Aujourd’hui notre ami Wilkie fête ses 188 ans… c’était donc l’occasion de lui consacrer un nouveau billet. J’hésitais à sortir de ma PAL ses romans les plus longs mais j’ai réalisé que je n’avais jamais parlé de L’Hôtel hanté, lu et adoré il y a environ deux ans. J’étais incapable de m’en souvenir avec précision, je l’ai donc relu car Wilkie au mois de janvier, vodka rhum toute l’année (oui ça n’a aucun sens, mais Wilkie était assez festif donc je me suis dit que ça lui irait bien).
De quoi s’agit-il ? D’une comtesse étrange, aux cheveux sombres, au visage pâle et fascinant, mélange de beauté et de laideur. De son frère, le baron, qui l’accompagne à travers toute l’Europe, semant sur leur passage le scandale et la disgrâce. De Lord Montbarry, ramolli du bulbe qui abandonne Agnès, exemple même de l’Anglaise idéale, bonne, douce et patiente, même dans le scandale.
Fiancé à Agnès, Lord Montbarry s’éprend de la comtesse Narona et demande celle-ci en mariage. Alors que la famille du lord s’y oppose et que les cancans vont bon train, le couple marié à la sauvette se rend sur le continent et finit par s’installer dans un vieux palais délabré de Venise. Rejoint par le baron, frère de Lady Montbarry, le couple n’a pour entourage qu’une servante qui donne rapidement sa démission ainsi qu’un messager, Ferraris. La première partie se déroule cependant en Angleterre, essentiellement à travers les échanges entre Agnès, Henry – frère de Montbarry et amoureux de la jeune femme, ainsi que Mrs Ferraris. Celle-ci, ne recevant plus de nouvelles de son époux, s’inquiète de son sort, jusqu’au jour où elle reçoit 1000 livres et un billet bien court : “ pour vous consoler de la perte de votre mari”. Pour elle, les choses sont claires : son mari a été assassiné. Mais un autre événement survient : Lord Montbarry meurt des suites d’une bronchite, faisant bénéficier son épouse d’une assurance vie montant à 10 000 livres, contractée à la demande du baron. Le roman suivra les pas de Henry et d’Agnes qui, petit à petit, seront amenés à se rendre à Venise et à découvrir ce qui est réellement arrivé dans le palais désormais transformé en hôtel et visiblement hanté.
Comme lors de ma première lecture, je me suis régalée avec ce roman de Wilkie Collins qui est peut-être celui qui m’a procuré le plus de plaisir jusqu’ici. On sent que ce roman n’est pas le plus abouti au monde, avec un narrateur qui finit souvent ses chapitres en nous lançant “mais que va-t-il se passer ? Vous verrez que l’on découvre l’explication dans le chapitre suivant, qu’on en apprend un peu plus dans le chapitre suivant, qu’il se passe des choses au chapitre suivant”. Je ne sais pas si ce texte a été publié sous forme de feuilleton mais cela pourrait expliquer ces clins d’oeil répétés.
Les traits d’humour si chers à l’auteur ne manquent pas, de ses commentaires sur les Français délurés à quelques passages joyeusement ironiques, tels ceux-ci :
Sur un médecin que demande à voir une patiente à la fin de ses consultations : Un coup d’oeil à une montre lui rappela qu’il fallait bientôt commencer sa tournée chez ses malades. Il se décida donc à prendre le parti le plus sage : fuir (p10).
Il fut un temps où l’homme, à l’affût de toutes les médisances, recherchait la société des femmes. Maintenant, l’homme fait mieux : il va à son cercle et entre dans le fumoir (p27).
Finalement, les personnages féminins ne sont pas si stétéotypés que ce qu’on pourrait imaginer pour un roman victorien. Certes, les deux amours de Montbarry incarnent deux idées bien distinctes de la femme : d’un côté la blonde fraîche et aimante, de l’autre la brune fascinante et perfide. Malgré tout, la comtesse est assez complexe et, consultant un docteur avant son mariage pour connaître son avis sur sa santé mentale, elle peut en quelque sorte obtenir le bénéfice du doute : est-elle si mauvaise que cela ? Ne doit-on pas la plaindre ? Quant à la blonde abandonnée, elle est assez fine pour conseiller Mrs Ferraris, manifeste parfois sa mauvaise humeur et cherche à reconstruire sa vie en dépit des trente ans qui s’approchent à grands pas et sonneront le glas de sa jeunesse déclinante. Les rôles secondaires masculins et féminins sont répartis de manière équilibrée et, si les hommes prennent encore les décisions, les femmes usent de leur pouvoir d’influence avec efficacité et en toute connaissance de cause.
