Adeline Yzac, Fille perdue

Dans « Fille perdue », Adeline Yzac fait le récit d’une vie gâchée par un simple geste qui s’avère interdit. Fille adorée d’une famille de quincaillers, la petite Anicette est surprise « la main au panier ». Dans une France catholique du XIXe où le partriarcat règne en maître, l’outrage est trop honteux pour être passé sous silence. Le prêtre de la paroisse est convoqué, la fillette déchue de son statut de jolie poupée. Pour la punir, on l’envoie au couvent. Sans avoir l’intention de la faire revenir un jour. Anicette a fauté, même le grand-père qui va au bordel trouve que c’est impardonnable.

Le couvent est une prison et une maison de redressement à peine déguisées sous les prières et les activités manuelles. Privations alimentaires, génuflexions douloureuses, manque de chauffage, saleté, tolérance de maltraitances entre filles, voire de viols. Telle est la vision du redressement de ces filles perdues qu’ont les religieuses, à l’exception d’une femme plus éduquée.

Puis quelques années plus tard, la décision de soigner définitivement la vicieuse en l’envoyant à Paris pour une opération salutaire. Une excision. Dont Anicette espère se sauver en cherchant refuge auprès du docteur Charcot.

Ce roman m’avait attirée par son titre et sa belle couverture, et traite d’un sujet auquel je m’intéresse beaucoup. Si j’étais familière avec la condition des femmes et les abus des asiles, notamment privés, c’est la première fois que je découvrais l’univers peu reluisant des couvents de redressement et la pratique de l’excision (en public) par des médecins reconnus à leur époque. Le couvent abritant ici des filles qui ont fauté et un « monstre », cette fille au pénis honteux.

Ce roman offre une perspective intéressante sur un pan de l’histoire féminine méconnu, et sur ce XIXe où la femme est la propriété de son père, de son époux, certainement pas d’elle-même. Où le plaisir lui est interdit là où le mâle vertueux peut tout s’autoriser. Le destin d’Anicette est révoltant et sa chute brutale et choquante.

Malgré la richesse des thèmes abordés, je me suis un peu forcée à ne pas abandonner ce roman. Je suis restée hermétique au style pourtant travaillé d’Adeline Yzac. Je n’ai pas été gênée par son choix de structurer le roman en faisant des allers et retours entre passé et présent, cependant je n’ai pas réussi à me laisser porter par l’écriture, aussi soignée soit-elle. Un ressenti personnel qui ne retire en rien tout l’intérêt que présente ce roman.

192 p

Adeline Yzac, Fille perdue, 2021

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