Deborah Devonshire, les Humeurs d’une Châtelaine anglaise

Comment ai-je fait pour ne pas lire plus tôt Deborah Devonshire ? Deborah est la plus jeune des soeurs Mitford, dont je connais principalement Nancy par ses écrits – mes lectures remontent à loin, je projette d’ailleurs de la relire ! Une famille fascinante, atypique qui a traversé le XXe siècle en laissant définitivement son empreinte. Le père, le baron Redesdale, s’amuse à lâcher ses enfants sur ses terres pour les chasser ensuite (Deborah déplore de ne pas avoir eu la chance de participer à ces activités champêtres). La mère est convaincue que le corps peut se débrouiller tout seul. Quand l’une de ses filles se casse le bras, elle lui fait enlever bandage et atèle une fois le médecin parti avant d’organiser une séance de gymnastique frénétique. La famille se déplace avec toute une ménagerie, et quand Deborah doit quitter leur île écossaise pour regagner l’Angleterre au début de la seconde guerre mondiale, c’est accompagnée de chiens et d’une chèvre qu’elle fait le trajet en train. Le ton est donné ! Plus tard, les soeurs ont des destins très différents. Certaines écrivent, dont Nancy qui tient son salon littéraire parisien. Jessica part lutter avec les communistes pendant la guerre d’Espagne. Unity se rallie à la cause hitlérienne et tente de se suicider par balle lorsque la guerre est annoncée. Renvoyée en Angleterre par Hitler qui s’est rendu à son chevet, Unity s’éteint au bout de quelques années. Diana épouse Mosley, le leader d’extrême-droite anglais. Deborah, elle, consacre sa vie à restaurer la superbe propriété de Chatsworth, dont a hérité son mari, le Duc de Devonshire.

Dans ces chroniques exquises d’abord publiées dans la presse (à l’exception d’une préface à un roman), Deborah revient sur sa famille, sa vie de châtelaine, la restauration de Chatsworth, les visiteurs, mais aussi de courts articles sur des sujets variés. Comme ce pamphlet plein d’humour sur l’armée des consultants londoniens qui a visiblement brillé par sa méconnaissance de la campagne, compensée par une formidable capacité à pondre un énorme rapport reprenant en substance tout ce qu’on leur avait expliqué pendant leur visite. Ce livre est un bijou d’humour, d’ironie, d’espièglerie même de la part d’une dame alors âgée, châtelaine bien peu conventionnelle. Avec auto-dérision, Deborah mentionne sa tendance à parler à voix haute, ces visiteurs qui l’ont donc vue s’adresser à un batracien qu’elle avait tenté de sauver, ou bien encore ce petit déjeuner pris par erreur à minuit vingt-cinq, et ces poules vivantes placées une fois au centre de la table pour varier des décorations classiques. Si je ne partage pas les convictions de Deborah en matière de chasse au renard et du port de vêtements en fourrure, j’ai trouvé de nombreuses remarques pertinentes. Il est notamment beaucoup question du travail de la terre, de la méconnaissance des végétaux ou encore, des absurdités des sociétés citadines – comme par exemple l’impossibilité pour la ferme de vendre son lait frais, car il n’a pas subi les traitements minimaux requis par la législation en vigueur.

Pour la petite histoire, tout comme d’autres pélerins austeniens auxquels la duchesse fait référence, j’ai visité le domaine de Chatsworth lorsque Deborah Devonshire était encore en vie. Nous étions en route pour Londres après un séjour à Sheffield, York ou encore Haworth, et nous avons fait le choix de nous promener dans les jardins immenses plutôt que de visiter l’intérieur de la demeure. Je me souviens aussi d’avoir roulé un peu plus loin pour s’arrêter à la ferme et y avoir très bien mangé des produits simples. Les livres de la duchesse y étaient en vente mais curieusement, j’ai résisté à la tentation cette fois-ci. Après avoir lu ce titre, j’ai hâte de découvrir « Duchesse à l’anglaise » qui m’attend encore. J’avais déjà le projet de retourner à Chatsworth, l’envie est encore plus grande maintenant que j’ai lu cette petite pépite anglaise !

250 p

Deborah Devonshire, Les Humeurs d’une Châtelaine anglaise, 2001

 

Et Nancy par ici :

All you need is love

Dans la famille Montdore je demande Polly !

Nancy Mitford, Wigs on the Green

5 thoughts on “Deborah Devonshire, les Humeurs d’une Châtelaine anglaise

  1. Cela reste une sacre famille didonc…de quoi en ecrire…..bref….mais limite sur certains points…;)

    1. On apprend en effet pas mal de choses sur les soeurs Mitford, et tout l’aspect autour de la nature, la gestion de la ferme et un décalage entre les façons de faire d’avant et d’aujourd’hui m’ont beaucoup intéressée.

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