Patricia Reznikov, La Transcendante

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Rentrée littéraire automne 2013

Que dire de La Transcendante de Patricia Reznikov, un roman qui me tentait tellement et qui me laisse dubitative ? Comment ne pas succomber devant un tel sujet: une jeune femme victime d’un incendie retrouve dans son appartement détruit un seul livre, La Lettre Ecarlate de Nathaniel Hawthorne. Bouleversée par ce qui lui est arrivé, elle décide de partir à Boston sur les traces du grand écrivain en voyant un signe dans la présence de ce rescapé. Peut-être pourra-t-elle ainsi se reconstruire… Une fois arrivée à Boston, elle rencontre une certaine Georgia, ex prof de littérature, francophile, qui s’impose et se fait un plaisir de lui faire visiter tous les lieux historiques importants ayant un lien avec Hawthorne. En parallèle elle découvre une librairie tenue par un type extravagant qu’elle nomme le « cyclope » ; elle y rencontre un certain Blake, philosophe passionné par Nietzsche et tombe sous son charme.

Sachez tout d’abord que, dans l’ensemble, ce roman a été plutôt bien accueilli : certains sont enthousiastes, beaucoup ont apprécié de nombreux aspects du texte tout en relevant ses faiblesses. Je me situerais plutôt dans cette deuxième catégorie : je suis très heureuse d’avoir pu satisfaire ma curiosité, d’avoir retrouvé Hawthorne, Emerson, Thoreau, Melville ou encore Louisa May Alcott, mon livre est bourré de post-its pour retrouver les passages qui m’ont intéressée… même si j’ai trouvé le roman en tant que tel franchement en deçà de mes attentes.

Les premières phrases m’ont captivée et auguraient bien de la suite :

Un jour, mon appartement a brûlé, et avec lui, toute ma bibliothèque.

Tous les auteurs que j’aimais, ceux qui m’avaient aidée à me construire, ceux qui m’avaient accompagnée comme une famille, ceux qui avaient bercé mes moments de solitude, tous sont partis en fumée. Comme dans un mauvais rêve, une sorte d’holocauste. Sont morts des poètes russes, américains, des romanciers français, anglais, allemands. Et, d’une certaine manière, moi aussi, je suis morte avec eux (p 9).

Malheureusement, j’ai trouvé l’héroïne peu cohérente avec cette magnifique introduction. Puisque les pour et les contre s’opposent clairement dans ma lecture je peux facilement retrouver les joies des dissertations de mes 18 ans et leurs fameux plans en deux parties pour cette modeste chronique.

L’intérêt du livre : sans nul doute, l’exploration de Boston et de ses environs en compagnie de Georgia. Ce livre est un précieux atout pour qui voudrait se rendre sur place et suivre la trace de Hawthorne et d’autres auteurs contemporains qu’il a côtoyés. Ainsi nous allons à Salem, au cimetière de Sleepy Hollow, savourons les anecdotes sur l’écrivain ou redécouvrons  les évènements majeurs qui se sont déroulés dans la baie et ont eu une si grande importance dans l’histoire des Etats-Unis. Je regrette que les sources de l’auteur ne soient pas citées à la fin pour nous permettre de creuser un peu plus le sujet mais ce livre a le mérite de pointer du doigt des lieux qui ne doivent pas se retrouver dans beaucoup de guides touristiques et ne présentent d’intérêt que pour les grands nostalgiques qui aimeraient fermer les yeux et s’imaginer quelques siècles en arrière. En lisant ce roman, j’ai été prise d’une folle envie de découvrir cette région des Etats-Unis qui a priori ne m’intéressait pas spécialement et, lorsque j’y irai, ce sera sans doute accompagnée de ce livre ! On imagine également sans peine certains quartiers historiques, avec leurs jolies maisons bien conservées. Cela m’a également fait penser à Henry James et à son roman Les Européens (il me reste encore à découvrir Les Bostoniennes).

Ses écueils : si les extraits traitant de l’histoire des lieux m’ont passionnée, ils restent très factuels et ne se mêlent pas vraiment au récit principal. J’ai eu l’impression qu’il s’agissait d’informations jetées de-ci de-là sur une trame romanesque sans intérêt, qui tente bien maladroitement de lier le tout. Les conversations sont insipides, parfois même horripilantes car Pauline s’essaie à traduire en français un texte qui vient d’être prononcé en anglais, selon un procédé récurrent qui à la fin me faisait pousser des soupirs d’exaspération et enrager toute seule. Certaines expressions du type « little French woman » reviennent souvent également et n’ont en rien amélioré mon humeur. Et puis cette Pauline est un personnage agaçant, creux, alors que j’imaginais une amoureuse des livres avec un peu de plomb dans la cervelle. Elle rencontre cette Georgia qui décide de lui faire partager ses connaissances de la région mais au lieu de refuser carrément son aide ou de jouer le jeu, elle va la voir, puis regrette, s’énerve devant les excentricités de la vieille femme, se montre carrément odieuse (par exemple en reprenant sans cesse ses quelques erreurs en français), sans compter le fait que quand on lui propose de visiter une maison d’écrivain madame fait la fine bouche et se plaint de toute cette activité (et moi de crier intérieurement : comment ? tu vas nous priver de la visite de cet endroit parce que tu as mal aux pieds ou envie d’un thé glacé ?!). Il ne suffit pas d’avoir vécu un événement tragique pour devenir un personnage attachant à qui l’on va tout pardonner (surtout pas le fait de nous priver d’une visite comme celle-ci…). Et puis, alors qu’elle semble avoir un minimum de culture, elle ne connaît pas la légende de Sleepy Hollow par exemple ou parle du Père Goriot comme d’une souffrance ; elle ne me paraissait avoir aucune curiosité intellectuelle par rapport à ce que l’on aurait pu imaginer en lisant les premières lignes du roman. On peut également s’étonner du voyage qu’elle entreprend lorsqu’on découvre qu’à part sa fichue Lettre Ecarlate qu’elle lit et relit elle n’a fait aucune recherche sur Hawthorne. Elle dit venir sans but précis et on veut bien la croire ! Mais quelle personne aux revenus moyens irait payer un aller retour Paris-Boston avec un seul livre de poche sous le bras sans avoir une petite idée de la façon dont elle va procéder sur place ou sans manifester de l’intérêt lorsqu’on lui offre sur un plateau des visites passionnantes ? Enfin, elle entre dans une librairie qui semble très sélective quant aux titres proposés mais le libraire est un fou qui dans la première scène l’insulte et menace de lui trancher la gorge, ce qui la fait presque s’évanouir. Non seulement j’ai trouvé la scène ridicule mais j’ai été terriblement déçue de pénétrer enfin dans cette librairie sans qu’elle songe à parcourir ses rayons et à en ressortir avec quelques pépites qu’elle m’aurait donné envie de lire. Elle découvre ainsi un seul autre titre au cours de son voyage littéraire pour le moins étonnant.

Au final j’ai adoré les parties consacrées aux auteurs du XIXe et à l’Histoire des Etats-Unis, qui m’ont permis de m’imaginer dans des lieux fascinants, en excellente compagnie, et en ce sens je ne regrette pas du tout ma lecture ; je relirai même sans aucun doute les passages que j’ai consignés dans mon exemplaire. Mais la structure générale de ce roman m’a paru maladroite et je n’ai absolument pas pu adhérer aux choix de Pauline ; même l’extravagante Georgia ou le mystérieux Blake ne m’ont pas complètement convaincue, bien que l’idée de rencontrer pareils guides à Boston soit assez séduisante. Je crois que j’ai été d’autant plus déçue que j’attendais énormément de ce roman au résumé si prometteur.

Ils ont apprécié leur lecture, même s’ils sont nombreux à pointer du doigt certaines faiblesses : Aifelle, A Propos de Livres, Cathulu, Culturez-vous, Joëlle, Jostein, Kazu Panda, Lettres et Littérature américaines, L’Irrégulière, Malice, Mes Petits Bonheurs, Nelfe, Stellade à la Page

Les déçues : Karine:), La Petite Marchande de Prose, Val

Un grand merci aux éditions Albin Michel pour cette découverte, malgré mon avis si partagé.

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276 p

Patricia Reznikov, La Transcendante, 2013

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Commentaires

et bin oui le sujet semblait passionnant mais le remplissage laisse a desirer….bien dommage didonc…..

Écrit par : rachel | 10/12/2013

@ Rachel : je me suis vraiment régalée en découvrant beaucoup de choses sur la vie de Hawthorne et en « visitant » certains lieux, c’est cela qui pour moi a fait l’intérêt de cette lecture.

Écrit par : Lou | 10/12/2013

oui mais lala je me pose la question; si tout cela est veridique….pas de l’invente…puisque le reste est assez flou….;)

Écrit par : rachel | 10/12/2013

J’étais passée à côté de ce roman à la rentrée mais je vois que je n’ai rien manqué !

Écrit par : Titine | 10/12/2013

@ Rachel : non je pense qu’il y a vraiment eu une recherche d’informations, mais ensuite elles font l’effet d’être collées en plein milieu du roman par petits bouts.

