Recherche stage à la Hogarth Press

kennedy peur virginia woolf1.jpegJ’avais envie de poursuivre mon séjour dans le quartier bien agréable de Bloomsbury, et j’ai choisi comme compagnon de route Richard Kennedy, né dans une bibliothèque à Cambridge en 1911 (on ne se refait pas). Outre cette anecdote sympathique, Richard Kennedy possède encore un atout de taille : il a fait son apprentissage à la Hogarth Press et nous livre dans J’avais peur de Virginia Woolf son expérience au sein du groupe Bloomsbury.

L’intérêt de ce témoignage est d’apporter une note de fraîcheur dans les nombreuses biographies concernant le couple et plus particulièrement, Mrs Woolf. Jeune apprenti, Richard n’est qu’un petit maillon de la chaîne parmi les célébrités qui côtoient le groupe, un garçon devant lequel les Woolf n’ont pas besoin d’incarner un personnage ou de se mettre en quatre pour le séduire par des remarques spirituelles. C’est donc une vision de Leonard et Virginia Woolf au quotidien que nous livre Richard Kennedy, qui par ailleurs partage avec nous de nombreux petits détails apparemment sans importance qui de suite permettent de se faire une bien meilleure idée de ce qu’est cette maison d’édition, vue de l’intérieur. Les détails croustillants ne manquent pas, telle la radinerie de Leonard Woolf qui exige qu’on utilise les vieilles feuilles de papier aux toilettes pour éviter toute dépense superflue, ou son caractère autoritaire, qui le pousse à exiger de ses employés qu’ils ne déjeunent pas ensemble à midi.

kennedy peur virginia woolf4.jpegDes Woolf, Richard écrit : “ Lui, c’est le magicien qui nous maintient tous en activité par la force de sa volonté – comme celui des contes d’Hoffmann – et Mrs W est une ravissante poupée magique, fort précieuse, mais par moments tout à fait incontrôlable. Peut-être qu’elle n’a pas d’âme, comme la poupée. Mais quand elle en a envie, elle peut créer un monde imaginaire et nous sommes tous subjugués, ou bien réprobateurs.” (p57) D’ailleurs, Richard dit n’avoir lu qu’Orlando, Mrs Dalloway et The Common Reader, ayant eu tellement de mal à lire les autres récits de Virginia qu’il les a simplement feuilletés.

Et lorsqu’il est invité chez le couple : “LW et moi sommes allés nous promener dans le jardin, pendant que Mrs W préparait le dîner. Il m’a donné un livre sur la comptabilité (…). Il me dit que la comptabilité est une très belle chose et que le gaspillage est affreux. Il était tout fier de me montrer son tas de compost.” (p62)

kennedy peur virginia woolf2.jpegCe texte court ne se réduit cependant pas à une biographie du couple “par le petit bout de la lorgnette”. Certes Kennedy nous livre ses impressions sur une période très courte, mais curieusement, ce narrateur complice ne s’efface pas au profit de ses illustres employeurs. Très jeune lorsqu’il entre chez les Woolf, il y vit sa première expérience professionnelle et c’est aussi le parcours d’un garçon un peu fougueux, voulant réussir et devant beaucoup apprendre que nous avons devant nous. On sent aussi derrière l’anecdote un brin d’impertinence (ainsi il ne cache pas son aversion pour Clive Bell, qui “pérore” devant une assemblée) et, en dépit de son admiration pour les Woolf, c’est avec une honnête fraîcheur qu’il remarque leurs petits travers et s’interroge, notamment sur le plan littéraire. Dans un club intellectuel très fermé il s’avoue son manque d’enthousiasme pour certains écrits de Virginia Woolf, se construit en lisant tous ces classiques qu’il ne connaît pas encore et raconte ses divergences de points de vue avec Leonard Woolf lorsqu’il s’agit de publier ou non Ivy Compton-Burnett. Et tout au long du récit apparaìt pour le guider son oncle, figure paternelle bienveillante.

virginia woolf,hogarth press,j'avais peur de virginia woolf,richard kennedy,littérature anglaise,angleterre,bloomsbury,londres,londres xxe,angleterre xxeUn dernier petit clin d’oeil pour la route, qui amusera sans doute ceux qui comme mois aiment se promener dans Bloomsbury en espérant croiser le fantôme de Virginia : “ On étouffe au sous-sol et, à en juger par l’odeur nauséabonde qui règne dans le fond, j’imagine que tous les égouts du Russell Hotel passent juste en dessous.” (p99) (J’adore passer devant cet hôtel à chaque fois que je me rends à Londres)

A tous ceux qui s’intéressent à Virginia Woolf je recommande vivement ce texte réédité en France par l’excellente maison d’édition Anatolia, qui a reproduit les dessins de Richard Kennedy voués à illustrer son passage à la Hogarth Press.

