Me voilà de retour de Barcelone, avec beaucoup de critiques en retard et donc un tas de billets en perspective, ce qui va radicalement changer mon pauvre pc qui avait perdu tout espoir d’entendre parler littérature depuis quelques jours. Car là où le livrovore est un phénomène pernicieux, amis lecteurs, c’est qu’il contamine tout ce qui l’entoure et, dans le cadre de mon esclave informatique dédié, adopte un comportement militant dévastateur. Bref, privée de mes billets, de mes requêtes littéraires sur le Net et de la visite régulière de vos blogs, la pauvre chose avait perdu goût à la vie – multipliant par ailleurs les erreurs système pour me témoigner son mécontentement !
Après moult hésitations, j’ai décidé d’attaquer le problème à la racine en me consacrant (corps et âme ?) à L’Amour dans un climat froid de Nancy Mitford, lu en grande partie dans l’avion, le RER et les salles d’attente d’aéroport. Le comble de la glamouritude, exactement !
Ce roman est en quelque sorte la suite de La Poursuite de l’Amour, bien que ces livres retracent deux histoires différentes se déroulant plus ou moins en parallèle. Les deux peuvent être lus séparément mais, la narratrice Fanny étant la même et retraçant plus clairement son parcours personnel et son enfance dans La Poursuite de l’Amour, c’est avec ce livre que je vous recommande de découvrir Nancy Mitford.
Dans L’Amour dans un climat froid, ce sont les années au cours desquelles la narratrice s’apprête à faire son entrée dans le monde qui sont retracées, puis celles de son mariage et de ses premières grossesses. Mais, comme dans le livre précédent, Fanny s’efface presque constamment pour laisser au premier plan une autre débutante au destin plus exaltant, Polly Montdore, amie d’enfance aux parents richissimes. De retour des Indes où sa famille était partie quelques années, Polly doit se trouver un mari. La chose semble acquise pour cette riche héritière de toute beauté mais, après des dépenses extravagantes, l’organisation de bals et l’invitation de gentlemen soigneusement ciblés, sa mère doit se rendre à l’évidence : personne ne demande sa fille en mariage. Se déclenche alors une guerre impitoyable entre la mère – égocentrique, royale et féroce, et la fille – d’une indifférence à toute épreuve. Alors que l’on se demande si Polly finira par trouver un époux convenable, un autre danger se profile à l’horizon : l’existence d’un neveu lointain qui héritera du titre de Lord Montdore et de la maison familiale chère à Polly, Hampton.
Ce livre offre un excellent moment de détente et, curieusement, une copie presque conforme de La Poursuite de l’Amour à bien des égards. On retrouve avec plaisir les Radlett, famille proche de Fanny, avec son lot d’exubérance et d’exquise décadence. De même, les préoccupations principales tournent autour des amours d’une héroïne, plus flamboyante ou symbolique que la discrète Fanny. Faite de cancans, de secrets partagés, de quelques rebondissements et d’une fin abrupte qui prête à sourire, l’histoire est loin de dépayser le lecteur, malgré un retournement de situation différent dans la quête du mari idéal (personnellement je pensais que Fanny ne s’intéressait pas à la gent masculine mais je vois avec le recul que cette variante était peu probable dans ce livre léger visant à mon avis à distraire la ménagère de moins de cinquante ans des années 40 – qui aurait sans doute été épouvantée par un sujet aussi scabreux).
Si j’ai apprécié ce roman plein d’humour et serais volontiers prête à renouveler l’expérience Mitford, j’ai une fois de plus ressenti une certaine frustration à la lecture. Pas de croisements ou peu entre les deux livres d’abord. Linda, qui avait une place si importante dans la vie de Fanny, ne fait pas la moindre apparition dans ce roman, choix peu crédible pour un livre s’appuyant sur la même narratrice. Fanny est tout aussi transparente que dans le livre précédent, ce qui semble d’autant plus invraisemblable qu’elle vit justement un tournant dans sa vie, rencontre son époux et fonde une famille. La période précédant les fiançailles est résumée en un paragraphe : nous l’avons compris, le destin de Fanny ne présente aucun intérêt. Pourtant il y aurait matière à réflexion lorsqu’on songe à la vie monotone qu’elle mène à Oxford, sans parler des remarques méprisantes que lui adresse un mari foncièrement antipathique et qui sont retranscrites avec une apparente indifférence, tandis que Linda ou Polly claquent les portes pour bien moins que ça ! Cousu de gros fils, le livre fait parfois des bonds dans le temps et se contente d’explications hâtives après avoir fait mariner le lecteur pendant un certain temps, voire plutôt pendant un temps certain. Les psychologies ne sont qu’effleurées malgré la présence de fortes personnalités. Tout reflète en quelque sorte l’esprit du potin et du papotage léger. Mais, malgré l’impression d’inachevé, on passe un bon moment, aussi superficiel et délassant qu’à l’époque où nous poursuivions l’amour en compagnie de Linda.