Et cerise sur le gâteau, il s’agit également d’une histoire de fantôme victorienne car au mystère de la disparition du messager et de la mort du Lord s’ajoutent les étranges manifestations dont sont victimes les membres de la famille à Venise.
Que demander de plus ? Un délicieux divertissement populaire à l’anglaise !
Cryssilda n’aime pas ce texte, mais je soupçonne quand même sa mauvaise édition d’y être pour quelque chose… et pour fêter l’anniversaire de notre ami commun, Titine a lu Mari et Femme.
Et de Wilkie Collins sur ce blog :
- Collins Wilkie, En quête du rien
- Collins Wilkie, La Dame en Blanc
- Collins Wilkie, Profondeurs glacées
- Collins Wilkie, Une Belle Canaille
- Dickens Charles & Collins Wilkie, Voie sans Issue
Lu dans le cadre du mois anglais organisé avec les délicieuses Cryssilda et Titine et ici sur ce blog. Lu également pour le challenge God Save the Livre !
284 p
Wilkie Collins, L’Hôtel hanté, 1878
20:54 Publié dans Littérature anglo-saxonne | Lien permanent | Commentaires (23) | Tags : wilkie collins, époque victorienne, xixe, xixe anglais, roman anglais, roman xixe, l’hôtel hanté, venise | Facebook | |
Commentaires
Écrit par : JainaXF | 08/01/2012
Écrit par : Manu | 08/01/2012
Écrit par : rachel | 09/01/2012
Écrit par : Titine | 09/01/2012
Écrit par : niki | 09/01/2012
Écrit par : melodie | 09/01/2012
@ Manu : ah tu dois avoir l’édition de Cryssilda… mon édition n’est pas mal du tout et le format est agréable. C’est fou le mal que cette mauvaise édition peut faire à ce livre, je l’adore moi ;o)
@ Rachel : j’espère te convaincre avec celui-ci, vraiment je recommanderais celui-ci pour commencer, par rapport à mon expérience de lecture.
@ Titine : mince j’espère que tu n’as pas l’édition de Cryssilda… vraiment je l’aime beaucoup ce titre, j’espère qu’il te plaira aussi.
@ Niki : oui on rit plus qu’on ne frémit avec cette terrible tête qui descend du plafond et se tourne (ça ferait un bon film)… je ne savais pas que c’était le tout dernier, ça reste assez maladroit parfois mais j’ai beaucoup aimé les personnages et la trame générale…
@ Melodie : oh mes amis finissent par avoir l’habitude :o)
Écrit par : Lou | 09/01/2012
Écrit par : sybille | 09/01/2012
Sinon, comme Mélodie, j’adore ta phrase « Wilkie au mois de janvier, vodka rhum toute l’année » ; et rien que pour rire, il faudrait le lancer, comme ça, sur un coup de tête, devant tout le monde !!!
Écrit par : Perrine | 10/01/2012
@ Perrine : ah oui Venise, mais Londres aussi, un soupçon d’Irlande et un passage éclair à Paris ! Je ne suis jamais allée à Venise, je découvre tout juste Rome (en 2011) et sinon je n’avais vu que Milan… et moi aussi j’ai plusieurs Wilkie en attente, « Basil », « Secret absolu », « Mari et femme », « Seule contre la loi »…
Et oui moi aussi je serais à même de lancer ma phrase en public ;o)
Écrit par : Lou | 10/01/2012
Écrit par : maggie | 11/01/2012
Écrit par : Lou | 11/01/2012
Écrit par : Joelle | 12/01/2012
Écrit par : soukee | 14/01/2012
@ Soukee : Je suis ravie de voir qu’il t’a plu aussi :o)
Écrit par : Lou | 15/01/2012
Écrit par : rachel | 17/01/2012
Écrit par : Edelwe | 24/01/2012
Écrit par : Lou | 26/01/2012
Écrit par : Lou | 26/01/2012
Bon, ben, Agnès a l’air trop sage !
Écrit par : Syl. | 20/01/2013
Écrit par : Lou | 20/01/2013
Écrit par : mesetageres | 14/10/2013
Écrit par : Lou | 14/10/2013
Les commentaires sont fermés.