J’ai plusieurs Stella Gibbons en attente chez moi et je m’en réjouis après cette première lecture. Si Westwood n’est pas tout à fait un coup de coeur, c’est un roman tout en nuances qui ravira les amateurs de littérature anglaise et notamment, de classiques « Vintage ».
Jeune enseignante, Margaret vient de s’installer à Londres pendant la guerre avec ses parents, qui lui donnent l’image d’un mariage peu épanouissant. Dotée d’un physique quelconque, la jeune femme est très, voire trop sérieuse, malgré une grande sensibilité pour l’Art sous ses différentes formes. A l’inverse, son amie d’enfance Hilda récemment devenue sa voisine est très jolie, assez frivole, ne s’intéresse qu’aux films faciles et semble supporter la guerre avec une légèreté qui fait défaut à Margaret.
Par hasard, Margaret fait la rencontre du peintre Alexander Niland et de son beau-père dramaturge Gerard Challis, qui s’avère être un proche voisin vivant à Westwood, une superbe maison. Grâce à Zita, réfugiée juive travaillant chez les Challis, Margaret va obtenir son droit d’entrée à Westwood et côtoyer ainsi cette famille qui la fascine, en particulier le dramaturge qu’elle juge tout à fait admirable. Peu lui importe de devoir supporter les railleries de sa fille superficielle ou d’être régulièrement sollicitée pour s’occuper des petits-enfants que les femmes de la maison semblent incapables de gérer seules (sans penser même aux hommes, artistes au-delà de toutes ces considérations bassement matérielles – à une époque où, de toute façon, l’homme ne joue pas ce rôle dans le foyer). Bien qu’on ne puisse se retenir de grincer des dents face aux mauvaises manières et à l’arrogance des Challis et des Niland, qui profitent allègrement de Margaret, difficile de ne pas être sous le charme de cette maisonnée. Nous suivons ainsi Margaret pendant plusieurs mois, entre son travail qu’elle prend moins au sérieux au fil du temps, ses visites à Westwood, ses sorties au concert et l’intimité qu’elle noue avec un ami de son père… autant de changements dans son quotidien qui la feront évoluer.
En parallèle, et bien que sûr de son pouvoir de séduction, le cinquantenaire Gerard Challis fait une cour laborieuse à Hilda, rencontrée dans le métro. Le charme et la beauté de la jeune femme l’empêchent d’admettre ses lacunes intellectuelles et son indifférence royale à tous ses discours pompeux. Bien évidemment, Hilda et Margaret sont loin de se douter du fait que toutes deux côtoient le même homme dans des circonstances bien différentes.
On savoure ce roman délicat qui fait vivre sous nos yeux Hampstead et Highgate sous le Blitz, nous donnant à voir une capitale très vivante et gaie malgré les bombes allemandes. Le portrait qui nous est fait de Londres nous offre de très beaux passages, tel que celui-ci par exemple : Tant que dura l’été, la beauté l’emporta sur la tristesse, car le soleil bénissait toute chose – les ruines, les visages fatigués, les fleurs sauvages aux longues tiges et les étendues obscures d’eau stagnante – et, durant ces mois de calme, Londres dévasté fut aussi beau qu’une ville de rêve (p 8).
Stella Gibbons ne fait pas de cadeau à ses personnages : chacun a son lot de défauts, et même si aucun n’est fondamentalement antipathique, il est difficile de les apprécier ou, a fortiori, de les admirer. Notre héroïne n’échappe pas à la règle en raison de la passivité dont elle fait preuve alors que tout le monde semble trouver normal de profiter de sa générosité.
Preuve du plaisir que j’ai pris à le lire, mon exemplaire de Westwood est constellé de post-its, aussi bien pour retrouver de belles descriptions, des considérations sur la psychologie des personnages ou tout simplement, des touches d’humour. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer cet extrait où Margaret farfouille dans une pile de livres d’occasion : Alors qu’elle ouvrait avec circonspection des sermons et des biographies de respectables nullités du dix-neuvième siècle depuis longtemps défuntes, elle aperçut soudain ce gros volume d’âge vénérable, dont la reliure vert foncé avait connu des jours meilleurs et dont la couverture arborait encore une gravure dorée défraîchie de la porte de Highgate (p 344).
Amoureux des lettres anglaises, Stella Gibbons est à découvrir sans plus attendre !
Lu dans le cadre du Mois anglais organisé ici et avec ma comparse Cryssilda, pour la lecture commune autour des (Vieilles) dames indignes ou indignées (thème qui me laisse un peu perplexe mais qui est il est vrai très amusant).