D’autres billets à ce sujet : Pandemonium littéraire, Keisha, DovegreyReader Scribbles

Lu dans le cadre du challenge Virginia Woolf que j’ai finalement décidé de poursuivre car je suis dans une phase woolfienne ascendante. Vous pouvez bien sûr toujours vous joindre à moi si votre coeur bat aussi pour Bloomsbury…

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111 p

Richard Kennedy, J’avais peur de Virginia Woolf, 1972

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Commentaires

et bin une vie vue par un personnage de l’epoque…j’aime ca….il a ses impressions…mais c chouette…alors il a fini par ne plus avoir peur?

Écrit par : rachel | 28/01/2012

Un billet parfait!
Tu sais, je n’abandonne pas VW, de temps en temps j’en lis un, mais pas trop vite car après ne resteront que les relectures. J’ai lu Entre les actes en 2011 (ou 2010?) et justement demain les vagues en lecture commune programmée depuis un bout de temps. Me restera orlando comme gros morceau!

Écrit par : keisha | 29/01/2012

J’ai beaucoup de mal avec l’écriture de Virginia Woolf mais vu que c’est une biographie, j’essaierai bien de le lire après tout !

Écrit par : Sybille | 29/01/2012

Moi aussi j,adore le Russel Hotel! Mais je pense que je lirai autre chose de de l’auteure avant de me lancer dans ce genre de bios!

Écrit par : Karine:) | 29/01/2012

Evidemment, je suis également très tentée par celui là lol !

Écrit par : Mrs Figg | 29/01/2012

@ Rachel : oh c’est juste le titre français un peu tentant, mais il est malgré tout intimidé… je crois que cela dure toujours, même s’il se sent un peu plus dans un élément à la fin.

@ Keisha : je résonne de la même façon avec Jane Austen… mais même avec Virginia, lorsqu’il ne me restera pas grand-chose à lire je ferai sans doute durer le plaisir. En tout cas si le coeur t’en dit tu peux toujours participer au challenge, qui n’a désormais même plus de contrainte dans le temps… mais où va-t-on vraiment ? :o)

@ Sybille : ce n’est pas une biographie, mais un témoignage sur quelques années… en tout cas je recommande vivement cette lecture.

@ Karine:) : pour ma part « Nuit et Jour » cet été a été un gros coup de coeur, même si c’est très différent de ses textes plus connus et plus aboutis.

@ Mrs Figg : je n’en espérais pas moins :o)

Écrit par : Lou | 29/01/2012

bin cela doit etre impressionnant didonc…peut-on se mettre a la place du narrateur?..en fin de compte….

Écrit par : rachel | 30/01/2012

S’il n’y a plus de contraintes, voici Les vagues
http://en-lisant-en-voyageant.over-blog.com/article-the-waves-les-vagues-94223972.html
Entre les actes
http://en-lisant-en-voyageant.over-blog.com/article-entre-les-actes-54232364.html
The common reader 2
http://en-lisant-en-voyageant.over-blog.com/article-the-common-reader-78815607.html
Pour les précédents, c’est moins récent, je pense qu’à l’époque je participais… Bon, le challenge sans fin. Quoique, comme elle est morte, on peut tout en lire!

Écrit par : keisha | 30/01/2012

C’est un petit livre qui a l’air fort intéressant. Je le note pour connaître encore un peu plus notre très chère Virginia.

Écrit par : Titine | 31/01/2012

ça a l’air intéressant!

Écrit par : Edelwe | 01/02/2012

@ Rachel : en tout cas je me suis bien amusée à me représenter son quotidien, sa vision est bien moins figée que celles que l’on peut avoir en pensant à des biographies plus classiques ou mêmes aux magnifiques textes de VW. J’aime cette incursion dans le quotidien, qui malgré tout reste bien écrite, vive et très personnelle.

@ Keisha : oui la lecture de VW est un plaisir qui ne devrait pas avoir de limites de temps ;o) Je n’aime pas beaucoup les contraintes, l’essentiel est de se faire plaisir… en tout cas tu me donnes envie de lire les romans que tu as mentionnés.

@ Titine : je te le prêterai volontiers, j’ai pensé à toi en le lisant je suis sûre que tu te régalerais.

@ Edelwe : oui ça l’est ! A ne pas bouder…

Écrit par : Lou | 04/02/2012

oh cela donne plus envie….;o)

Écrit par : rachel | 04/02/2012

@ Rachel : j’espère que tu te laisseras tenter 🙂

Écrit par : Lou | 04/02/2012

Intéressant. J’ai déjà lu des choses sur ce jeune homme je crois, dans des biographies. Je note !

Écrit par : Lilly | 05/02/2012

@ Lilly : oui il serait pour toi, d’ailleurs j’ai aussi pensé à toi en le lisant… heureuse de te savoir de retour parmi nous, toi et ton blog me manquiez !

Écrit par : Lou | 05/02/2012

oui il va falloir que je m’y mette…;o)

Écrit par : rachel | 07/02/2012

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