Lorsqu’on me demande quel est mon auteur préféré, je ne pense plus à citer Yoko Ogawa, pourtant elle fait définitivement partie des écrivains que j’admire le plus. Je l’ai découverte à la sortie du Musée du Silence puis me suis régalée avec La Formule préférée du professeur. Depuis l’ouverture de ce blog j’ai chroniqué plusieurs de ses textes mais je ne la lis plus qu’occasionnellement alors que j’ai encore plusieurs de ses romans en attente. Il y a quelques semaines j’ai profité d’un week-end au chaud pour ouvrir enfin Amours en marge, son premier roman.
Ogawa m’a séduite dès la première rencontre par son univers bien particulier, sa façon bien à elle de mettre en avant des fractions de vie ou des rencontres intenses et sans lendemain, plongeant le lecteur dans une réalité fragile, précaire et souvent en décalage avec nos repères occidentaux.
Dans ce roman, la narratrice est atteinte d’une maladie qui lui fait percevoir des bourdonnements et amplifie les sons au point de la faire hospitaliser. Les symptômes se sont déclenchés juste après le départ de son mari, qui l’a quittée pour une autre. Le récit débute avec la participation de la narratrice à une réunion pour un journal médical. D’autres personnes ayant souffert de ce type de troubles sont réunies pour faire part de leur expérience, des premières manifestations de la maladie à la guérison. L’héroïne y fait la connaissance de Y, sténographe, et est de suite fascinée par ses mains et le pouvoir que leur confère la sténographie. Le roman nous fait suivre ces deux personnages pendant quelques mois, à travers les rechutes et guérisons de la narratrice et leurs rencontres régulières.
Plutôt qu’une nouvelle qui aurait pu bien se prêter à cette histoire, Ogawa a préféré s’étendre en écrivant ce roman apaisé où plusieurs sujets et thèmes sont exploités de manière récurrente, avec d’infimes variations. L’héroïne semble ne pas beaucoup évoluer du début à la fin, alors que, symboliquement, sa vie a changé grâce à Y qui a sténographié ses propos le temps d’utiliser un bloc entier de papier épais, couleur crème (le tas diminuant inquiétant la narratrice, qui sent qu’ensuite sa relation avec Y lui échappera). Y semble réel mais, lorsqu’on connaît Ogawa, on se doute bien qu’il est vain d’espérer l’accomplissement d’une histoire d’amour (d’ailleurs, ce sont davantage les mains de Y que le personnage, dont on ne sait pas grand-chose, qui intéressent la jeune femme)… les dernières pages sèment le doute dans l’esprit du lecteur. Y, si disponible, parfois là quand on ne l’attend pas, disparaissant à la fin du roman en laissant une fausse adresse, le lieu en question étant malgré tout lié au personnage par un détail troublant. Peut-être peut-on considérer qu’il s’agit d’un roman contemplatif. On le lit dans le calme, en se délectant de scènes banales qui, à travers le regard d’Ogawa et sa plune fluide, prennent un sens, une profondeur insoupçonnés. Sans être mon texte favori de l’auteur, c’est indéniablement un beau récit dont j’ai beaucoup apprécié la lecture.
Wictoria qui aime elle aussi Ogawa a écrit un billet très intéressant sur ce roman, dans lequel elle relève notamment tous les thèmes récurrents chez cet écrivain (tels l’eau, les entraves, le corps humain…).
Sur ce blog, quelques chroniques de textes d’Ogawa :
- Ogawa Yoko, La Petite Pièce Hexagonale
- Ogawa Yoko, La Piscine, Les Abeilles, La Grossesse
- Ogawa Yoko, Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie
- Ogawa Yoko, Les Tendres Plaintes
Une lecture qui tombe à pic puisque le salon du livre 2012 qui aura lieu la semaine prochaine à Paris met la littérature japonaise à l’honneur… j’espère en profiter pour découvrir de nouveaux auteurs, même si je suis très déçue qu’Ogawa ne soit pas présente !
Yoko Ogawa, Amours en marge, 1991
Commentaires
Écrit par : rachel | 14/03/2012
Et au Salon du livre, je passerai sans doute vendredi soir et Samedi matin et peut-être aussi l’ après-midi .
Écrit par : Malice | 14/03/2012
Écrit par : Emeraude | 14/03/2012
@ Malice : j’irai au salon samedi après-midi, j’envisageais vendredi mais je ne pense pas a priori… pour Ogawa j’ai donc lu les deux que tu cites, ils sont vraiment très différents. J’ai trouvé « Le Musée du Silence » plus fascinant mais c’est un texte troublant, presque dérangeant. « La Formule préférée du Professeur » est plus abordable je pense, mais je te conseillerais plutôt l’autre titre.
@ Emeraude :j’ai bien l’intention de tout lire… :o) j’ai !2 de ses livres chez moi je crois dont plusieurs non lus, parmi lesquels ces « Cristallisations secrètes ». Le dernier est bien celui qui est autobiographique, non ?
Écrit par : Lou | 14/03/2012
Écrit par : rachel | 15/03/2012
Écrit par : Malice | 15/03/2012
Écrit par : Joelle | 15/03/2012
Écrit par : Eiluned | 15/03/2012
Écrit par : maggie | 15/03/2012
@ Malice : avec plaisir !
@ Joëlle : qu’est-ce que tu vas lire du coup ? J’ai décidé de découvrir Oé, prix nobel de littérature qui sera au salon du livre à Paris… il faut dire que parmi les invités japonais du salon c’était le seul que j’avais très envie de lire, quel dommage qu’Ogawa ne soit pas là, ça faisait des années que j’espérais une année japonaise pour la rencontrer !
@ Eiluned : à vrai dire je n’ai presque pas lu d’autres auteurs japonais après elle, mais ça ne saurait tarder :o)
@ Maggie : qu’est-ce que tu avais lu ? « La formule préférée du professeur » ? Après elle écrit parfois sur une sorte de quotidien décalé comme ici ou dans la Formule, et d’autres romans sont beaucoup plus déstabilisants comme « Le Musée du silence » ou « L’annulaire » de mémoire, où l’étrange intervient davantage.
Écrit par : Lou | 16/03/2012
Écrit par : rachel | 16/03/2012
Écrit par : Lou | 17/03/2012
Écrit par : rachel | 17/03/2012
Écrit par : Lou | 18/03/2012
Écrit par : rachel | 19/03/2012
Écrit par : Lou | 19/03/2012
Écrit par : rachel | 20/03/2012
Écrit par : claudialucia ma librairie | 24/04/2012
Écrit par : Lou | 24/04/2012
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