Titiou Lecoq, Honoré et moi

Au début du confinement, j’ai jeté mon dévolu sur cette biographie colorée et vitaminée, sans savoir à quel point cette couverture allait être à l’image du texte que je m’apprêtais à lire.

Journaliste, Titiou Lecoq s’est retrouvée dans le musée Balzac à Passy alors qu’elle avait un passage à vide. Lors de cette visite lui est venue une soudaine obsession pour cet écrivain qu’elle aimait lire plus jeune. Elle s’est mise à lire tout ce qui avait un rapport avec le célèbre écrivain pour finalement se lancer dans la rédaction d’une biographie très personnelle.

Force est de constater que les sujets sont multiples, et tous intéressants. Les origines de Balzac. Ses premières amours et sa carrière de séducteur. Son goût pour le faste et son besoin d’argent. Ses lamentables entreprises destinées à le rendre riche, toutes foireuses. Sa grande productivité littéraire, fortement motivée par les dettes. Le bagout qui lui permettait de signer un contrat, de toucher une avance et de laisser l’éditeur en plan bien au-delà de la date convenue, avant de pondre un roman en un temps record sous la menace.

Titiou Lecoq n’hésite pas à remettre en question des idées bien ancrées, notamment sur la mère de Balzac. Sa mère est souvent décrite comme une femme horrible et castratrice (notamment par Zweig), alors qu’en fouillant un peu, on s’aperçoit qu’elle a beaucoup plus soutenu son fils qu’il ne le laissait penser. Sur la mère et son manque d’instinct maternel, Titiou Lecoq rappelle le contexte : le mariage d’une jeune femme à un vieux barbon, comme souvent à l’époque. Et comme elle le dit très justement, une relation qui commence par un viol n’est pas particulièrement bien partie en général. De la même façon, un enfant issu d’une relation amoureuse aura sans doute plus de chance de susciter un amour inconditionnel que les rejetons rappelant chaque jour à leur mère une expérience – au mieux – peu agréable. Cette mise en lumière très contemporaine ne manque pas d’intérêt. Ce n’est pas parce les choses se faisaient ainsi à l’époque que la mère de Balzac a été heureuse de cette situation.

Sous la plume de Lecoq, Balzac est bourré de contradictions : excentrique, attachant, flamboyant mais parfois absurde, brillant mais injustement moqué, décorateur raffiné et vrai panier percé. Titiou Lecoq ne le ménage pas, met en lumière certaines faiblesses sans rien lui retirer de sa splendeur. Elle a beau décrire sa fin épouvantable, son physique ingrat, ses incohérences et un certain ridicule, on sent bien sa grande admiration pour cet homme : sous sa plume, et malgré (ou grâce à ?) l’humour, Balzac garde toute sa superbe tout en retrouvant une humanité qui, sans doute, échappe facilement aux monstres sacrés de la littérature.

J’ai adoré cet essai drôle, piquant mais généreux qui réussit à donner une folle envie de lire ou relire Balzac à la lumière de ce portrait. De tous les aspects abordés, celui qui m’a le plus intéressée est la place de la femme dans le roman de Balzac : avec lui, la femme cesse d’être cette petite chose évanescente, fragile et un peu cruche qui dit oui à toutes les propositions du mâle dominant. C’est un vrai être humain, avec ses imperfections physiques et une volonté propre. Cela fait longtemps que je n’ai pas lu Balzac, et j’ai complètement oublié ses personnages féminins. Alors c’est avec beaucoup de curiosité que je le relirai cet été (je pense d’abord avec La Femme de Trente ans).

Je ne peux que vous inviter à vous plonger dans ce livre pour vous régaler vous aussi. C’est sans doute irrévérencieux, peu académique, mais le fond est passionnant et le style vif. Vous pensiez qu’on ne peut pas concilier Balzac et humour ? Détrompez-vous !

Challente Je (Re)lis des classiques de Blandine et Nathalie.

298 p

Titiou Lecoq, Honoré et moi, 2019

10 thoughts on “Titiou Lecoq, Honoré et moi

  1. Je suis ravie que cette biographie t’ait plu!
    C’est sûr, la plume de Titiou Lecoq peut ne pas plaire à tout le monde mais elle dépoussière et rend attractif le genre!
    Moi aussi, j’ai envie de relire Balzac et pense (re)lire La Peau de Chagrin.

  2. Cette biographie me tente beaucoup, en particulier pour son analyse des rapports de Balzac avec les femmes, puisque l’auteur est une spécialiste du thème. Tous les avis que j’ai lus sont enthousiastes.

  3. Oh oui Balzac a decrit des femmes fortes, intelligentes avec le desir de vivre a la difference de ses contemporains….en tout cas cette Bio me tente vraiment….

  4. J’avais une passion pour Balzac, ado ! Alors tu me donnes très envie de lire cet essai original… et, plus largement, de me plonger dans les vies de nos grands auteurs! merci, Lou!

  5. Je n’ai jamais tellement aimé les auteurs classiques, sorte de déni scolaire 😉 Un jour peut-être je changerai d’avis. En tous cas, tu m’intrigues avec cette lecture et je suis assez curieuse. D’autant que Titiou Lecoq est très intéressante 🙂

  6. ça fait un moment que je l’ai noté dans ma liste d’envies, et tu en remets une couche…faut vraiment que je le lise! même si je ne suis aps spécialement une fan de Balzac, j’avais beaucoup aimé ses nouvelles.

    1. Je crois que c’est une très belle invitation à lire ou relire Balzac ! Cela fait des années que je ne l’ai pas lu mais on peut dire que cette biographie m’a donné envie de le faire !

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