Ceux qui suivent mon blog depuis quelques années connaissent mon engouement pour Jane Austen et, notamment, son roman Pride and Prejudice. J’ai savouré l’adaptation de la BBC et renoncé à apprécier celle de Joe Wright, me suis risquée à lire (ou à commencer à lire) quelques « sequels »*… pour conclure in fine que les austeneries n’étaient pas vraiment ma tasse de thé, même si certaines suites se laissent volontiers lire l’été à la plage lorsqu’on ne veut pas réquisitionner beaucoup de neurones. Pourtant, lorsque j’ai vu que les éditions Stock (dont j’apprécie beaucoup la collection La Cosmopolite et notamment, ses titres de Virginia Woolf) publiaient un roman inspiré de Pride and Prejudice qui avait reçu de belles critiques dans la presse anglo-saxonne, j’ai eu de suite envie de partir à la découverte de cette Saison à Longbourn.
Dans ce roman de Jo Baker, nous nous éloignons des salons des soeurs Bennet pour accompagner les domestiques de Longbourn. Ces personnages sont fantomatiques dans le roman d’Austen. Ils n’ont qu’une fonction utilitaire, on ne connaît pas leur nom hormis celui de Hill, scandé par Mrs Bennet à chaque fois que ses nerfs lui jouent des tours. Et il faut bien avouer que lorsqu’il est plongé dans Pride and Prejudice, le lecteur partage entièrement l’indifférence de Miss Austen à l’égard des domestiques, puisqu’ils sont presque absents du roman. Et pourtant, sans eux pour amener de l’eau aux filles Bennet, jeter les pots de chambre, retoucher leurs vêtements, les coiffer, cuisiner, le foyer des Bennet ne saurait exister. Ou du moins, il serait bien différent et l’histoire des soeurs en serait vraisemblablement affectée.
Jo Baker décide ainsi de s’intéresser à Mr et Mrs Hill, Sarah, la très jeune Polly (nommée ainsi car elle s’appelle en réalité Mary mais ne saurait usurper le prénom de l’un des membres de la famille) ainsi que James, le nouveau valet au passé suspect, curieusement engagé par Mr Bennet. Le lecteur mesure alors la difficulté de leurs tâches, les mains gercées, gelées, pleines d’ampoules selon qu’elles ont fait la lessive de la semaine, cherché un seau d’eau par temps froid ou utilisé trop longtemps le fer à friser des jeunes demoiselles. Quant aux Bennet auxquels nous nous sommes déjà attachés, nous ne pouvons nous empêcher de regretter leur manque d’intérêt pour leurs domestiques, malgré l’époque. Ainsi Lydia fait un commentaire peu flatteur sur Mr Hill en présence de Mrs Hill, comme si celle-ci n’avait pas d’oreilles, tandis qu’Elizabeth oublie complètement de se renseigner sur James lorsqu’il s’absente brusquement (elle s’étonne même d’entendre Sarah l’appeler « Mr Smith », comme s’il était un gentleman et non le valet).
Bien que le roman compte assez peu de dialogues entre maîtres et domestiques, Jo Baker prend beaucoup de libertés avec les personnages que l’on croit si bien connaître. Elle apporte ainsi un nouvel éclairage au roman d’origine, auquel on peut adhérer le temps de cette lecture. Mr Bennet a un passé plus compromettant que ne le laisseraient penser ses heures d’étude solitaire dans sa bibliothèque. Le portrait de Wickham est encore moins flatteur (on s’éloigne d’ailleurs de la vision aseptisée et plutôt flatteuse de l’armée dans les textes d’Austen). Elizabeth s’inquiète de partir seule à Pemberley, puis du déroulement de sa première grossesse.
Une Saison à Longbourn n’est pas seulement (comme je le croyais) le miroir de Pride and Prejudice, Jo Baker s’affranchissant de ce cadre. Darcy n’y a presque aucune importance et apparaît très tardivement. La dernière partie se déroule essentiellement loin de Longbourn. S’il me semble compliqué d’aborder Une Saison à Longbourn sans avoir lu Austen, c’est un roman « à part entière » que je me réjouis d’avoir lu.
Merci aux éditions Stock pour cette lecture !
Coralie l’a également lu dans le cadre du Mois Anglais.
Autour de Pride and Prejudice sur ce blog :
Romans : Pride & Prejudice de Jane Austen ; The Darcys and the Bingleys de Marsha Altman ; Mort à Pemberley de P.D. James ; Les Filles de Mr Darcy de Marsha Altman.
Films et séries: Pride and Prejudice (1995 BBC) ; Pride and Prejudice (2005) ; Bride & Prejudice (2004) ; Bridget Jones’s Diary (2001) / The Age of Reason (2004) ; Lost in Austen (2008).
