Il y a des critiques qui s’imposent d’elles-mêmes. Il y a des lectures qui s’imposent d’elles-mêmes (à savoir Harry Potter, va-t-il mourir oui ou non ? j’ai crû comprendre que non mais enfin pas complètement enfin peut-être un peu mais c’est plus compliqué que ça). Avant de passer à une lecture intensive et peu cérébrale des aventures de J. K. Rowling et pour me donner un peu de crédibilité – si si il m’arrive de lire des trucs sérieux en ce moment – je vais tenter de présenter ici The Body Snatcher and other tales de R. L. Stevenson, malgré un début un peu poussif et une bonne panne d’inspiration de deux jours.
Si ce billet avait porté sur The Merry Men, deuxième nouvelle de ce petit recueil, vous auriez sans aucun doute eu droit à une lettre de rupture, une lapidation en règle vite fait bien fait. Imaginez un peu le scénario : un masure dans un coin paumé. Un neveu qui rentre au bercail après son année universitaire. Entre temps, oh mon Dieu, que de choses ont changé ! L’oncle délire sur cinq pages avec un accent de paysan qui fait en moins d’un paragraphe sourciller le lecteur, qui s’accroche, s’agrippe à son livre, transpire, soupire et tourne finalement de l’œil après avoir déclaré forfait. Après cinq pages ainsi faites de « je grupoubùm là et erezr puis gfgfdg » (ou presque), le lecteur déjà à bout de force entrevoit un petite lueur d’espoir. Un peu d’action ? Euh, oui. Sauf que. Le neveu décide d’aller chercher un trésor enfoui sous l’eau (genre, depuis plusieurs siècles, personne n’aurait eu l’idée d’aller se préoccuper de l’épave… ah, cette jeunesse !). Horreur ! Il tombe sur un os (beurk). Il prend alors ses jambes à son cou (trouillard). Je n’ose pas lui faire remarquer que franchement, à quoi pouvait-il s’attendre en cherchant une épave ? C’est alors qu’en s’en allant, il se retourne, et comme par miracle, un équipage est aussi à la recherche du trésor (et se trouve là où il était il y a cinq minutes, probabilité hautement improbable compte tenu de la configuration des lieux que l’auteur n’a pas manqué de préciser précédemment en long en large en travers et même en diagonale). Mais l’endroit est très certainement maudit, et après moult descriptions, l’équipage meurt noyé dans la tempête qui s’est subitement levée, sous les rires de l’oncle venu observer la scène en se saoulant (plus on est de fous…). Mais ce n’est pas tout. Entre temps, on a découvert que le petit vieux avait tué le seul rescapé d’un précédent naufrage. Il se trouve que bizarrement, le dernier naufrage laisse lui aussi un rescapé (appelé du début à la fin « le noir »… ses parents auraient donc oublié de lui donner un nom ?). Après quelques courses poursuites et de nombreux bâillements, oncle et « noir » se jettent en courant sur les rochers, puis tombent à l’eau et se noient. A la lecture de ce paragraphe, on pourrait croire que l’histoire est pleine de rebondissements, mais je vous assure qu’à la lecture, on attend en vain que quelque chose vienne donner un peu de piquant à l’histoire. Puis vient le point final. Et, après les descriptions à rallonge, l’oncle fou, « the black » touche d’exotisme et la caricature du héros valeureux, le soupir de soulagement.
Bon, même s’il m’a fallu cinq jours pour lire ce tout petit livre – à savoir uniquement dans le métro car la moindre tentative en soirée équivalait à une forte dose de somnifère puissant – les deux autres nouvelles n’étaient pas si mal que ça. Stevenson ne s’est dans doute pas particulièrement illustré par ses nouvelles (contrairement à ce que j’ai pu lire sur Amazon), il n’égale sûrement pas Edgar Allan Poe, mais ses nouvelles sont tout de même sympathiques, bien qu’inoffensives.
The Body Snatcher est à mon avis le meilleur crû de ce recueil : un jeune étudiant en médecine est l’assistant d’un célèbre professeur connu depuis pour avoir participé à un vaste trafic en vue d’obtenir suffisamment de « matériel » de dissection (Robert Knox, 1793-1862). Honnêtement, la fin était très prévisible, mais Stevenson donne un peu plus de profondeur à l’histoire et parvient à créer une atmosphère lugubre, un climat d’angoisse appropriés.
The Bottle Imp reprend toute les ficelles des histoires de mauvais génie, d’âme vendue au diable and so on and so on. La fin ne surprend pas vraiment, l’histoire traîne un peu après un bon début, le récit aurait mérité d’être plus long afin de dresser un portrait plus fin des différents protagonistes. Leur psychologie est assez sommaire. Bref, un goût d’inachevé pour une nouvelle fourmillant de débuts prometteurs méritant d’être développés.