A recommander sans hésiter pour une lecture relaxante. Les lecteurs de La Poursuite de l’Amour apprécieront certainement. Ceux d’auteurs comme Barbara Pym également. Voilà aussi un livre représentatif d’une société, d’une époque et qui revêt à cet égard un intérêt historique. Raconté par une ambassadrice de la (plus ou moins) fictive famille Radlett, ce livre a en tout cas conquis sa place dans ma bibliothèque, parmi les auteurs britanniques dont je raffole tant.
Livre lu et approuvé par Nanou et Malice.
Quelques extraits :
« Les visiteurs étaient une espèce inconnue à Alconleigh ; et si, par hasard, quelques héros inconscients se risquaient à venir, tante Sadie disparaissait, les enfants se jetaient à plat ventre sur le sol, pour n’être pas vues, tandis qu’oncle Matthew lançait des regards furibonds affreusement embarrassants pour tout le monde et restait planté à une fenêtre, bien en vue, jusqu’à ce que le maître d’hôtel eût informé les visiteurs qu’il n’y avait personne à la maison. » (p161)
« Donc hier, se sentant mieux, Boy se rendit à Hampton pour parler à Sonia des lettres de condoléances qu’il avait reçues des Infantes, etc. Ils eurent une passionnante conversation à ce sujet, puis discutèrent sur le choix d’une inscription à graver sur la tombe de la pauvre Patricia. Ils tombèrent d’accord sur celle-ci : « Tu vieilliras moins que nous, qui continuons à vivre… » » (p 167)
« Il naquit cependant le soir même, jeta – à en croire les Radlett – un regard sur son père et en mourut aussitôt. » (p 337)
345 p
Nancy Mitford, L’Amour dans un climat froid, 1949
Commentaires
Écrit par : Karine 🙂 | 14/11/2008
En tout cas, je suis ravie d’apprendre que tu vas nous gâter de billets !!!
Et bienvenue au club pour les erreurs de système… :o(
Écrit par : Lilly | 14/11/2008
Bon retour Lou !
Écrit par : Florinette | 14/11/2008
Écrit par : chiffonnette | 14/11/2008
Écrit par : Mr Lou | 14/11/2008
@ Lilly : j’en ai commencé un sur Wilde !
@ Florinette & Chiffonnette : ce n’est pas obligatoire mais si vous envisagez de lire les deux c’est peut-être préférable.
@ Mr Lou : s’il faut mettre Wham pour te faire soudain réagir sur ce blog je vais peut-être user et abuser de cette technique de torture éprouvée ;o)
Écrit par : Lou | 15/11/2008
Merci de me les remettre en mémoire 😉
Écrit par : Manu | 15/11/2008
Écrit par : jumy | 16/11/2008
Écrit par : keisha | 16/11/2008
Écrit par : fashion | 16/11/2008
Écrit par : Sylvie | 16/11/2008
@ Jumy : étant de naturel très curieux, j’aimerais bien savoir ce qui te tente et ce qui te fait hésiter à son sujet :o)
@ Keisha : oui oui, tout à fait ! Mais je n’ai encore rien lu dessus : il s’agit encore de Linda, Fanny & co ? Je serais d’autant plus ravie !
@ Fashion et Sylvie : l’expérience a failli porter ses funestes fruits et c’est à l’agonie que j’ai achevé (mot parfaitement adéquat) « Le chemin des sortilèges » de Nathalie Rheims !
Écrit par : Lou | 16/11/2008
Écrit par : Papillon | 16/11/2008
Ouf! j’ai bien fait de passer mon tour avec le chemin des sortilèges que je ne « sentais » pas. Bon rétablissement !
Écrit par : keisha | 17/11/2008
Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours eu peur qu’elle soit ennuyeuse.. Mais ton billet est … plus que convainquant…!!
Écrit par : marie | 17/11/2008
@ Keisha : Il m’arrive souvent d’hésiter pour les livres proposés par les éditeurs et qui souvent ne m’attirent pas particulièrement (sauf ceux du prix Landerneau). En général je dis oui comme j’ai parfois de bonnes surprises et que c’est toujours bien de faire quelques découvertes. Là j’étais vraiment tentée et au final l’effet inverse s’est produit.
Merci pour ta réponse sur l’autre livre de Mitford !
@ Marie : non, ce n’est pas ennuyeux, et si tu aimes Barbara Pym je pense vraiment que tu apprécieras ! C’est fou, Barbara Pym, qui n’est pas très connue maintenant, a tout un réseau de lecteurs fidèles parmi nous autres blogueurs et Internautes :o)
Écrit par : Lou | 18/11/2008
Thanks again for cheering me up yesterday !
Écrit par : mary dollinger | 19/11/2008
Quant à la famille Mitford j’ai une biographie en attente mais je ne sais pas si c’est celle-là. J’ai très envie d’en lire plus sur ces soeurs et de découvrir tous leurs écrits alors je note précieusement ces conseils !
Écrit par : Lou | 22/11/2008
Écrit par : Emjy | 24/11/2008
Écrit par : Lou | 24/11/2008
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