Rentrée littéraire automne 2013
C’est avec énormément de curiosité que j’ai jeté mon dévolu sur Lady Hunt d’Hélène Frappat dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire, en raison de cette promesse d’un roman gothique qui évidemment renvoyait de suite à une certaine littérature anglo-saxonne et à des codes bien précis. Puis je n’ai cessé de croiser des avis mitigés, voire des lecteurs franchement déçus. C’est donc sans attentes bien précises que j’ai finalement ouvert ce livre, et je m’en réjouis aujourd’hui car cela m’a permis de pleinement apprécier ses qualités… j’aurais sans doute été beaucoup moins enthousiaste si, comme le promet le point de vue des éditeurs, je m’étais complètement fiée à cette phrase ô combien alléchante et merveilleuse : « Des ruines du parc Monceau à la lande galloise, avec liberté et ampleur elle réinvente dans Lady Hunt le grand roman anglais, et toutes les nuances du sortilège ».
Oublions donc tous nos a priori sur ce roman et laissons-nous emporter…
Laura Kern travaille pour une agence immobilière dans le Triangle d’Or parisien, faisant visiter des appartements de luxe et des hôtels particuliers à des clients fortunés, pour l’essentiel dans les environs du parc Monceau. Sa situation est précaire car elle est payée à la commission et n’a jusqu’ici réalisé qu’une seule vente. Elle vit dans un petit deux pièces à Vanves en compagnie de son chat, entretient une liaison avec son patron déjà marié. Sur elle et sa soeur plane la menace de la maladie qui a emporté son père, la Chorée de Huntington. C’est d’ailleurs de là que vient le titre, Lady Hunt, qui, outre ses influences anglaises, rappelle aussi la chasse à la femme… car Laura est à la fois traquée par Huntington et par d’étranges rêves dont on ne sait pas d’abord s’ils sont une réelle manifestation du gothique dans le roman ou l’annonce de la maladie, qui provoque des hallucinations.
C’est ainsi que, progressivement, la réalité bascule, tandis que l’étrange envahit le quotidien de Laura Kern. Ainsi, un enfant disparaît lors de la visite d’un appartement. Chaque nuit, elle rêve d’une maison de plus en plus inquiétante. Des odeurs envahissent un jour son appartement. Une porte ne peut plus s’ouvrir. Elle fait face à un miroir sans y trouver son reflet. Eprouve un malaise à visiter certains biens immobiliers. Folie, maladie ou surnaturel ? Hélène Frappat emprunte en effet certains codes du roman gothique anglais mais laisse planer le doute dans l’esprit du lecteur. La construction du roman rappelle d’ailleurs bien plus la littérature française avec ses phrases courtes, incisives, le caractère répétitif de certaines scènes du quotidien, la distance qui s’instaure entre le lecteur et les personnages, l’exercice de style primant à mon sens sur le fond.
Au final, je me suis prise au jeu et ai dévoré ce roman – peut-être qu’une lecture plus hachée aurait d’ailleurs nui au plaisir de lecture, en raison du manque d’empathie des personnages et des scènes récurrentes : visions de la maison dans les rêves ; visites d’appartement ; retrouvailles avec l’amant, la mère, la soeur ; trajets en voiture, en métro, traversée de la Manche en Eurostar…
J’ai savouré sa complexité, les nombreuses thématiques (notamment la transmission familiale très bien traitée) et la façon qu’a Hélène Frappat de mêler réalité et fiction, style français et influences anglaises. Le texte est enrichi d’allusions à Lady Shalott, dont la malédiction rappelle celle des soeurs Kern (sur qui s’abattra finalement la maladie ? laquelle sera sauvée ? Huntington est-il le seul sortilège ?). Puis Laura découvre un portrait inquiétant, celui d’une femme rousse qui peuple ses rêves et rappelle les peintures de Rossetti : Sa chevelure flamboyante recouvre son front, ses oreilles, ses épaules, ses bras. Sa chevelure folle que rien n’arrête, pas même le cadre doré du tableau, se fond dans les volutes du papier peint, serpente jusque dans chaque pièce, escalade les charpentes, les poutres, le toit. Ses cheveux sont les veines par où coule le sang de la maison. Son visage et ses lèvres décolorés sont le coeur vibrant de Luna, le coeur du monstre (p 214).
