Je n’avais pas retrouvé Joyce Carol Oates depuis un moment, malgré deux premières lectures très marquantes. C’est donc chose faite avec Le Musée du Dr Moses, recueil de nouvelles. J’apprécie beaucoup ce format et j’étais curieuse de voir quels textes étonnants pouvaient se cacher sous cette couverture dérangeante.
Rapidement, le ton est donné et le lecteur s’enfonce dans un univers sombre et glauque, s’y englue, victime d’une sensation oppressante dont il aura le plus de mal à se défaire. Chaque interruption – la fin d’une nouvelle par exemple – était la bienvenue et me permettait de me secouer de ce monde où le Mal est omniprésent, où les intentions sont mauvaises, l’issue, souvent fatale.
Quelques mots sur les diverses nouvelles (que je vous invite à négliger si vous avez la ferme intention de lire ce recueil mais qui, pour ceux qui ne seraient pas décidés, vous donneront une meilleure idée de ce qui vous attend) :
« Salut ! Comment va ! » : un jeune homme interpelle les autres joggeurs alors qu’il fait son footing, les arrachant à leurs pensées, les dérangeant parfois, sans s’arrêter après avoir attiré l’attention de ces inconnus.
« Surveillance antisuicide » : un homme va voir son fils dans un centre de surveillance antisuicide après qu’il ait été interné. Sa compagne et leur enfant ont disparu, et le grand-père n’a qu’une idée en tête, retrouver le petit. C’est alors que le fils finit par parler et raconter une histoire horrible… mensonge ou vérité ?
« L’homme qui a combattu Roland La Starza » : un boxeur attend depuis des années le combat de sa vie mais, à l’issue de celui-ci, est retrouvé mort dans un champ. Suicide ? Et que s’est-il passé pendant la rencontre avec La Starza, star en déclin ?
« Gage d’amour, canicule de juillet » : le narrateur attend son épouse qui vient de le quitter et revient récupérer ses affaires. Mais pour lui le mariage est éternel, et l’on sent bien que tout ne tourne pas rond (à commencer par son opinion condescendante très XIXe sur les facultés intellectuelles de sa femme). On devine qu’une surprise attend la dulcinée lorsqu’elle arrive chez elle et trouve le courrier abandonné dans la boîte à lettres et la maison fermée.
« Mauvaises habitudes » : trois enfants sont très perturbés lorsque l’on vient les retirer en urgence de leur école et qu’ils finissent par apprendre que leur père est accusé de multiples meurtres, notamment sur des enfants.
« Fauve » : un petit garçon adorable est noyé dans une piscine en présence de sa mère et de nombreux adultes ; il a vraisemblablement été attaqué par un camarade. On parvient à le réanimer mais dès lors, ce n’est plus le même enfant. Il devient si inquiétant qu’il finit par faire peur à ses parents…
« Le Chasseur » : le narrateur est un serial-killer, qui recherche l’âme soeur mais, ayant trouvé des défauts à chacune de ses compagnes, les a tuées tour à tour. Il finit par passer au détecteur de mensonge et s’en sort sans souci. Encore une fois.
« Les jumeaux : un mystère » : des jumeaux se retrouvent dans la maison de leur père, s’étonnant de ne plus avoir de nouvelles. Que vont-ils trouver ? Pourquoi sont-ils persuadés que c’est l’autre qui a donné l’alarme le premier ? Qui manipule qui ?
« Dépouillement » : un homme se purifie sous la douche, nettoyant le sang qui colle à sa peau.
« Le Musée du Dr Moses » : une jeune femme fâchée avec sa mère apprend que celle-ci a épousé l’étrange Dr Moses, vendu sa maison et tous ses biens pour se retrancher dans la propriété de son nouvel époux, qui abrite également un musée médical. Mais en arrivant, la fille découvre beaucoup de détails qui clochent. A commencer par l’opération de chirurgie esthétique que le docteur a fait subir à sa nouvelle femme…
Ce n’est pas un coup de coeur comme mes toutes premières lectures de Joyce Carol Oates ; je me demande également si ce n’est pas un auteur difficile à traduire et ainsi plus agréable à lire dans sa langue d’origine. Ici, davantage que le style, c’est la narration qui impressionne. Impitoyable, Oates nous conduit à travers un effroyable dédale et parvient à faire ressentir au lecteur un réel malaise à la vue de tous ces personnages, plus malsains les uns que les autres, rappelant par certains aspects Stephen King qui, je trouve, a un don particulier pour recréer des ambiances très angoissantes. Oates nous manipule à sa guise et que l’on apprécie ou non ses nouvelles et leur sujet, elles restent de cette façon fascinantes.
Merci beaucoup aux Editions Points pour cette lecture.
