Il était une fois le roi d’un royaume appelé Apreroche qui avait pour femme rien moins que la beauté des beautés elle-même. Mais, par malheur, au plus fort de la course des ans, elle tomba du cheval de la santé et se rompit la vie. Avant que l’éteignoir de la destinée ne chût sur la chandelle de son existence, elle fit appeler son mari. (L’Ourse, p 59)
Encore une fois, les éditions Libretto ont donné une nouvelle vie à un texte méconnu du grand public et pourtant passionnant ! L’auteur a été quelque peu oublié par la postérité car il est bien moins connu que ses successeurs Perrault ou encore Grimm. Giambattista Basile était napolitain, il a fallu traduire ses contes en italien (en 1925, soit des siècles plus tard) pour les rendre accessibles au grand public, ce serait une des principales raisons de cet oubli.
Le recueil de Giambattista Basile intitulé Le Conte des Contes (sélection de douze textes tirés d’une oeuvre bien plus conséquente) est venu perturber mes petites habitudes de lecture: d’abord parce que ce texte s’éloigne de mon domaine de prédilection (je découvre totalement l’univers des contes au début du XVIIe en Italie), mais aussi parce que ces textes jubilatoires n’ont rien de conventionnel et n’ont cessé de m’étonner, de m’amuser et finalement de me conquérir !
Le sujet de prédilection : l’amour et le sexe, souvent associés au mariage, car c’est l’élément déclencheur qui va pousser un tel à fuir son royaume, un autre à faire essayer une chaussure égarée à toutes les jeunes femmes du royaume (tiens tiens, il Signore Basile n’aurait-il pas inspiré quelqu’un ?), à faire appel à des sorciers, tandis que les femmes ne sont pas en reste et n’hésitent pas à suivre leur promis, à manigancer, à corrompre… même si le critère premier pour être épousable est d’être plus belle que toutes les autres femmes, ce qui leur vaut alors des déclarations enflammées pour le moins incongrues : « ô adorable petit bec de pigeon, (…) ô carrosse triomphant, si tu n’as pas les oreilles bouchées par de la bouillie de roseau, si tu n’es pas aveuglée par de la fiente d’hirondelle, je suis sûr que tu entendras et que tu verras les tourments provoqués par ta beauté dans ma poitrine et si mon visage, qui n’est plus que cendre, n’est pas pour toi le signe de la lessive qui bout dans mon coeur (…), comment peux-tu comprendre qu’une corde naît de tes cheveux pour m’enchaîner (…) ? ». (p48) Quant à l’ogre et sa dulcinée, un couple qui semble très bien fonctionner, ils se nomment tendrement « mon beau poilu », « ma belle baveuse », « mon carnassier adoré ». (p55-56).
Complètement loufoques, portés par un style imagé poussé à l’exaggération, ces contes passent souvent du coq à l’âne et ne sont pas vraisemblables pour un sou, pour notre plus grand plaisir. Un veuf éploré va songer à se remarier sa femme à peine trépassée (mais il aura versé des torrents de larmes au préalable); une princesse se voit « abandonnée comme une courge » (p70) , une vieille femme voulant faire croire à un roi qu’elle est jeune et séduisante exige de le retrouver la nuit et se noue les rides dans le dos ; une jeune promise habillée en garçon sera repoussée par sa moitié incapable de la reconnaître; alors qu’il a vanté la beauté de sa soeur, un jeune homme voit arriver à sa place sa belle-soeur, fort laide, mais lorsque cette dernière prétend être celle qu’il attendait il ne met pas sa parole en doute ; lorsqu’un sage déclare qu’une femme sera rendue fertile si elle consomme un coeur de monstre marin, ni une ni deux, son mari envoie quelques hommes trouver et tuer la bestiole en question, grâce à laquelle même les meubles du palais deviendront fertiles et enfanteront; de façon tout à fait propice des fées passent au bon moment… le merveilleux est un élément essentiel et apporte une nouvelle dynamique au récit, et surtout, des solutions inespérées aux problèmes les plus insolubles !
Un vrai bonheur que cette lecture étonnante que je ne peux que chaudement vous recommander ! Je ne regrette pas d’avoir succombé à la belle illustration de Rackham en couverture, ni d’avoir de nouveau fait confiance aux éditions Phébus Libretto, auxquelles je sais que je peux me fier les yeux fermés (j’en profite pour remercier à nouveau Bénédicte sans qui je ne me serais dans doute pas aventurée dans ce monde fabuleux !).
Les avis de Nebalia, Les Festins de Pierre.
Nouvelle participation au challenge Il Viaggio, que je poursuis à mon petit rythme (ci-dessous mes précédents billets, n’hésitez pas à aller y piocher quelques idées de voyage…). Je compte bien faire d’autres lectures en vue de mon prochain séjour dans la Sérénissime, que j’ai hâte de voir pour la première fois !