394 p
Jo Baker, Une Saison à Longbourn (Longbourn), 2013
* Je me suis bien amusée avec les très légers The Darcys and The Bingleys et Les Filles de Mr Darcy (ce dernier m’a plutôt fait ricaner doucement mais il a alimenté plusieurs conversations bien amusantes, j’en garde ainsi un bon souvenir que la relecture de mon billet a ravivé).
Commentaires
Écrit par : Mrs Figg | 09/06/2014
Écrit par : rachel | 09/06/2014
Écrit par : Chicky Poo | 09/06/2014
Écrit par : Titine | 09/06/2014
Ps Je t’ai envoyé un mail fin mai je ne sais si tu l’as vu !
Écrit par : Malice | 09/06/2014
@ Rachel : malgré tout le bien que je pense de Mr Darcy je préfère le voir si peu dans le roman car en le faisant intervenir davantage, tout comme les autres membres de la famille, Jo Baker aurait pris le risque de s’éloigner de l’image renvoyée par ces personnages dans le roman, de leur langage etc. C’est mieux qu’Amanda Grange qui fait de Mr Darcy un lamentable amoureaux écrivant un journal à l’eau de rose.
@ Chicky Poo : j’espère que tu te laisseras tenter !
@ Titine : c’est gentil :o) Je pense qu’il te plaira aussi, tu verras que Jo Baker ne prend pas le risque de trop utiliser les personnages que l’on connaît, du coup on finit par s’éloigner de Longbourn et vivre une autre histoire mais ça fonctionne bien.
@ Malice : ah quel plaisir de lire ça ! Qu’est-ce que j’ai aimé ce roman ! Un de mes plus grands plaisirs de lecture ces dernières années ! Je n’ai pas vu le mail merci de me le signaler !
Écrit par : Lou | 09/06/2014
en tout cas oui cela fait moins intervenir les connus..donc cela fait moins plagiat, plus original aussi, elle ne joue pas avec nos sentiments en fin de compte…;)
Écrit par : rachel | 09/06/2014
Je trouve que c’est un pari réussi pour Jo Baker.
Écrit par : Coralie | 09/06/2014
Écrit par : La chèvre grise | 09/06/2014
Écrit par : Valérie | 09/06/2014
Bonne soirée!
Écrit par : Fanny | 10/06/2014
Écrit par : Noukette | 11/06/2014
@ Coralie : c’est très sympathique et nous change des austeneries très fleur bleue !
@ La chèvre grise : pour ma part j’ai trouvé que le peu de dialogues avec les personnages que l’on connaît évitait de trop se fourvoyer, il y avait un vrai risque à chercher à donner davantage vie à Elizabeth, Darcy etc. Il y a bien sûr les énormes révélations telles que celle concernant Mr Bennet mais la structure du roman m’a permis de le dissocier de « Pride and Prejudice » (les deux histoires ne sont pas vraiment complémentaires), du coup j’ai accepté cette trame romanesque. L’histoire de Sarah et James ne m’a pas emportée mais les personnages restent sympathiques. En revanche j’aurais également aimé creuser davantage l’aspect historique (quotidien des domestiques).
@ Valérie : oui ça ne m’a pas gênée… justement elle prend tant de libertés qu’on dissocie tout à fait les trames des deux romans. J’ai passé un bon moment avec « Une saison à Longbourn » sans complètement l’associer à « Pride and Prejudice », ce qui me convient bien.
@ Fanny : c’est un roman très agréable à lire.
Écrit par : Lou | 12/06/2014
oui j’imagine avec ses propres personnages…;)
Écrit par : rachel | 13/06/2014
Écrit par : FondantOchocolat | 13/06/2014
Écrit par : Lilly | 18/06/2014
@ FondantOchocolat : je sais bien :o)
@ Lilly : c’est vrai tu es complètement déçue par la série ? La saison 3 m’a fait un peu peur. Je n’ai pas encore vu la 4e mais j’ai bien du mal à imaginer comment ils vont pouvoir rebondir. En tout cas oui le roman fait penser à Downton mais comme je le disais en intro ce n’est pas encore une de ces austeneries complètement niaiseuses. Sans être du Austen c’est nettement au dessus des romans qui visent juste à sortir les violons avec les personnages des romans de Jane Austen.
Écrit par : Lou | 18/06/2014
Écrit par : rachel | 18/06/2014
Écrit par : rachel | 18/06/2014
Écrit par : Lilly | 19/06/2014
@ Lilly : ah mince pourtant Maggie Smith a un personnage excellent. J’ai trouvé que deux morts dans la saison 3 c’était trop, par exemple ils auraient pu faire disparaître au moins des personnages « temporairement ». Le côté politique et social aurait aussi pu être plus développé sans l’accouchement désastreux… bref !
Écrit par : Lou | 24/06/2014
Écrit par : rachel | 25/06/2014
Écrit par : Éva | 28/06/2014
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