Voilà quelques mois, Mademoiselle Lou, par le titre trompeur alléchée, s’emparait victorieusement d’Un majestueux fossile littéraire de Mark Twain après avoir résisté à la tentation d’une dizaine de livres hors de prix (soit le lot quotidien d’un(e) livrovore). Si les couvertures de la collection folio 2€ jouent presque toujours les tentatrices par leurs couleurs et perspectives aguichantes, le contenu subit des variations d’une amplitude incontestable côté qualité. D’un côté, les récits excellents, les témoignages fascinants, les plumes subtiles, le tout pour découvrir sans risque de nouveaux auteurs ; de l’autre, des extraits par trop tronqués ou des nouvelles décevantes ne rendant pas justice à d’excellents romanciers. De Twain, je garde un très bon souvenir avec son Tom Sawyer (« il n’a peur de rien, c’est un Américain ; il aime l’école, surtout quand elle est loin… ») et son ami Huckleberry Finn. Je prévoyais de relire ces textes avec un regard nouveau, maintenant que je suis un vieux machin sur le point de terminer ses études, et lorsque mon regard est tombé sur Un majestueux fossile littéraire, j’ai pensé que l’occasion m’était donnée de redécouvrir Twain avec un texte différent. Mais quelle déception !
Trois textes inégaux composent ce recueil :
Un pari de milliardaires : deux milliardaires confient un bon de 5 millions de dollars à un jeune étranger sans ressources ni contacts à Londres. Si, au bout de 30 jours, il parvient à leur restituer ce billet, intact, après en avoir profité, l’un d’entre eux aura gagné son pari. Mais que faire pour ne pas passer pour un voleur ? Vivre à crédit en se faisant passer pour un millionnaire excentrique ?
De loin le texte qui m’a le plus convaincue. C’est sympathique, bien mené et, sans être une excellente nouvelle, ce texte nous fait passer un agréable moment.
La télégraphie mentale : Mark Twain donne une série d’exemples (interminable !) de télépathie. L’exemple le plus fréquent est celui de deux lettres qui se croisent et ont été écrites en même temps ; la question des inventions et le fait que bizarrement, plusieurs grands esprits se mettent à travailler sur un problème précis en même temps tient au fait que le premier à avoir eu l’idée transmet inconsciemment cette information à d’autres personnes qui elles, pensent être animées de leur propre volonté alors qu’en réalité, la paternité de l’idée ne revient qu’à une seule et même personne. L’idée que les chercheurs peuvent communiquer entre eux ou que leurs propres recherches sont influencées par des découvertes qui ont eu lieu précédemment et sont connues de toute la communauté scientifique n’est jamais évoquée.
Totalement inintéressant et soporifique lorsqu’on ne s’intéresse pas de près à ce type de phénomènes. Tout comme Michel, qui disait être excessivement rationnel, je suis restée complètement indifférente devant cette série de coïncidences et d’explications à mon avis tirées par les cheveux. Cela dit, j’ai trouvé un article intéressant faisant référence à ce texte de Twain : Le problème des intercommunications psychiques.
Un majestueux fossile littéraire : Mark Twain fait référence à un livre de médecine et explique que la médecine a connu une vraie rupture au XIXe. « Voilà pourquoi, sans doute, nous sommes actuellement une race de petits Mercure, aux talons ailés, fiers de leur émancipation – au lieu d’être restés, comme nos ancêtres, une race de cancres balourds, fiers de leur balourdise. » Ce pamphlet ne m’a pas vraiment convaincue non plus, sans doute parce que je ne connais rien à l’histoire de la médecine et ne suis pas capable de mesurer la véracité des propos de Twain : est-ce que la médecine n’a fait aucun progrès de l’Antiquité au XIXe ? A vrai dire, un simple coup d’œil à l’article de Wikipedia sur l’histoire de la médecine semble indiquer le contraire. C’est sans doute la propension à déclamer des vérités incontestables sur les médecins, ces « assassins patentés » qui m’a un peu agacée. En revanche, certains exemples bien choisis m’ont amusée, telle la saignée (pour mieux achever les malades) ou la définition de l’Arcane : « sorte de remède dont le mode de préparation et la remarquable efficacité sont tenus soigneusement cachés, pour en rehausser la valeur. Les chimistes entendent généralement par là une chose mystérieuse, immatérielle, impérissable, que l’homme ne peut apprécier que par l’expérience ; la vertu de chaque chose en effet est mille fois plus efficace que la chose elle-même. » Ou encore : « il n’est pas non plus mentionné à quelle maladie ce remède s’applique. »
Au final, deux textes ennuyeux et un livre dont le lecteur peut tout à fait se dispenser, à moins d’être particulièrement intéressé par les sujets mentionnés plus haut. A déconseiller à ceux qui ne connaissent pas encore Mark Twain. Par ailleurs, une courte introduction n’aurait pas été de trop pour comprendre dans quel contexte les deux derniers textes ont été écrits, d’autant plus que l’on pourrait penser à l’origine qu’il s’agit d’un recueil de nouvelles. Etouffant un bâillement, j’ai reposé ce livre dans ma bibliothèque, dont il n’est pas près de ressortir.