J’ai aussi apprécié les moments passés dans ces luxueux appartements parisiens (où le lecteur devient voyeur et où se concrétise un fantasme, découvrir ce qui se cache derrière les façades et fenêtres de la ville), près des grilles du parc Monceau, puis dans le quartier de Bloomsbury ou sur un banc de Regent’s Park à Londres : des lieux où je me suis promenée bien souvent l’âme rêveuse et que j’ai aimé retrouver lors de ma lecture, de nouveau dans un cadre onirique.
Ce livre aurait presque pu finir en coup de coeur tant j’ai aimé ce dépaysement, si ce n’était une fin que je trouve assez plate, en deçà de ce à quoi nous avait préparés Hélène Frappat. Comme l’a dit Malice : « Ce roman est plein de promesses et puis tout retombe comme un soufflé . » Malgré cette déception sur les dernières pages, je recommande vivement ce livre à condition de ne surtout pas en attendre un roman anglais gothique au sens traditionnel du terme. Et puisque le veut la règle des matchs de la rentrée littéraire, j’attribuerai un 15/20 à Lady Hunt.
Un roman qui ne laisse pas indifférent… (j’ai découvert une multitude de blogs à l’occasion) :
Avis mitigés voire négatifs : Angee’s Livroscope, Biblio (Des Goûts et des Livres), Celimene, Enjoy Books, Florel (Voyage Livresque), Hilde, Kitty la Mouette, La Ptite Souris du Web, Lire Une Passion, Maggie, Malice, Miss Leo, Potzina, Sandrine, Sariah, Valou
Avis positifs ou enthousiastes : Anassette, Angélita, Bene31, Brigt, Emi Dreams up, Galéa (Sous les Galets), Kathel (Lettres Exprès), Knit Spirit, La Critiquante, La Culture Hajarienne, Leiloona, MyaRosa, Val, Yv
La chronique de François Busnel
Merci beaucoup à Price Minister et à Oliver Moss pour l’organisation de ces matchs de la rentrée littéraire !
318 p
Hélène Frappat, Lady Hunt, 2013
Commentaires
Écrit par : MyaRosa | 23/11/2013
mais tu donnes vraiment envie de le lire…juste lire un livre quoi….;)
Écrit par : rachel | 23/11/2013
Écrit par : Sandrine | 23/11/2013
@ Rachel : je suis ravie de te tenter… c’est sûr qu’on a souvent une réaction positive ou négative par rapport à ce qu’on a pu lire. A l’inverse de ce cas parfois on lit des choses très positives, on s’attend à une pépite et c’est juste un livre sympa qui se lit très bien, mais du coup on en finit par le trouver moyen parce qu’on en attendait beaucoup plus.
@ Sandrine : je pense que justement l’erreur vient de l’éditeur. Pour moi ce n’est pas un roman gothique au sens strict du terme et à trop surpromettre Actes Sud a dérouté des lecteurs qui y cherchaient quelque chose de complètement différent. En lisant la 4e de couverture je pensais à Emily Brontë, Le Fanu, ou même au roman plus « fantastique » contemporain anglais, et ce n’est pas du tout ça qui nous attend. Je comprends que tu aies pu rester en dehors de ce roman, comme dans beaucoup de romans français contemporains les personnages manquent d’empathie. Certains sont carrément inintéressants (les amants de Laura notamment) et il est même difficile voire impossible de s’attacher aux soeurs Kern. Là encore c’est pour moi une différence entre le roman anglo-saxon centré autour de personnages dont on développe la psychologie et le roman français qui prend ses distances avec les protagonistes. C’est d’ailleurs en partie pour cela que ma préférence va aux romans anglo-saxons :o)
Écrit par : Lou | 23/11/2013
Écrit par : sylire | 23/11/2013
Écrit par : George | 23/11/2013
Écrit par : LAURALINE | 23/11/2013
@ George : ah oui c’est sûr que nos PAL nous donnent du fil à retordre ;o)
@ Lauraline : la mienne se compte en étagères, c’est catastrophique !
Écrit par : Lou | 23/11/2013
Écrit par : So | 23/11/2013
Écrit par : Titine | 23/11/2013
@ Titine : j’espère que du coup tu l’apprécieras aussi. Malgré les défauts que je lui trouve, si on ne s’attend pas à ce qu’il n’est pas c’est un beau voyage littéraire je trouve.
