Géraldine Jeffroy, Un été à l’Islette

[Billet rédigé en février]

Après ma dernière lecture, plus intéressante que vraiment plaisante, Un été à l’Islette m’a fait l’effet d’un interlude plein de fraîcheur.

Dans ce court roman, une confession à un homme parti au front, nous suivons le séjour d’une jeune femme qui a accepté de se rendre au château de l’Islette pour occuper un poste de préceptrice, pour la petite fille de la propriétaire. Fille de parents modistes dont les chapeaux ont un certain succès à Paris, Eugénie est peu douée pour la couture, plutôt quelconque, et a le mauvais goût de ne pas avoir une tête à chapeau. L’enseignement semble donc être une option intéressante pour son avenir. C’est avec ce premier travail d’été qu’elle va débuter sa carrière.

Sa petite élève est convalescente. Plus que leurs leçons, c’est une autre visiteuse qui va occuper Eugénie dans son récit. Nous voilà donc plongés en 1892, lorsque Camille Claudel se rend à l’Islette pour travailler à sa Valse avec voiles. Ami du défunt mari de la propriétaire du château, Rodin laisse sa jeune amante sur place avant de repartir à Paris. S’ensuivent des semaines où Camille travaille d’arrache-pied, dort dans son atelier, sort dans le jardin de nuit, se rend aux repas quand elle en a envie. L’artiste fait peu attention à sa mise, mange sans faire de manières, boit du vin au goulot. Peu à peu, elle interagit davantage avec Eugénie, ainsi que sa jeune élève, qui servira de modèle à une de ses futures œuvres.

La lettre d’Eugénie est coupée par les lettres que s’adressent Camille Claudel et Debussy, tous deux se parlant de leur travail en cours et se motivant mutuellement. Au milieu de tout cela, Rodin revient lui aussi pour faire l’étude préparatoire à la statue de Balzac qui lui a été commandée.

Ce court récit m’a procuré un grand plaisir de lecture. Joliment écrit, il nous projette aisément à l’Islette en cet été 1892. On imagine les lieux, les repas bourgeois soudain animés par la présence des artistes. Dans ce petit cercle, la quête de l’art absolu, de la nouveauté, de l’œuvre personnelle sont la source de toutes les discussions, tous les efforts. C’est un été studieux et fascinant où se croisent de grandes figures, à une période cruciale pour Camille Claudel. Je me suis régalée avec la restitution historique et j’ai gouté l’approche de Géraldine Jeffroy, qui tente d’imaginer ce qu’a pu être cet été à partir de divers témoignages et d’informations véridiques concernant la vie de ces artistes. Une certaine langueur émane de ce texte, qui parvient à recréer de manière crédible l’ambiance et l’émulation propres à cette époque et à ce cercle génial. Un petit bonheur littéraire comme on aime en croiser.

127 p

Géraldine Jeffroy, Un été à l’Islette, 2019

4 thoughts on “Géraldine Jeffroy, Un été à l’Islette

    1. Oui le format est bien pensé je trouve, on se laisse en tout cas facilement happer par ce texte habile, qui avec une économie certaine de mots dit beaucoup.

  1. Ce n’est pas vraiment le genre de lecture dont j’ai l’habitude, mais enfin pourquoi pas ? Le sujet a l’air intéressant en tous cas et tu sais donner envie !

    1. J’ai vraiment beaucoup aimé ce texte, je crois que c’est un livre que je pourrais relire avec plaisir. N’hésite pas à le découvrir si tu en as l’occasion.

Répondre à Chicky Poo Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *