Ouf ! J’ai cru ne jamais sortir saine et sauve de mon dernier plongeon dans Londres à l’époque victorienne, mais enfin j’ai tourné ce matin la dernière page de ce roman qui me laisse dubitative. J’imagine que The Pleasures of Men de Kate Williams sortira prochainement en France, après un succès certain au Royaume-Uni.
The Pleasures of Men fait partie de ces thrillers victoriens prometteurs qui ne manquent pas de me tenter lorsqu’ils me narguent depuis les présentoirs des librairies, avec leurs couvertures soignées, les innombrables louanges imprimées sur la quatrième de couverture et surtout, la promesse d’heures de détente savoureuses en cette saison où il est difficile de résister à la perspective d’une fin d’après-midi au chaud, entourée d’une bonne tasse de thé « and a decent book ».
Alors lorsque j’ai commencé à lire : « Spitalfields, 1840. Catherine is an orphan, living in her uncle’s rambling house in London’s East End. Put on the streets, a murder dubbed the Man of Crows is killing young women. As the city panics, Catherine grows more obsessed by the dead girls… », j’ai de suite eu envie de tenter ma chance. Dois-je souligner les mots qui m’ont attirée ? Spitalfields, 1840 ? Orphan ? Rambling house ? Vous me direz que tous les traits classiques du roman néo-victorien sautaient peut-être un peu trop aux yeux mais j’ai mis ça sur le compte des habitudes des éditeurs anglo-saxons qui ont toujours tendance à en faire des tonnes pour attirer l’innocent lecteur (jusqu’à voir du Jane Austen dans la moindre bluette sans intérêt mais passons). En réalité, vous n’avez pas tort. En lisant ce roman je pensais souvent : « That » is really too much ! Oui, pour moi, l’auteur en fait trop, ce roman étant au final l’assemblage curieux de bonnes idées, de scènes réussies (Catherine le soir dans la rue, l’intru dans la maison…) et d’un incroyable bric-à-brac qui alourdit terriblement le récit.
Catherine est la principale narratrice du récit. Elle vit dans une maison de Princes Street, dans l’Est londonien. Le quartier a perdu depuis longtemps son caractère bourgeois et il ne fait pas bon s’y promener. Catherine est censée être riche et n’aurait donc rien à faire là mais l’oncle qui l’accueille dit s’intéresser à la maison pour son passé. Féru d’histoire, il collectionne de nombreux objets anciens, remplit sa maison de masques africains et se sent à son aise dans ce lieu si chargé de l’histoire de ses précédents occupants. A l’inverse, les Misses Belle-Smyths qui font partie de leur cercle restreint vivent dans une maison récente, entourées de nouveautés, bien que les temps soient difficiles et que même dans leur belle maison, la peinture commence à légèrement s’effriter. Les premières pages insistent sur la noirceur l’héroïne et l’atmosphère oppressante de l’époque. Catherine était dans une institution (un asile ?) avant d’être recueillie par son oncle, car elle serait mauvaise, dangereuse, et aurait quelque chose à voir dans la disparition de son jeune frère Louis. Catherine se décrit elle-même comme telle : une jeune femme quelconque mais cruelle, incapable de mettre un terme à ses pensées destructrices et obsédée par la disparition de sa femme de chambre, avec qui elle entretenait une liaison. Quant à Londres en 1840, c’est une ville marquée par une chaleur étouffante, où tout est sale, misérable, morose, où même les riches demeures n’ont plus le lustre d’avant.
C’est dans ce cadre qu’un meurtrier s’attaque à de jeunes femmes et défraie la chronique. Persuadée d’être protégée par sa propre cruauté, Catherine décide de partir la nuit sur les traces des victimes, pour comprendre ce qui pousse le meurtrier à agir et deviner ce qui s’est passé et qu’elle va consigner ensuite dans un journal. Et il semble que l’homme aux corbeaux la suive. Elle entend un soir son pas et se met à paniquer. Un autre soir, elle le laisse s’approcher d’elle jusqu’à voir trois doigts gantés apparaître contre le mur, à l’angle de la ruelle où elle se trouve.
