Gwenaële Robert, Never Mind

Plus habituée aux romans historiques britanniques (et encore, bien souvent, dans un contexte de roman policier), je suis un peu sortie de mes habitudes de lecture avec ce roman de la rentée littéraire, Never Mind. Si j’apprécie beaucoup la période Empire en Angleterre, je ne m’y suis jamais particulièrement intéressée en France. J’ai évidemment croisé la période pendant mes études. J’ai grandi en jouant pendant les vacances dans le Parc de Bois Préau, ancien domaine de Joséphine de Beauharnais. J’ai vu les tombeaux de Joséphine et Hortense, qui m’ont marquée quand j’étais petite. Mais je me suis naturellement plus intéressée à Napoléon III, parce que Victor Hugo avait fini par me le rendre sympathique à force de s’acharner sur lui. Pour son influence sur la construction du Paris d’aujourd’hui, et pour ses relations avec la reine Victoria.

Je me suis plongée dans Never Mind avec curiosité et l’envie d’un peu de dépaysement historique. J’aime imaginer le Paris d’antan, et c’est dans doute un peu cela aussi qui m’intéressait.

Ce roman m’a rapidement surprise. A travers la couverture, et les premières pages, j’avais imaginé un texte tournant essentiellement autour de la figure de Napoléon. Mais finalement, bien que central, il passe vite à l’arrière-plan, laissant la place à une galerie de personnages fascinants.

Tout part de l’histoire d’un attentat, celui de la rue Saint-Nicaise, où trois royalistes tentent de tuer celui qui n’est encore que Premier consul, le soir de Noël. Cet attentat s’inscrit dans une série de tentatives d’assassinat sur la personne de Bonaparte. Quelques années après la révolution et les promesses de liberté, puis la Terreur, le consulat est vu par certains comme une aubaine, avec la perspective d’un ordre rétabli. Mais les anciens jacobins et les royalistes tentent encore de s’y opposer.

Les trois comploteurs remplissent un baril de poudre pour le faire exploser lors du passage du premier consul. Le baril est posé sur une charrette qui a été confiée à une enfant inconnue contre quelques sous. Bonaparte est épargné, mais l’attentat est très meurtrier. L’enfant, des passants sont tués. Il y a aussi des blessés graves, des maisons endommagées. Bonaparte demande à Fouché de réagir rapidement : il suspecte les jacobins tandis que son ministre penche pour les royalistes. Qu’importe ! Tous seront traqués.

S’ensuit donc une chasse à l’homme. En parallèle, plus de cent jacobins devraient être arrêtés et déportés, tandis que Fouché cherche les véritables coupables, dont il est certain qu’ils se cachent dans Paris.

Partant d’un fait divers sordide et de ses conséquences, Gwenaële Robert nous livre un formidable récit aux figures marquantes. Les chapitres se succèdent et les protagonistes changent. Tous ont pourtant leur rôle à jouer dans cette sombre histoire. Napoléon, qui cherche à asseoir son pouvoir. Fouché, bien décidé à punir les coupables. Joseph de Limoëlan, personnage central, noble breton qui a organisé l’attentat mais n’avait pas prévu de mêler une enfant à cela. Le propriétaire de bains flottants, qui voit un corps chuter dans la Seine. Son médecin, sympathisant royaliste et amant de sa femme. Un ancien révolutionnaire qui a fait fortune avec les pierres de la Bastille vendues en souvenir, et qui doit vivre aujourd’hui avec des convictions révolutionnaires aussi malvenues que les déclarations royalistes. Une jeune femme, entrée en société lors d’un bal d’un nouveau genre, où l’on ne peut se rendre que si on a suffisamment de guillotinés dans sa famille. Un prince qui a le malheur d’être trop bien né. Ou encore, un imprimeur qui a rencontré son épouse en 1792, en suivant les septembriseurs.

Never Mind est un roman passionnant, qui trace avec habileté le destin de personnages aux profils très divers. C’est une fresque historique qui restitue avec beaucoup de vivacité cette période, à travers de nombreuses anecdotes fascinantes et détails du quotidien. On découvre par exemple une pâtisserie bleu blanc rouge qui a connu un immense succès avant l’arrivée du nouveau régime. Les fameux bains flottants. L’immense bordel parisien. Les dédales des souterrains parisiens, qui peuvent abriter ceux que la police de Fouché cherche activement. Mille informations qui ajoutent un attrait supplémentaire à une intrigue habilement menée, rebondissant de chapitre en chapitre à travers les voix différentes. On s’attache à Joseph de Limoëlan, pourtant responsable d’un carnage. Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, le style est extrêmement agréable. Un coup de cœur !

350 p

Gwenaële Robert, Never Mind, 2020

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