Au final, une lecture plutôt agréable pour soirée pluvieuse. Enfin, si on ne s’endort pas au détour de quelque page. Une relecture de l’Etrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde s’impose. Ça tombe bien, j’ai une pile de classiques anglo-saxons qui m’attendent !
78 p
Pour info, Robert Knox et les résurrectionnistes
Commentaires
Écrit par : Emeraude | 29/07/2007
Écrit par : lamousmé | 29/07/2007
Le 9ème festival de littérature insulaire d’Ouessant parlera dans quelques conférences de l’oeuvre de Stevenson, notamment son « île au trésor »!!!
Écrit par : katell bouali | 30/07/2007
@ Lamousmé : j’adore lire en VO mais j’avoue que les pages entières en anglais version petit grand-père du fin fond de la campagne au XIXe c’était au dessus de mes forces :o)
@ Katell Bouali : ah, si tu y vas j’espère que tu nous en parleras !
Écrit par : Lou | 08/08/2007
Écrit par : Menon | 12/08/2007
Écrit par : Lou | 13/08/2007
Quand « l’oncle délire sur cinq pages, » ce n’est pas avec un accent de paysan, mais en ecossais, et effectivement c’est fastidieux à lire quand on ne comprend pas bien. Il faut avoir un peu l’habitude pour apprécier cette couleur locale.
Tout ça est plus subtil que ça en a l’air, la tempête est une manifestation des forces de la nature, et elles trouvent leur écho dans le cerveau de l’oncle par une exacerbation de ses pulsions infernales. C’est un tableau de la vie, d’un peu de ce mal que semblent renfermer notre monde, comme on en voit tant aujourd’hui dans les catastrophes de la nature. Mais apparemment ce n’est pas ça que tu recherches dans tes lectures. Les Gais Lurons, un récif de brisant fou qui hurle dans le vent de cette mer glacée immole dans cette histoire un nouvel équipage, les matelots morts engloutis depuis des décennies qui semblent danser encore quand la tempête se lève, l’expérience effrayante vécue par cet homme au cours de sa vie de marin, livré aux éléments, etc. Pas grand chose à voir avec le confort dans lequel nous vivons, ni avec les histoires bourrées de péripéties des auteurs qui ont moins de classe que celui-ci.
Écrit par : Vianney | 23/11/2007
Je trouve malheureux que ton commentaire soit une fois de plus si personnel. Car je trouve intéressante ton interprétation de « the merry Men » par exemple. A la lecture j’ai trouvé ce texte d’une longueur épuisante et une fois finie je n’ai eu de cesse que de passer à autre chose. Pourtant je serais ravie de lui trouver un autre intérêt grâce à tes remarques de spécialiste. Malheureusement à la lecture de tes commentaires j’ai été partagée par l’intérêt et l’agacement devant le ton désagréable que tu emploies.
Écrit par : Lou | 24/11/2007
Si l’oncle parlait en écossais et que tu l’as lu en V.O. je comprends ton souci parce qu’il y a quelques années j’avais acheté Trainspotting en V.O. et je suis totalement incapable de lire pour la même raison.
Écrit par : Cécile de Quoide9 | 24/11/2007
Mais le problème c’est que tu ne dis pas simplement que le texte t’ennuies, tu le « lapide en règle vite fait bien fait ». Tu le décrédibilises complètement.
Tu as écrit aussi « Stevenson ne s’est sans doute pas particulièrement illustré par ses nouvelles (contrairement à ce que j’ai pu lire sur Amazon), il n’égale sûrement pas Edgar Allan Poe », Et c’est simplement faut. Il s’est bien illustré entre autre par ses nouvelles, et de nombreux écrivains (j’ai récemment lu des passages ou Conan Doyle et Jack London le disaient textuellement) le mettaient et le mettent au plus haut dans cet exercice. Ce n’est pas Amazon qui le dit, ni moi d’ailleurs, c’est la majorité des auteurs anglophones de tous les horizons depuis plus de cent ans.
Je cite Jack London : « As a storyteller there isn’t his equal; the same thing might almost be said of his essays. While the fascination of his other works is simply irresistible, to me, the most powerful of all is his Ebb-tide. »
Et je pourrais en citer vingt autres autres.
Voilà, c’est simplement pour rétablir l’équilibre. 🙂
Écrit par : Vianney | 28/11/2007
Écrit par : Vianney | 28/11/2007
Ah juste un petit truc : j’avais dû citer Amazon parce que j’avais cherché un avis en ligne pour voir si quelqu’un avait évoqué quelque chose que j’avais vraiment loupé (ça m’arrive quand je craque sur une lecture, j’essaie de me motiver ou de me modérer comme ça).
Quant aux fautes d’orthographe, jésite, jésite ;o) Mais non, ça arrive à tout le monde, surtout sur Internet où on écrit si vite sans se relire ! :p
Écrit par : Lou | 01/12/2007
Écrit par : melodie | 01/07/2011
Écrit par : Lou | 02/07/2011
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