le narrateur, on se laisse porter au gré des évènements les plus anodins, tout en réfléchissant au passage à nos propres absurdités.

J’ai réservé le deuxième roman de l’auteur en librairie et suis très curieuse de découvrir les errances siciliennes de son nouveau narrateur.

112 p

Romain Meynier, Revoir Marceau, 2017

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