C’est un roman très varié, dont il y aurait beaucoup à dire (citons tout de même au passage les couleurs qui jouent ici un rôle important, les pensées devenant rouge écarlate, la rue devenant bleue sous l’effet de la pluie…), mais c’est à la fois un atout et une faiblesse. Difficile de définir le genre de ce roman : thriller au début et à la fin, il fait l’objet de nombreuses digressions à moment donné, Catherine regardant son nombril et s’interdisant de penser encore au passé dans le cadre de scènes qui m’ont parfois paru fort monotones (et expliquent le temps qu’il m’a fallu pour terminer ce roman, dont j’ai pourtant lu les cent dernières pages rapidement).
J’ai aussi trouvé ce texte trop sombre. Outre le cadre sinistre, j’ai été frappée par le fait que presque tous les personnages sont foncièrement mauvais, se manipulent les uns les autres (ce qui explique aussi les nombreux et inextricables liens qui les unissent… et nous perdent un peu par la même occasion !). In fine, The Pleasures of Men constitue une lecture divertissante mais inégale selon moi, en raison sans doute de la profusion d’idées, de détails, de manipulations, de bassesses, d’interruptions… un roman comparé à La Rose Pourpre et le Lys de Michel Faber (en raison du contexte seulement ? J’avoue ne l’avoir dans ma PAL que depuis cet été et ne pas l’avoir encore ouvert) et à Sarah Waters (que je préfère), et que je verrais bien adapté sur grand écran.
Pour les curieux : si l’élément romanesque l’emporte sur l’exactitude historique, Kate Williams explique s’être inspirée du peintre Richard Dadd, revenu fou d’un voyage en Egypte, persuadé d’être sous l’emprise d’Osiris (à gauche Fairy Feller’s de Richard Dadd).
Les avis mitigés (en anglais) de Madame Guillotine et de Savidge reads, et l’avis positif de Lizzi (qui détaille l’histoire dans son billet).
Troisième lecture dans le cadre du challenge British Mysteries, organisé avec Hilde et ici-même (je suis donc sur le point de devenir résidente de Baker Street après avoir été medium victorienne), mais aussi un billet pour le challenge I Love London de mes chères Titine et Maggie et du challenge victorien d’Arieste. C’est aussi une 2e lecture pour le mois de mars avec les Victorian Frogs ans Ladies.
404 p
Kate Williams, The Pleasures of Men, 2012
Commentaires
Écrit par : rachel | 10/02/2013
Écrit par : Syl. | 10/02/2013
Écrit par : George | 10/02/2013
Écrit par : Perséphone | 10/02/2013
@ Syl : le mieux est de te faire ta propre opinion !
@ George : oui il y a beaucoup de choses tentantes dans ce roman, mais j’ai été un peu déçue. Encore une fois mieux vaut se faire sa propre idée…
@ Perséphone : quels romans ? peut-être que je les connais pas tous et je serais très curieuse de découvrir des nouveautés en la matière :o)
Écrit par : Lou | 10/02/2013
Écrit par : Emjy | 10/02/2013
Écrit par : rachel | 10/02/2013
Écrit par : Titine | 12/02/2013
@ Rachel : tu veux dire une fille qui a envie de tuer sa famille?:-)
@ Titine: oui je suis d’accord. Il m’a bien donné envie en librairie chez Smith mais ce n’est pas une grande réussite même si j’ai passé un bon moment dans l’ensemble.
Écrit par : Lou | 12/02/2013
Écrit par : rachel | 13/02/2013
Écrit par : Lou | 13/02/2013
Écrit par : rachel | 14/02/2013
Écrit par : maggie | 16/02/2013
@ Maggie : ça ne m’étonnerait pas ;o)
Écrit par : Lou | 17/02/2013
Écrit par : rachel | 17/02/2013
Écrit par : Lou | 19/02/2013
Écrit par : rachel | 20/02/2013
Écrit par : Lou | 23/02/2013
Écrit par : rachel | 23/02/2013
Écrit par : Lou | 02/03/2013
Écrit par : rachel | 02/03/2013
Écrit par : Lou | 10/03/2013
Écrit par : rachel | 10/03/2013
Écrit par : Lou | 10/03/2013
Écrit par : rachel | 11/03/2013
Les commentaires sont fermés.