Si Le Mystère d’Edwin Drood ne compte pas parmi les romans de Dickens qui me tentaient le plus, j’ai souvent hésité à le lire afin de pouvoir enfin profiter des “drooderies”, variations diverses et variées sur le thème d’Edwin Drood, à commencer par le premier roman de Jean-Pierre Ohl (dont j’ai savouré avec un bonheur immense Les Maîtres de Glenmarkie à sa sortie), mais aussi L’Affaire D, repéré il y a quelques années et, plus récemment, Drood de Dan Simmons. J’espérais lire une ou plusieurs de ces suites au roman inachevé de Dickens pendant le mois anglais mais j’ai sans doute péché par excès d’optimisme à ce sujet. En revanche, j’ai enfin lu le fameux Mystère d’Edwin Drood qui a tant fait couler d’encre !
L’histoire débute à Cloisterham, petite ville tranquille en Angleterre : Edwin Drood, neveu bien-aimé de Jasper, vient rendre visite à son oncle et à la jolie Rosa Budd, orpheline. Tous deux sont fiancés depuis la naissance en raison des liens d’amitié qui unissaient leurs parents ; leur mariage s’approche et les deux jeunes promis ne cessent de se chamailler… cette union qui leur a toujours été présentée comme une évidence laisse peu de place aux sentiments et c’est le coeur plein de doutes que Rosa et Edwin semblent se résigner. A la même époque, le chanoine Crisparkle accueille chez lui le jeune Neville Landless (dont la soeur deviendra l’amie intime de Rosa au pensionnat). Ce jeune homme venu d’Inde, cet orphelin au tempérament violent s’éprend de Rosa et conçoit immédiatement des sentiments peu charitables envers Edwin, indigne de Rosa selon lui. Et il faut bien avouer qu’Edwin n’est guère attachant. Ce jeune citadin sûr de lui est assez agaçant et c’est avec un certain soulagement que j’ai appris sa disparition. Dès lors, la question est posée : Edwin Drood s’est-il absenté sans prévenir quiconque ? A-t-il été tué ? Et si oui, doit-on accuser le jeune Neville, comme semble le penser Jasper, oncle effondré ? Ou faut-il écouter l’instinct de Rosa qui, la première, commence à soupçonner Jasper, qui est amoureux d’elle et lui a toujours inspiré du dégoût ?
Dickens étant décédé au milieu des livraisons prévues, nul ne saura jamais le fin mot de l’histoire ; pourtant les thèses ne manquent pas. Dans sa très intéressante biographie de Dickens, Jean-Pierre Ohl met notamment en avant une hypothèse intéressante : le coupable serait Jasper mais il serait atteint d’un dédoublement de la personnalité, d’où son comportement étrange, ses tirades inquiétantes et son addiction à l’opium. J’aime cette thèse faisant de Jasper un personnage plus inquiétant mais aussi plus humain, et ce plusieurs années avant la publication Dr Jekyll & Mr Hyde. Les arguments avancés par Ohl pour soutenir cette thèse me semblent intéressants ; il évoque notamment le fait que Dickens se soit vanté d’avoir trouvé une idée nouvelle (on écarterait alors par exemple le retour du héros, vivant finalement), son intérêt grandissant pour les personnages ambigus et doubles. J’ai repensé à divers passages qui m’avaient troublée à la lecture et avec cette thèse, les différents éléments du puzzle semblent se rassembler de manière plutôt satisfaisante. Ce serait en effet une issue originale, inédite à l’époque, alors que Dickens avait déjà largement usé des différents ressors du roman à sensation.
Je ne peux pas vraiment dire que cette lecture m’ait totalement enchantée en soi mais les questions qu’elle soulève et les pistes de lecture qu’elle m’apporte lui donnent un nouvel intérêt. Certains passages sont par ailleurs savoureux, de même que des personnages plus ou moins secondaires tels Durdles, tailleur de pierre qui passe des heures entières dans la crypte de la cathédrale, Mr Sapsea, imbécile se délectant de sa son génie ou encore Mr Grewgious, homme de loi au bon fond mais peu doué pour les relations humaines. On sent que Dickens s’est amusé à les créer et c’est pour le lecteur un vrai délice que de découvrir leurs petits travers décrits par la main du grand écrivain.
