Je lis rarement (pour ne pas dire jamais) des reportages, mais les 10 jours dans un asile ont piqué ma curiosité. Ce recueil contient trois textes : « 10 jours dans un asile », « Dans la peau d’une domestique » (sur le manque de sérieux des agences de placement, qui n’honoraient pas leurs obligations envers les domestiques ni envers les employeurs faisant appel à eux) et « Nellie Bly, une esclave moderne » (sur le travail en usine). Tous ces textes rendent compte de l’expérience vécue par Nellie Bly, qui fait partie des premiers journalistes infiltrés.
« 10 jours dans un asile » est le principal reportage de ce recueil. Il y est question de l’asile de Blackwell’s Island, face à New York. Nellie Bly s’y fait volontairement interner. Son constat est accablant et conduira les autorités à allouer des sommes supplémentaires à l’asile.
Nellie Bly y met en avant les conditions arbitraires d’internement : incompétence des médecins qui vont la juger folle, exemple d’une femme volage enfermée par son mari ou d’une autre, entrée en raison de sa pauvreté. S’il est facile d’entrer à Blackwell, il est presque impossible d’en ressortir. Une sorte de vie parallèle se met en place sur l’île, alors que les patientes ont vue sur New York, si proche et pourtant inaccessible, symbole de leur liberté perdue. On s’aperçoit que de nombreuses « folles » sont en réalité totalement saines d’esprit et parfaitement conscientes de leur situation.
Une fois les patientes admises, l’enfer commence. Nourriture infecte et avariée, froid, manque d’hygiène. La même eau est réutilisée pour plusieurs patientes, sans même tenir compte des éventuels plaies et problèmes de peau. Pire encore, non contentes d’être d’une incompétence crasse, les infirmières font preuve de brutalité et de cruauté, voire de sadisme. Celui-ci s’exprime aussi bien physiquement (jusqu’à l’étranglement ou des coups aboutissant à des côtes cassées) que moralement (moqueries, humiliations). Tout cela dans l’indifférence la plus totale, les médecins ne s’intéressant pas au sort des patientes et n’ayant visiblement pas les compétences nécessaires pour soigner celles qui auraient besoin de l’être et reconnaître celles qui pourraient sortir.
Bien que ce compte-rendu date de plus d’un siècle, il ne manque pas d’impact pour le lecteur d’aujourd’hui, en raison du contenu choquant relaté dans un style direct, avec précision.
Personnage remarquable, audacieuse, Nellie Bly est une féministe pour le moins courageuse à une époque où la place de la femme de bonne famille est essentiellement dans un salon à parler mondanités en servant des petits fours ! Une lecture étonnante mais passionnante.
Sur le traitement de la folie et les pratiques douteuses des siècles précédents, voici également deux récits qui m’ont beaucoup plu : The Painted Bridge de Wendy Wallace ; La Chambre des Âmes de Frank Tallis. Enfin, le sympathique roman jeunesse Twelve minutes to Midnight de Christopher Edge se déroule en partie à Bedlam. Bedlam est une pièce de théâtre qui est également consacrée à cet endroit. Dans un autre registre, Personne ne me verra pleurer et Grand Paradis, deux romans nous plongeant également au coeur d’un asile.
Merci aux éditions
157 p
Nellie Bly, 10 jours dans un asile, 1887
Commentaires
Écrit par : rachel | 26/01/2017
Écrit par : Chicky Poo | 26/01/2017
Écrit par : niki | 27/01/2017
Écrit par : Pedro | 27/01/2017
@ Chicky Poo : la partie sur les domestiques est beaucoup plus courte. Je pensais qu’elle était allée jusqu’à se faire engager. En réalité on ne parle que des agences de placement. Ce n’est pas inintéressant non plus. J’espère que ce livre t’intéressera tout autant si tu te décides à le lire.
@ Niki : Je ne connaissais pas du tout Nellie Bly avant de l’avoir repérée dans le catalogue Points… mais c’est une découverte qui vaut le détour !
@ Pedro : c’est un sacré personnage en effet ! Très en avance sur son temps et très courageuse. Encore aujourd’hui elle serait en avance par rapport à certains maux de la société qui perdurent… Merci pour l’info concernant le film, je vais me renseigner.
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Écrit par : Lou | 28/01/2017
Écrit par : rachel | 28/01/2017
Écrit par : Hilde | 30/01/2017
Écrit par : Mrs Figg | 01/02/2017
@ Hilde : oui, les deux. Nellie Bly est très factuelle, elle ne détaille pas longuement les scènes et ne verse pas dans le pathos mais sa façon sobre et directe de reporter des faits épouvantables fait aussi froid dans le dos.
@ Mrs Figg : comme je le disais à Hilde, Nellie Bly maintient une certaine distance par rapport aux faits décrits. Elle ne présente pas de longues scènes qui pourraient être plus dures à supporter… mais bien sûr les faits rapportés choquent toujours autant après toutes ces années.
Écrit par : Lou | 11/02/2017
Écrit par : rachel | 11/02/2017