Susan Hill, The Man in the Picture (une histoire effrayante ayant Venise pour cadre)
Accabadora de Michela Murgia (magnifique roman)
Alessandro Baricco, Novecento, pianiste
119 p
Giambattista Basile, Le Conte des Contes, début XVIIe
Commentaires
bin ce ne sont pas des contes traditionnelles…cela pourrait expliquer leur oubli…mais c vrai que cela a l’air genial…un peu de fraicheur et de « nouveaute »…;)
Écrit par : rachel | 23/02/2013
Bien envie de suivre tes pas et de sortir moi aussi de mes habitudes de lecture. Je lis très peu de contes ou de fantastiques mais ton billet m’intrigue beaucoup. Je note!
Écrit par : zarline | 23/02/2013
Alors ça je note pour le viaggio et pour mon propre compte, car ça me plaît bien. Cette collection de Phébus est une vraie mine !
Écrit par : nathalie (Mark et Marcel) | 24/02/2013
Oh, je ne connaissais pas cet auteur de contes mais j’en raffole ! Donc, je tenterais bien. La couverture est très jolie en plus
Écrit par : Sybille | 24/02/2013
@ Rachel : il a apparemment inspiré les auteurs de contes plus classiques, mais c’est vraiment joyeux, trépidant, un peu fou… un vrai plaisir !
@ Zarline : Chouette, mission accomplie alors ;o) C’est vraiment bien loin de mes choix de prédilection mais je ne regrette pas du tout ma lecture et me vois relire quelques contes à l’occasion !
@ Nathalie : Oui, c’est une super étape per il viaggio ! Je suis une grande fan des éditions Phébus, j’ai dû les découvrir avec « Le Quinconce » de Charles Palliser je pense, puis « Ambre », deux super surprises, et depuis je me régale à chaque fois. Et puis ils ont ressorti tout Wilkie Collins, font revivre Le Fanu qui était complètement méconnu du grand public, Elizabeth Goudge… un bonheur ! En plus j’aime beaucoup le format et la police, que demander de plus ? :o)
@ Sybille : eh oui, difficile de résister à Rackham, n’est-ce pas ? Laisse-toi tenter, tu ne le regretteras pas !
Écrit par : Lou | 24/02/2013
Vendu ! Ça semble totalement me correspondre !
Écrit par : A_girl_from_earth | 24/02/2013
@ A girl from earth : chouette je suis ravie de te donner envie de le lire… tu ne vas pas le regretter !
Écrit par : Lou | 24/02/2013
Qu’est ce que ça donne envie !! Merci pour la découverte !
Écrit par : Ankya | 25/02/2013
Oui vive les éditions Phébus qui nous font toujours découvrir des textes et des auteurs intéressants.
Écrit par : Titine | 25/02/2013
@ Ankya : je me réjouis de faire partager cette très chouette découverte !
@ Titine : eh oui nous avons toutes les deux fait et partagé de très très chouettes découvertes avec cet éditeur !
Écrit par : Lou | 25/02/2013
Génial, j’adore les contes ! Ton billet m’a convaincue 🙂
Écrit par : Lili | 26/02/2013
Ce que j’aime bien aux éditions Phébus, c’est qu’ils font toujours un beau travail sur les couvertures. Là, juste pour l’illustration d’Arthur Rackham, j’ai envie de découvrir ces histoires (et aussi parce que ton billet succite beaucoup de curiosité !)
Écrit par : Mrs Figg | 28/02/2013
oh oui cela parait inspirant!….
Écrit par : rachel | 01/03/2013
@ Lili : tu ne le regretteras pas :o)
@ Mrs Figg : oui j’aime bien leurs couvertures, sauf les nouvelles sur Wilkie, je vais essayer de me procurer les anciennes éditions car j’adorais les anciens choix de tableaux qui correspondaient bien mieux au texte. Moi aussi j’ai été vraiment séduite par la couverture de celui-ci :o) J’espère que tu tenteras cette lecture dépaysante !
@ Rachel : et pourtant c’est loin de mon domaine de prédilection habituel !
Écrit par : Lou | 01/03/2013
oh c drole ma libraire vend des livres a 2000 pesos mais tu ne sais pas le titre…;)….peut-etre une facon de sortir de son domaine de predilection….mais bon je ne suis pas trop dans la « normale » dans mes livres…;)…en tout cas c chouette de faire de bonnes decouvertes…;)
Écrit par : rachel | 02/03/2013
@ Rachel : tu veux dire que c’était une opération récente de ta libraire ? Elle ne fait pas ça d’habitude ? 2000 pesos ça fait combien d’euros? En tout cas c’est marrant comme concept. Sur Paris j’aimais bien aussi un concept de dìner livres échanges auquel je ne vais plus depuis longtemps mais j’ai envie d’y retourner car j’aimais bien l’esprit et j’avais fait des découvertes (notamment Barbara Pym). Tu viens avec autant de livres que tu veux et tu repars avec le même nombre de livres, sauf qu’en début de soirée on commence à faire passer tous les livres autour de la table, les gens notent leur nom sur un papier à l’intérieur du livre s’ils ont envie de le découvrir et à la fin on attribue à chacun des livres parmi ceux qui l’intéressent. Comme les lecteurs ont des goûts très différents ça peut être sympa.
Écrit par : Lou | 10/03/2013
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