Écrit par : Lou | 23/11/2013
Écrit par : maggie | 23/11/2013
Écrit par : Tiphanie | 23/11/2013
@ Tiphanie : je me permets juste de te remettre encore en garde sur l’aspect « roman gothique » qui a déçu beaucoup de lecteurs adeptes du genre, car on est assez loin de ses conventions… j’espère que tu l’apprécieras :o)
Écrit par : Lou | 23/11/2013
Écrit par : rachel | 24/11/2013
Écrit par : claudialucia ma librairie | 24/11/2013
@ Claudialucia : moi aussi certains avis m’ont fait un peu peur mais ils ont eu le mérite de me faire attendre autre chose que ce que je pensais trouver en lisant la 4e de couverture, et heureusement… j’espère que tu passeras un excellent moment !
Écrit par : Lou | 24/11/2013
Je pense quand même que ce livre a été très mal présenté, et qu’il crée un malentendu vraiment dommage.
Écrit par : sous les galets | 24/11/2013
Pour la fin je ne sais pas ce que j’en attendais mais certains éléments restaient sans réponse (pourquoi pas ceci dit ?) sans que le projet de partir au Canada n’apporte grand-chose, et puis je trouve les amants de l’héroïne totalement inintéressants alors je me fichais pas mal de la place accordée au 2e amant dans la fin…
J’aime bien ta vision des choses, lorsque tu dis que la réconciliation des pierres et des hommes te suffisait.
Écrit par : Lou | 24/11/2013
Écrit par : Lilly | 24/11/2013
Écrit par : Lou | 24/11/2013
maggie n’était pas enthousiasmée, toi tu l’es ! mais que la vie est donc compliquée LOL
Écrit par : niki | 25/11/2013
Écrit par : Livy | 25/11/2013
Je crois que tu es la première que je rencontre qui en a un comme ça.
Contente de voir que ça t’as plu, moi je suis super déçue de ne pas avoir été transportée, mais bien contente de l’avoir eu grâce à ce match car j’étais partie pour l’acheter et ça m’aurait bien un peu fait ch*** au final. ^^
Bonne continuation et bonnes lectures.
Écrit par : Florel | 26/11/2013
@ Livy : et merci à toi pour tes commentaires qui me font toujours plaisir et nous permettent d’échanger sur nos goûts communs :o) J’espère encore partager avec toi beaucoup de belles lectures sur nos deux blogs !
@ Florel : oui si tu n’as pas aimé c’est clair que ça fait un peu mal de dépenser une jolie somme pour une grosse déception ! Il y a pas mal d’avis positifs aussi sur ce roman, je l’ai trouvé vraiment intéressant sur le plan littéraire mais je pense qu’il a été très mal vendu et qu’à attendre des influences gothiques on avait de bonnes chances d’être vraiment déçus malheureusement. Bonnes lectures à toi aussi !
Écrit par : Lou | 27/11/2013
ce que je n’aime pas des resumes: ils t’en disent trop ou sont trop dithyrambiques, ils finissent par gacher le plaisir….l’effet non escompte….
Écrit par : rachel | 27/11/2013
Écrit par : Lou | 27/11/2013
Écrit par : Céline | 27/11/2013
Écrit par : rachel | 27/11/2013
@ Rachel : ah oui quand même :o) Normalement je ne m’arrête pas une fois un livre commencé, par contre il m’arrive de m’en lasser, de le mettre de côté pour le reprendre et de me rendre compte deux ans plus tard que je ne l’ai jamais terminé et que je ne me souviens plus du début.
Écrit par : Lou | 28/11/2013
Écrit par : rachel | 28/11/2013
Écrit par : Lou | 28/11/2013
quand j’abandonne vraiment ce que j’ai deteste le livre….vraiment….car comme toi, je me dis qu’a un moment cela va partir….et comme toi, c des livres qui durent durent….;)
Écrit par : rachel | 28/11/2013
Écrit par : Lou | 28/11/2013
Écrit par : zarline | 28/11/2013
Pour moi c’était l’inverse, je ne lisais que des avis négatifs et c’est après avoir fait mon billet que j’ai cherché plus d’avis et ai commencé à trouver d’autres lecteurs qui avaient aimé :o)
Écrit par : Lou | 29/11/2013
mais j’ai vraiment les memes sentiments devant un livre…;)
Écrit par : rachel | 29/11/2013
Écrit par : Lili | 01/12/2013
Écrit par : sandy | 04/12/2013
Écrit par : Edelwe | 09/04/2014
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