Voilà une lecture que je repoussais depuis un peu plus d’un mois, après avoir parcouru les premières pages sans parvenir à me plonger sérieusement dans le texte. Je me reprochais la mise en ligne tardive de mon billet (car ce livre m’a été envoyé par Chez Les Filles) mais je crois que ce délai a eu quelque chose de positif puisque j’ai repris hier ma lecture avec beaucoup plus d’intérêt.
Dans ce texte d’une centaine de pages, Florence Ben Sadoun revient sur l’accident cérébral qui l’a brutalement privée de son compagnon. Ce dernier était devenu célèbre pour le livre qu’il avait écrit à l’hôpital, frappé du locked-in-syndrome et s’exprimant seulement par battements de paupières. C’est justement ce regard si intime sur une histoire qui n’a rien de fictif qui m’a au début fait hésiter. Les premières pages me donnaient la désagréable impression d’assister à un déballage de linge sale qui ne me regardait pas. Pourtant, en reprenant ma lecture, j’ai trouvé que cette mise à nu d’une relation devenue publique était faite avec une certaine pudeur. Contrairement à ce que je craignais, je trouve que ce texte ne se limite pas à un règlement de compte ou à un étalage de la vie privée du plus mauvais goût.
La narratrice se présente comme la « fausse veuve », cette femme illégitime occupant une position inconfortable : à l’origine de la séparation de son compagnon marié et père de famille, elle n’a vécu que quelques mois avec lui avant son accident. Une fois son homme hospitalisé, elle devient transparente pour beaucoup : la femme, l’officielle, est celle vers qui se tournent logiquement les médecins. L’histoire d’amour du malade devient une aventure, une parenthèse dans un mariage et une longue vie commune. L’épouse devient logiquement celle que l’on plaint, celle qui sera veuve dans peu de temps.
On sent évidemment la rancœur, l’amertume de celle qui disait vivre une belle histoire d’amour, qui croyait refaire sa vie mais qui devient pour beaucoup la « pute », celle qui rend la situation gênante par ses visites incessantes à l’hôpital… sans aucun doute celle qu’on préférerait oublier. Ce livre, fiction ou pas, est écrit par une narratrice qui a fait son travail de deuil : ce texte est l’hymne à la vie d’une femme qui relate son histoire perdue alors qu’elle a aujourd’hui trouvé le bonheur dans les bras d’un autre. Sans doute tourne-t-elle la page avec ce discours qu’elle adresse au disparu, une tirade qui laisse transparaître le ressentiment mais aussi le souvenir d’un amour sincère durement mis à l’épreuve. Se faire justice à coup de best-sellers est un procédé qui ne me plaît pas vraiment. Voyeurisme ? Littérature ? Je ne trancherai certainement pas la question. Mais j’ai finalement trouvé ce texte subtil et, bien qu’au début un peu déstabilisée par le passage fréquent du « tu » au « vous », j’ai beaucoup aimé l’écriture de Florence Ben Sadoun dont je serais ravie de lire un nouveau livre… si possible un vrai roman cette fois-ci.
Merci beaucoup aux éditions Denoël et à Violaine dequi m’ont fait découvrir ce livre.
108 p
Florence Ben Sadoun, La Fausse Veuve, 2008
Commentaires
Il faut s’arrêter sur le texte, et non pas sur le contexte.
Tu as parfaitement raison.
Écrit par : amanda | 14/10/2008
Écrit par : Karine | 15/10/2008
Comment pourrais-je faire l’impasse du contexte qui semble si fort dans ce récit ?
Écrit par : Leiloona | 15/10/2008
Pour ma part ce livre pas totalement écœuré à m’en donner la nausée ! je suis bien contente de m’en être débarrassé !
Écrit par : Alice | 15/10/2008
Écrit par : Aifelle | 15/10/2008
J’ai d’ailleurs lu ta critique retrouvée sur Amazon hier et j’ai vu que nous avions des avis très proches. Je trouve que tu rends vraiment justice à ce livre avec ton avis présentant très précisément ce qui fait l’intérêt de ce texte.
@ Karine : je ne sais pas si j’ai réussi à exprimer exactement ce que je voulais dire mais j’ai passé un certain temps à écrire ce billet, à le reprendre… en fait j’ai passé un temps fou à peser mes mots parce qu’il y avait beaucoup de choses que je voulais évoquer tout en évitant de leur donner une importance disproportionnée…
@ Leiloona & Aifelle : je vous comprends bien, j’ai failli moi-même me braquer sur le fait qu’il s’agit d’une histoire réelle, publique… au départ je trouvais ce témoignage un peu sordide, voire déplacé. Heureusement, je ne sais pas comment, un déclic s’est produit et je me suis laissée happer par les mots. Car décidément, il s’agit d’un texte tout en nuances présentant, à mon avis, de vraies qualités littéraires.
@ Malice : on en avait parlé toutes les deux et tu sais qu’au début je te disais que je n’arrivais pas à me plonger dans ce livre. J’ai lu attentivement ta critique, plusieurs fois même. Même si nous arrivons finalement à des conclusions très différentes j’ai trouvé ton avis d’une sincérité et d’une clarté absolus, ce qui m’a énormément plu.
Écrit par : Lou | 15/10/2008
Écrit par : canthilde | 15/10/2008
Enfin je ne vais pas poursuivre le racolage, d’autant plus que je préconise (et devrais appliquer plus souvent) la sélectivité sauvage en matière de livres, parce qu’on a déjà beaucoup plus de livres à lire qui nous tentent vraiment que de temps pour les lire :p
Écrit par : Lou | 15/10/2008
Écrit par : Cécile de Quoide9 | 15/10/2008
Écrit par : Lou | 15/10/2008
Écrit par : BlueGrey | 15/10/2008
Sinon, j’ai lu quelques extraits, et je n’ai pas du tout été emballée. Le coup du « je » puis du « vous » me semble bien artificiel.
Écrit par : Lilly | 15/10/2008
Écrit par : Nina | 15/10/2008
Écrit par : choupynette | 15/10/2008
Écrit par : liliba | 15/10/2008
Écrit par : choupynette | 15/10/2008
@ Lilly : le changement de personne m’a semblé au départ surfait mais je trouve qu’il devient moins brutal après les premières pages et une fois qu’on a l’explication (liée à la relation entre la narratrice et son amant) on comprend un peu mieux cette bizarrerie.
Pour le contexte, tu fais référence à un événement récent en particulier ou plus globalement à la relation avec « le scaphandre et le papillon », son contexte et le rôle de l’auteur dans tout ça ?
@ Nina : oui, il est difficile voire impossible de ne pas mentionner l’aspect réel, privé/public et même people du livre…
@ Choupynette : sans l’opération marketing de Chez les filles je ne l’aurais sans doute jamais lu :o)
@ Liliba : je suis d’accord avec toi. Je ne lis pas systématiquement ou du moins en totalité les nombreux articles qui sont publiés sur certains livres, surtout ceux sur lesquels il y a un certain consensus. Mais dans le cas de quelques livres en général et de celui-ci en particulier je suis très intéressée par la comparaison des avis des uns et des autres, d’autant plus que j’ai eu une première réaction négative puis un avis positif et que mon billet a été d’autant plus difficile à rédiger. En général on retrouve les mêmes arguments dans les critiques ; d’ailleurs ceux qui aiment évoquent souvent les points problématiques et ceux qui n’aiment pas présentent en général le texte de façon très complète… mais il y a presque toujours des remarques qui viennent enrichir le débat et soulever de nouvelles questions.
Écrit par : Lou | 15/10/2008
Écrit par : Lou | 15/10/2008
Écrit par : Cécile de Quoide9 | 17/10/2008
Écrit par : Lilly | 17/10/2008
Écrit par : Alice | 18/10/2008
Écrit par : Alice | 18/10/2008
@ Lilly : je ne sais pas si tu as raison, j’ai beaucoup débattu avant d’aborder ce livre. Je n’aime pas non plus la méthode employée par l’auteur pour se faire justice… mais son livre n’est pas un simple déballage du type « Loana fait écrit l’histoire de sa vie par X », l’écriture joue un rôle important. Cécile de Quoide9 faisait remarquer que ceux qui ne connaissaient pas l’histoire de l’auteur ont en général bien accueilli son texte… ce qui me fait revenir sur le fait qu’il est dommage de mélanger une réalité people à ce qui se veut être un roman.
@ Alice : oui c’est clairement ce que tu dénonces dans ton billet, et c’est un point de vue que partagent beaucoup de lecteurs… et que je trouve tout à fait compréhensible! En ce qui me concerne, j’ai apprécié la lecture en faisant abstraction du reste mais ce côté confessions intimes me dérange et a failli me faire passer à côté de la forme et de tout ce que j’ai trouvé intéressant dans ce texte.
Écrit par : Lou | 20/10/2008
Écrit par : Lilly | 22/10/2008
Écrit par : Lou | 22/10/2008
Écrit par : Joelle | 06/11/2008
Écrit par : Lou | 14/11/2008
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