Au passage, j’avais eu la mauvaise idée de l’offrir à Choupynette. Peut-être aura-t-elle un avis différent (you never know)…
Et n’oubliez pas Ptit Sushi, qui a aimé.
127 p
Mark Twain, Un majestueux fossile littéraire, 1893*
* The £1,000,000 Bank Note and Other New Stories, 1893 (je ne suis pas tout à fait sure que les autres textes se soient également trouvés dans ce recueil ; c’est cependant le cas pour l’édition française – début XXe).
Commentaires
Écrit par : Georges F. | 08/05/2008
Bises
Écrit par : wictoria | 08/05/2008
Écrit par : Gambadou | 08/05/2008
Écrit par : Sibylline | 08/05/2008
Écrit par : Karine | 09/05/2008
Bon week-end Lou !
Écrit par : Florinette | 09/05/2008
@ Wictoria : j’attends avec impatience ton avis. Peut-être me suis-je montrée « trop » sévère et ma déception est-elle très subjective (non pas liée à la qualité du texte) ?
@ Gambadou : mmh 🙂 Un folio 2€ ne remplace pas un autre livre, à mon avis c’est plus une introduction à un auteur ou une brève parenthèse entre deux lectures plus conséquentes… j’ai lu et apprécié plusieurs livres de cette collection mais j’ai eu autant de déceptions jusqu’à présent.
@ Sibillyne : tout à fait d’accord ! Comme je le disais, j’en gardais un bon souvenir (d’enfant) et, aimant la littérature anglo-saxonne, je ne peux pas passer à côté de cet auteur majeur… je ne compte pas m’arrêter à ce petit accident de parcours.
@ Karine : c’est souvent subjectif bien sûr, mais je suis persuadée que tu as opté pour des livres plus satisfaisants 🙂
@ Florinette : sage décision je crois… mais j’espère que cela ne t’empêchera pas de découvrir d’autres de ses livres maintenant que tu as lu cet avis désastreux… mdr :p
Écrit par : Lou | 09/05/2008
Écrit par : choupynette | 09/05/2008
Écrit par : valeriane | 09/05/2008
@ Valeriane : merci pour ton passage, et effectivement, voilà un point positif : je contribue (dans une trèèèèèèèèèès modeste mesure) à assurer la solvabilité des comptes de mes amis LCA !
Écrit par : Lou | 09/05/2008
Merci pour votre message. Oui le livre sur le dodo est tout à fait somptueux.
Comment allez-vous ?
Je vois que vos ardentes lectures sont au beau fixe… Alors continuez et toujours au plaisir de vous lire.
P.S. J’anime une table ronde à Reims avec Fabrice Bourland le samedi 31 mai, je crois. Je mettrai toutes les informations sur mon blog….
Et toujours au plaisir de vous lire
Avec les amitiés d’Eric Poindron
Écrit par : Eric Poindron | 10/05/2008
Écrit par : Hilde | 10/05/2008
Écrit par : Nanne | 11/05/2008
Écrit par : Aelys | 12/05/2008
@ Hilde : à quelle compagnie fais-tu allusion ? Des goules ? des vampires ? mais ça m’a l’air tout à fait alléchant !
@ Nanne : oui, c’est bien ce que je dis, on peut trouver du très bon comme du très mauvais…
@ Aelys : il y a tellement de beaux de textes à lire…
Écrit par : Lou | 14/05/2008
Écrit par : Hilde | 16/05/2008
Écrit par : Lou | 18/05/2008
Écrit par : hamnessa | 19/05/2008
Écrit par : Lou | 20/05/2008
Écrit par : wictoria | 08/06/2008
Écrit par : wictoria | 08/06/2008
Écrit par : Lou | 09/06/2008
Au sujet de Marc twain, je m’y intéresse puisque stéphanie hochet dit s’en être imprégnée (entres autres) pour son « combat de l’amour et de la faim » (fayard)
Lou, je ne puis que trop vous inviter à le lire. Je serais folle de joie de lire votre critique et de la transmettre à Stéphanie qui serait toute aussi heureuse…
PS : ma critique est en ligne.
Écrit par : ameleia | 08/03/2009
Écrit par : Lou | 09/03/2009
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