Mes précédentes lectures de cet auteur (j’ai été très impressionnée par les deux premières, mon avis sur la troisième était plus mitigé mais le recueil parlant d’auteurs qui me sont chers je ne regrette pas de l’avoir lu) :
Je vous invite aussi à faire un petit tour chez George qui a organisé un challenge Joyce Carol Oates et répertorié de nombreux liens.
266 p
Joyce Carol Oates, Le Musée du Dr Moses, 2007
Commentaires
J’ai été particulièrement intéressée par ton commentaire (encore plus que d’habitude lol) sur ce recueil de nouvelles dont je gardais un avis très mitigé … Comme toi, ça fait longtemps que je n’ai pas retrouvé la JCO que j’aime (depuis « Petite sœur, mon amour » en fait. Et ce n’est pas « Le Mystérieux Mr Kidder » que je viens de lire qui va me faire changer d’avis … Heureusement, il y a encore beaucoup de romans plus anciens que je n’ai pas lu !
Écrit par : Mrs Figg | 14/08/2013
Écrit par : Lou | 14/08/2013
Écrit par : George | 14/08/2013
Écrit par : rachel | 14/08/2013
Écrit par : -Perrine- | 14/08/2013
@ Rachel : oui ne serait-ce que les sujets font froid dans le dos et quand on lit certains textes (par exemple le gage d’amour ou le fameux musée), c’est assez glaçant ! Mais c’est aussi une réussite dans le sens où Joyce Carol Oates a su créer cette atmosphère… reste à prendre son courage à deux mains pour y plonger !
@ Perrine : c’est le cas en effet de mes 4 lectures de JCO pour le moment. Je pensais que les Mulvaneys était un peu moins sombre, eh bien… Bellefleur peut-être aussi ? Cette saga me tente terriblement mais sa longueur me fait un peu peur…
Écrit par : Lou | 14/08/2013
Pour ses autres textes (les nouvelles, Mr Kidder …), je pense que leur qualité inégale s’explique par le fait qu’il s’agit d’écrits plus anciens (des fonds de tiroirs oserais-je suggérer ?). JCO anime (à animé ?) beaucoup d’ateliers d’écriture, elle doit posséder des tonnes de manuscrits in-publiés dans lesquels les éditeurs piochent peut-être (pas toujours de manière heureuse !) … Enfin, c’est l’explication que je me donne !
Sinon, dans les textes récents, j’ai également acheté « J’ai réussi à rester en vie » qui revient un épisode dramatique de sa vie. J’en attends beaucoup …
Et (au risque de passer pour une harceleuse lol), nous lisons le 1er tome de Bellefleur en LC pour la fin du mois d’octobre. ça te dis ?
Écrit par : Mrs Figg | 15/08/2013
Écrit par : Neph | 15/08/2013
Écrit par : rachel | 15/08/2013
Pour « Bellefleur » il me tente beaucoup mais je vais attendre un peu pour le lire car en octobre je serai accaparée par le challenge Halloween qui reprend du service :o) Par contre j’envisage sérieusement de me le procurer pour novembre, je serai en congé et j’aurai du temps pour lire, ce serait parfait…. je vais suivre de près vos lectures !!
@ Neph : les deux textes dont j’ai donné les titres anglais sont beaucoup plus courts… et excellents :o) Mais celui-ci est intéressant malgré ses défauts !
@ Rachel : oui il faut choisir ses jours pour lire ce genre de textes !
Écrit par : Lou | 15/08/2013
Écrit par : maggie | 16/08/2013
J’ai découvert Joyce Carol Oates avec les sublimissime Nous étions les Mulvaney. Un coup de foudre!
Écrit par : Romanza | 17/08/2013
Écrit par : Lilly | 18/08/2013
@ Romanza : promis j’y réponds rapidement :o) Quant aux « Mulvaney » ils figurent dans ma PAL et me tentent énormément !
@ Lilly : je pense aussi qu’elle écrit beaucoup et même si on ne peut pas le lui reprocher, je trouve dommage qu’elle n’opère pas un tri plus sélectif dans ce qu’elle écrit. C’est je pense un auteur qui marquera beaucoup les lettres américaines et passera à la postérité mais elle aurait mieux fait de ne pas publier autant de manuscrits, plus ou moins réussis. Moi aussi j’ai plein de livres de JCO en attente :o)
Écrit par : Lou | 19/08/2013
Concernant JCO, ce sont surtout ses textes courts qui me déçoivent. Le dernier roman paru en France « Petit oiseau du ciel » m’a également beaucoup plu !
Écrit par : Mrs Figg | 19/08/2013
Je ne connais pas du tout « Petit oiseau du ciel », je note alors ! Les premiers textes que j’avais lus n’étaient pas très longs, surtout « Beasts » qui m’avait beaucoup marquée… en tout cas il y a beaucoup à découvrir chez JCO, c’est tout un programme de lecture !
Écrit par : Lou | 19/08/2013
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