@ Titine : Malice a adoré et je trouvais le sujet prometteur mais bon… peut-être trop pour ne pas être un peu déçue ensuite ?

Écrit par : Lou | 10/12/2013

La partie « Pauline » est incontestablement trop faible et elle n’attire vraiment pas la sympathie. Ceci dit, l’écriture m’a plu et toute la partie Boston, Thoreau etc … comme toi. Au moins, il donne envie de voyager !

Écrit par : Aifelle | 10/12/2013

@ Aifelle : oui, il donne même une folle envie de voyager :o) Je n’ai pas détesté l’écriture, j’ai lu certaines critiques à ce sujet mais hormis les traductions lourdes au sein du texte je n’ai pas trouvé la plume de Patricia Reznikov particulièrement décevante, il y a même quelques jolis passages comme cette introduction.

Écrit par : Lou | 10/12/2013

C’est vrai que tu es plus diplomate que moi dans ta chronique mais nos avis se rejoignent finalement assez ! Je ne peux qu’adhérer à ton retour. On en tirera comme enseignement que, lorsqu’on se fixe un projet ambitieux, il vaut mieux être à la hauteur au risque de provoquer une grosse déception ^^

Écrit par : Lili | 10/12/2013

Je suis encore plus déçue que toi, ce livre n’a m’a jamais plu.

Écrit par : Valérie | 10/12/2013

@ Lili : je ne sais pas si je suis si diplomate que ça :o) Je pense aussi que ces livres qui affichent une telle ambition tapent souvent dans l’oeil de lecteurs déjà conquis par les grands classiques et du coup d’autant plus pointilleux sur la façon dont ceux-ci sont mis en scène et exploités.

@ Valérie : oui j’ai bien vu que pour toi c’est vraiment une lecture catastrophique :o)

Écrit par : Lou | 10/12/2013

Les premières phrases du livre sont assez prenantes, j’avoue… Pas forcément celui qui je mettrais au sommet de ma PAL (il faut dire qu’elle est immense en ce moment !) mais je garde un petit « pourquoi pas ? » à son sujet. Les critiques mitigées qu’il reçoit attisent vivement ma curiosité.
Bises !

Écrit par : Livy | 10/12/2013

@ Livy : j’aime beaucoup cette introduction et je me suis régalée à jouer les touristes dans les environs historiques de Boston et dans la ville-même… j’espère que tu tenteras cette lecture malgré tout pour te faire ta propre idée :o)

Écrit par : Lou | 10/12/2013

Je ne connaissais pas mais pourquoi pas, malgré les avis mitigés !

Écrit par : sybille | 11/12/2013

@ Sybille : j’espère que tu te feras ta propre idée :o)

Écrit par : Lou | 11/12/2013

ooohh oui, je n’aime pas trop…cela ne rentre pas trop dans l’histoire, juste un etalage de connaissance…c bete….

Écrit par : rachel | 11/12/2013

@ Rachel : je trouve dommage que ce soit maladroit, même s’il y a beaucoup de matière à la base !

Écrit par : Lou | 12/12/2013

oui il y avais du potentiel…bien dommage….

Écrit par : rachel | 12/12/2013

@ Rachel : j’ai quand même apprécié toute la partie sur Hawthorne et l’histoire de la région :o)

Écrit par : Lou | 13/12/2013

bon tout d’abord, un -t a il y avaiT…of course…..
ensuite cela permet de sauver un peu ce livre quand meme….

Écrit par : rachel | 13/12/2013

@ Rachel : oui je garderai mon exemplaire avec tous mes post-its pour tout ce fond historique et littéraire.

Écrit par : Lou | 14/12/2013

bin lala je veux le voir…ton livre de noel…lol

Écrit par : rachel | 15/12/2013

J’hésite, les avis sont tellement partagés … Mais ce que tu écris sur le personnage principal m’incite plutôt à passer mon tour. Pourtant, le sujet semblait passionnant. (et puis dès qu’il s’agit d’Hawthorne, je suis partante lol !)

Écrit par : Mrs Figg | 16/12/2013

@ Rachel : il faut dire que je ne suis pas souvent avare en post-its dans mes lectures, ça m’aide à faire mes billets :o)

@ Mrs Figg : je pense que ça vaut le coup ne serait-ce que pour les passages sur Hawthorne, mais je l’ai abordé « with high expectations » et c’est certain que ça n’a pas arrangé les choses.

Écrit par : Lou | 17/12/2013

ooh cela fait vraiment pro…c chouette…;)

Écrit par : rachel | 17/12/2013

Les commentaires sont fermés.

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