L’avis en anglais de Book Snob, qui émet quelques réserves que je rejoins en partie, même si j’ai trop apprécié ce livre pour souhaiter mettre en avant ses quelques faiblesses.
Merci aux Editions Points pour cette lecture !
522 p
Stella Gibbons, Westwood, 1946
Commentaires
Écrit par : rachel | 03/06/2016
Écrit par : Aifelle | 03/06/2016
Écrit par : Féli | 03/06/2016
Écrit par : Hélène | 03/06/2016
Écrit par : Adalana | 03/06/2016
Écrit par : keisha | 03/06/2016
Écrit par : niki | 03/06/2016
Écrit par : FondantGrignote | 03/06/2016
Écrit par : bianca | 03/06/2016
Écrit par : Anne | 03/06/2016
Écrit par : lcath | 03/06/2016
Écrit par : Lili | 03/06/2016
Écrit par : Cryssilda | 04/06/2016
@ Aifelle : j’ai hâte de lire ton billet sur « Le Bois du Rossignol » que j’ai aussi dans ma PAL.
@ Féli : oui c’est un peu court pour ce mois anglais c’est sûr, ça passe vite, mais j’espère que tu le découvriras et qu’il te plaira aussi !
@ Hélène : lesquels as-tu ? J’en ai quatre !!
@ Adalana : tu as bien fait :o)
@ Keisha : et moi j’ai bien envie de sortir « Le Bois du Rossignol » de ma PAL.
@ Niki : je ne connais pas Michael Innes, tu m’intrigues ! Et figure-toi que je n’ai découvert que tout récemment l’existence d’une série « Cold Comfort Farm ». Je connaissais bien évidemment ce premier titre mais pensais qu’il était indépendant de tous ses autres livres, jusqu’à ce que je voie un titre du genre « Christmas at Cold Comfort Farm » si je me souviens bien.
@ FondantGrignote : ravie de t’avoir tentée :o) Et je suis fan de mon service à thé, j’en rêvais depuis des années et cette année mon cher et tendre me l’a offert avec sa famille et un couple d’amis pour mon anniversaire, j’étais sous le charme !
@ Bianca : et de mon côté je serais curieuse de connaître ton avis sur « Le Bois du Rossignol » que j’ai aussi dans ma PAL. Je pense que je profiterai de l’été pour découvrir davantage Gibbons.
@ Anne : je serais curieuse de savoir ce que tu en penses, j’espère que tu aimeras toi aussi… et pourtant il paraît que celui-ci est loin d’être son meilleur. Comme je le disais sur un blog anglo-saxon certains aspects sont critiqués, plutôt à raison, mais j’ai tellement apprécié l’atmosphère que j’ai préféré rester sur mon impression très favorable dans mon billet.
@ Lcath : oui….. comme je le disais à Fondant, je rêvais de ce service depuis des années, alors lorsqu’il est arrivé tout droit d’Angleterre dans de belles boîtes dorées pour mon anniversaire, j’étais folle de joie !
@ Lili : en Angleterre le plus renommé est « Cold Comfort Farm » placé « au dessus du lot »… peut-être idéal pour commencer mais en tout cas j’ai adoré découvrir Gibbons avec « Westwood ». Mon prochain sera « Le Célibataire » que je n’aurai certainement pas le temps de lire en juin (une fois le mois anglais commencé, je passe beaucoup plus de temps à co-gérer son organisation qu’à lire ;o)) mais en tout cas cet été !
@ Cryssilda : mais oui tout à fait ! J’espère que cette fois-ci ce ne sera pas toi la vieille dame indignée, car tu pourrais bien avoir envie de secouer Margaret et de donner quelques gifles bien senties à Hebe !
Écrit par : Lou | 04/06/2016
Écrit par : rachel | 05/06/2016
Écrit par : A_girl_from_earth | 05/06/2016
@ A girl from earth : Ah chouette il y aura donc d’autres Gibbons pour la LC du 9 ! J’ai prévu un Mitford mais il me reste à lire le commentaire d’introduction et à rédiger mon billet. Si le titre du « Célibataire » t’interpelle, surveille nos blogs dans quelques jours… ;o)
Écrit par : Lou | 05/06/2016
Écrit par : rachel | 05/06/2016
Écrit par : Lou | 07/06/2016
Écrit par : Chicky Poo | 08/06/2016
Écrit par : Lou | 09/06/2016
Les commentaires sont fermés.