A propos de Drood : Le contrat, signé avec Chapman et Hall au cours de l’été, contient une clause particulière pour le cas où Drood resterait inachevé et limite la taille de l’oeuvre à douze livraisons mensuelles au lieu des vingt habituelles : c’est-à-dire si Dickens sent l’urgence de la situation… (p 260 – biographie de Charles Dickens par Jean-Pierre Ohl).
Lecture commune autour de Dickens, partagée avec : Cryssilda, Titine, Karine, Eliza, Perséphone.
Lu dans le cadre du mois anglais organisé ici sur ce blog et avec les très British Cryssilda et Titine (pour notre lecture commune autour d ). Lu également pour le challenge God Save the Livre !
Charles Dickens, Le Mystère d’Edwin Drood, 1870
Commentaires
Moi ce n’est pas tant l’intrigue que j’ai aimée (comme tu avais pu le comprendre en cours de lecture) mais les personnages et les dialogues complètement fous 🙂
Écrit par : Cryssilda | 02/01/2012
L’intrigue en tant que telle ne m’a pas enthousiasmée mais j’ai beaucoup aimé lire les hypothèses dans la biographie de Jean-Pierre Ohl, j’aime le fait de pouvoir imaginer ce qu’aurait voulu faire Dickens… mais sur le texte en lui-même, tout comme toi ce sont certains personnages (surtout ceux que je citais) et quelques scènes (par exemple les lancers de pierre) qui m’ont plu pour leur côté loufoque :o)
Écrit par : Lou | 02/01/2012
Écrit par : rachel | 02/01/2012
Écrit par : Mrs Figg | 03/01/2012
Écrit par : Titine | 03/01/2012
Écrit par : choupynette | 03/01/2012
Dickens, ce ne sera pas sans moi non plus ! Je suis actuellement plongée dans Bleak House, c’est un régal. J’avais déjà vu l’avis de Cryssilda pour le mystère d’ED, livre inachevé donc. Mais on dirait que tu as pris beaucoup de plaisir à faire la connaissance de personnages si bien campés !
Écrit par : Perrine | 04/01/2012
@ Mrs Figg : ouiiiiiiiii ! (et si tu ne l’as pas lu, « Les Maîtres de Glenmarkie » du même auteur, qu’est-ce que j’ai aimé ce livre, d’ailleurs ça me donne envie de le relire tout ça). Je vais bientôt faire un billet dessus, ça pourra peut-être t’aider à te décider !
@ Titine : je suis peut-être un peu plus frustrée que toi à la lecture de ce roman… je garde un souvenir vague mais éblouissant de « David Copperfield » et je n’ai pas tout aimé dans « Edwin Drood », même si j’ai apprécié beaucoup d’aspects. Le Noël que tu évoques est en effet très bien amené !
@ Choupynette : je ne sais pas quel(s) roman(s) je lirai cette année mais j’en ai plusieurs en attente qui me tentent tous ! Très bonne année à toi :o)
@ Perrine : bonne année à toi aussi :o) J’ai bien envie de lire « Bleak House », je crois que je verrai l’adaptation avant pour me motiver… J’ai pris beaucoup de plaisir à lire « Edwin Drood », malgré quelques bémols. En tout cas j’ai très envie de continuer à découvrir Dickens.
Écrit par : Lou | 05/01/2012
Écrit par : rachel | 06/01/2012
Écrit par : sybille | 07/01/2012
Écrit par : Catherine | 10/01/2012
@ Sybille : il est toujours agréable de découvrir l’existence d’un nouveau Dickens, qui signale de belles heures en perspective…
@ Catherine : je te souhaite également une très belle année 2012 🙂
Écrit par : Lou | 11/01/2012
Écrit par : Joelle | 12/01/2012
Écrit par : Joelle | 12/01/2012
Écrit par : Lou | 17/01/2012
Écrit par : Lilly | 05/02/2012
Écrit par : Lou | 05/02/2012
Écrit par : Lilly | 05/02/2012
Écrit par : Lou | 08/02/2012
Les commentaires sont fermés.