Récompensé par le Prix du Meilleur Roman au Mexique en 2000, Personne ne me verra pleurer de Cristina Rivera Garza est un roman pour le moins intéressant mais qui, malheureusement, ne tient pas toutes ses promesses.
Fils de médecin voué à un avenir prometteur dans la meilleure société mexicaine, Joaquín Buitrago s’est tourné vers la photographie avec des ambitions d’artiste. Mais des années plus tard, alors que débute le récit, sa vie est devenue sordide : morphinomane, isolé, il n’a jamais vu sa carrière décoller et se voit privé d’un impressionnant héritage par son addiction, conformément à une clause du testament de son père. Il est désormais « photographe de fous » à l’asile de La Castañeda.
C’est là qu’il croise Matilda Burgos et qu’il se souvient l’avoir photographiée des années plus tôt, alors qu’il faisait une série de photos de prostituées. Matilda le fascine et il souhaite connaître son histoire. En parallèle de leurs échanges à l’asile, il se rapproche ainsi d’un médecin, espérant avoir accès au dossier de Matilda. Finalement, cette femme étrange se livrera à lui, tandis que Joaquín dévoilera lui aussi peu à peu son passé et notamment, sa relation avec la deuxième femme, celle qui a compté et qui est enveloppée d’une certaine aura tragique lorsque nous la croisons pour la première fois dans le récit.
De ce roman j’attendais plusieurs choses : un portrait de femme complexe ; un regard intéressant sur l’asile et ses pensionnaires (j’avais en mémoire le texte d’Angélique Villeneuve sur les patientes de Charcot, dont le côté historique m’avait beaucoup plu) ; une mise en valeur d’un Mexique en mouvement, bouillonnant, qui peut-être me rappellerait l’univers de Frida Kahlo ou Diego Ribera. Il y a un peu de tout cela dans ce roman, mais je ressors de cette lecture avec une impression quelque peu mitigée.
En dépit d’une histoire qui a tout pour être passionnante et d’un travail de recherche évident, Personne ne me verra pleurer manque d’allant. Plus d’une fois j’ai dû me forcer à terminer un passage, sachant pertinemment que si je m’enlisais là j’aurais toutes les peines du monde à retrouver assez de motivation pour poursuivre ma lecture, alors que le chapitre suivant pouvait tout à fait me plaire davantage. Il faut attendre une bonne centaine de pages pour que l’histoire de Matilda Burgos commence enfin à être dévoilée. Pourquoi pas ? Cependant, le récit s’englue à plusieurs reprises lorsqu’il est question de préciser le contexte : la politique, l’ingénierie, l’aliénisme, les réformes concernant les prostituées, les révoltes… tout ce qui pourrait constituer un terreau intéressant pour construire le récit est asséné au lecteur comme une leçon apprise et brutalement recrachée, devenant ainsi foncièrement assommant et perturbant la narration. Or, comme on le dit à la fin : Matilda Burgos et Joaquín Buitrago sont passés à côté de tous les grands événements historiques (p 211). Cristina Rivera Garza se disperse beaucoup, veut aborder tous les sujets et nous livre au final un roman quelque peu décousu, parfois aride, tout en mettant de la distance entre les personnages et le lecteur. Au niveau de l’édition, la traduction est agréable et le travail de relecture sérieux comme toujours avec les éditions Phébus, néanmoins je regrette que certains documents (photos notamment) ayant servi à illustrer l’édition d’origine n’aient pas été reproduits, d’autant plus que l’auteur y fait allusion dans ses notes finales.
Je suis contente d’avoir satisfait ma curiosité en lisant ce roman mais ce n’est pas le coup de coeur auquel je m’attendais, malgré ses qualités.
Merci aux Editions Phébus et à Masse Critique de Babelio pour cette découverte.
254 p
Cristina Rivera Garza, Personne ne me verra pleurer, 1999 (2013 pour l’édition française)
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Commentaires
Écrit par : rachel | 12/11/2013
Écrit par : sybille | 12/11/2013
et pour le livre, c vrai qu’il y manque cette ambiance mexicaine qui fait le charme de cette litterature….il en reste un voyage dans un asile (comme n’importe ou au monde) et ce n’est pas un sujet que j’apprecie…
Écrit par : rachel | 12/11/2013
Tu avais lu « Personne ne me verra pleurer « ? Personnellement l’asile est un sujet qui me fascine s’il est bien traité (pas trop de voyeurisme mais plutôt un regard sur quelques patients, avec un petit côté historique sur la perception des maladies et leur traitement à l’époque)… ici on est dans un asile mais on pourrait être ailleurs… je trouve vraiment dommage ce détachement de tout, l’histoire ne prend racine nulle part et même si en prenant du temps pour lire d’une traite la seconde moitié du roman j’ai sans doute davantage apprécié le récit en lui-même, je ne suis pas sûre que ce livre me laisse un grand souvenir…
@ Sybille : il y a de la matière c’est certain, le mieux est de te faire ta propre idée :o)
Écrit par : Lou | 13/11/2013
Écrit par : Titine | 13/11/2013
Écrit par : abo2008 | 13/11/2013
@ Abo2008 : on ne peut pas tout lire et en ce sens ce n’est pas mal de lire les avis d’autres lecteurs pour savoir si un roman peut nous correspondre ou pas :o) Toutes mes félicitations pour ce bébé à la maison !!
Écrit par : Lou | 13/11/2013
en tout j’avais essaye de lire « vol au dessus d’un nid de coucou »…non c’est vraiment pas le sujet qui me plait, celui de l’asile…le cote mexicain m’aurait plus attire (tu me connais…;))…mais il y est totalement absent….;)
Écrit par : rachel | 15/11/2013
Écrit par : Lou | 15/11/2013
oui cela manquait de quelquechose et en fin de compte c’est assez banal comme livre…;)
Écrit par : rachel | 16/11/2013
Écrit par : Lou | 16/11/2013
Écrit par : yoko | 06/02/2014
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