Joy Raffin, Atlantic City

Présenté par l’éditeur comme « le premier roman américain d’une jeune auteure française », Atlantic City est un roman choral qui dépeint la ville d’Atlantic City de nos jours, à travers une succession d’évènements le jour où une tempête est annoncée. D’heure en heure, on suit une galerie de personnages très divers, avec, toujours en tête, la possibilité d’une fin de journée apocalyptique.

En voyant la couverture dorée, très stylisée et cette grande roue, on pourrait imaginer un endroit joyeux de bord de mer. C’est un portrait plus sombre que dresse Joy Raffin. A travers sa plume, j’ai découvert cette ville dont je ne savais rien. Sa création au XIXe en fait un lieu de plaisance agréable et raffiné, lors de l’arrivée du chemin de fer. La ville concurrence Cape May. Sa promenade maritime est célèbre. A partir des années 1970, des casinos s’y installent, dont certains financés par Trump. Mais derrière la façade touristique, à quelques blocs à peine, la ville est décrépite, frappée par le chômage, la pauvreté et peuplée de junkies. Quand on recherche des informations sur Atlantic City sur les moteurs de recherche, l’une des premières questions croisées porte sur la dangerosité de la ville. Et la réponse est la suivante : « If tourists veer off the boardwalk on the wrong block, the effects of drug use on some of the city’s residents and stark poverty are as prominent as the hulking, shuttered casinos. … Crime in Atlantic City may have dropped, but it is still among the most dangerous New Jersey cities, according to the police data. » C’est l’envers de la carte postale que nous présente ici Joy Raffin.

On croise des enfants se débrouillant sans parents, une ado prête à se prostituer, des vendeurs de souvenirs qui ne font pas de bénéfice, un petit-fils de mafieux qui tente de faire perdurer l’affaire familiale construite sur des pots de vin, un médecin qui aide la communauté au risque de verser dans l’illégalité, un animateur de radio, une famille afro-américaine monoparentale vivant en périphérie de la ville sur la base d’un job alimentaire, un guide proposant des tours en pousse-pousse… Au fil de la journée, on suit leurs histoires qui parfois se croisent, d’autrefois non, pour former in fine un ensemble intéressant. Derrière l’image sombre, la crasse, le béton, les tracas du quotidien, le manque d’argent, la prostitution, la drogue et l’insécurité, on sent des personnes pour certains attachés à leur ville. Souvent prisonniers du lieu, avec peu de perspectives, la plupart des protagonistes affichent une certaine volonté de s’en sortir dans le contexte qui est le leur. Qu’il s’agisse d’élever des enfants dignement, de repartir du bon pied, de maintenir à flot un commerce sans intérêt.

On ne peut pas dire que le sujet soit particulièrement joyeux à la base : une ville américaine en déperdition, lâchée par l’économie et l’Etat, peu fréquentée par les touristes. Pourtant, on ne sombre pas vraiment en lisant ce roman. Il y a de l’humour, un certain courage, des personnages avec lesquels on peut sympathiser. Sans être un coup de cœur, parce que je n’ai pas été très sensible au style (volontairement – et légitimement – proche d’une langue orale), ce récit m’a plu pour sa construction bien maîtrisée, le suspense lié à l’annonce de la tempête et l’aspect socio-économique qui a été une découverte pour moi.

264 p

Joy Raffin, Atlantic City, 2018

3 thoughts on “Joy Raffin, Atlantic City

  1. Punaise cela me rappelle une serie que j’avais laissee tomber…car vraiment trop depressive…..oui les fameuses villes balneaires trop a l’abandon remplies de junks et de traffics….bref

  2. Sympa cette couverture. Je ne suis pas sûre de me laisser tentée par le style surtout s’il est trop proche de la langue orale. Néanmoins le sujet m’interesse. Je ne connais rien sur Atlantic city.

Répondre à Missycornish Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *