Au début du mois d’avril est sorti le dernier texte d’Annie Ernaux, Mémoire de Fille. C’est un auteur que j’ai découvert par la blogosphère, notamment lors de la sortie de son livre Les Années, lu et souvent très apprécié par bon nombre de lecteurs et lectrices. Je projetais donc de lire Annie Ernaux à mon tour, mais c’est finalement la publication de son dernier ouvrage qui m’a incitée à la découvrir enfin. Je me suis offert en parallèle Les Années, que je devrais bientôt lire également.
Mémoire de Fille, c’est l’histoire d’une rencontre, entre l’écrivain d’aujourd’hui et la jeune femme qu’elle était en 1958. Par l’écriture, elle va chercher à retrouver cette fille de 1958. Ce texte accorde ainsi une place importante au processus de création littéraire, aux questionnements de l’écrivain quant aux choix à effectuer pour aborder cette partie de sa vie. 1958 est une année de transition, marquée par un évènement traumatique : l’été, la jeune Annie devient monitrice dans une colonie et tombe amoureuse du moniteur-chef, garçon un peu plus âgé. Elle consent à passer la nuit avec lui pour le voir ensuite s’intéresser à une autre fille. Dès lors, alors qu’elle n’a aucune expérience avec les garçons et a reçu une éducation très catholique, la jeune fille va être moquée et perçue comme une fille facile, dont les garçons essaient immédiatement de profiter, avec succès. La fille de 1958 est aveuglée par sa volonté de s’intégrer au groupe, éblouie par l’ambiance fêtarde après des années de restriction. Elle est prête à accepter n’importe quoi pour continuer à profiter de son été, quitte à devenir fille objet – ce dont elle ne prend pleinement conscience que l’année suivante, en particulier grâce à la lecture de Simone de Beauvoir.
La première partie du livre est consacrée à l’été de 1958. Annie Ernaux écrit qu’elle aurait pu achever son livre-là, mais elle nous donne finalement à voir les années suivantes, inextricablement liées à ce qui s’est passé dans cette colonie. Troubles du comportement alimentaire, aménorrhée, impact sur les ambitions scolaires : le traumatisme vécu ne manque pas de répercussions même si, finalement, l’adolescente devenue jeune femme parvient à s’affranchir de celle qu’elle a été. Dans l’émission de la Grande Librairie qui lui a été récemment consacrée, Nancy Huston affirme que ce titre devrait être ajouté au programme scolaire, et il est vrai que ce qu’a vécu la fille de 1958 reste d’actualité pour l’adolescente d’aujourd’hui.
Je craignais de commencer par ce titre sans connaître Annie Ernaux mais c’est une bonne porte d’entrée pour accéder à l’univers de cet écrivain. Son milieu social et ses influences sont clairement évoqués dans Mémoire de Fille et permettent de mieux comprendre le cheminement de la fille de 1958. J’imagine que la lecture croisée de ses différents ouvrages offre de nouvelles clés de lecture, mais je ne regrette pas d’avoir d’abord lu Mémoire de Fille, que j’ai trouvé indéniablement intéressant.
Les avis sur ce titre commencent déjà à fleurir: Cathulu, Antigone, Clara, Saxaoul, Jérôme, Aifelle.
151 p
Annie Ernaux, Mémoire de Fille, 2016
Commentaires
tout un chouette sujet didonc…oh c’est entre dans l’ecriture d’un auteur…mais aussi dans sa vie…cela semble vraiment interessant….;)
Écrit par : rachel | 05/05/2016
@ Rachel : j’avais beaucoup lu d’articles sur Annie Ernaux, je suis ravie de l’avoir enfin lue elle-même :o)
Écrit par : Lou | 05/05/2016
L’universalité, c’est toute la force des romans d’Annie Ernaux. Ce qu’elle raconte se passe toujours à une autre époque mais le lecteur peut se reconnaître derrière ses propos quel que soit son âge.
Écrit par : Saxaoul | 06/05/2016
@ Saxaoul : dans ce cas je risque de trouver à nouveau beaucoup d’intérêt à mes prochaines lectures d’Annie Ernaux. C’est un des points forts de son récit je trouve.
Écrit par : Lou | 06/05/2016
Bonsoir Lou, j’avoue être restée un peu au bord de cette lecture. Ce qu’elle raconte ne m’a pas forcément passionnée mais si je connais l’ambiance colonie : j’y suis allée dès l’âge de 4 ans jusqu’à l’âge de 12 ans et je ne garde pas forcément de bons souvenirs de certaines monos. Bonne fin d’après-midi.
Écrit par : dasola | 25/05/2016
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