Bien avant de lancer le swap victorien, j’avais acheté la biographie de Victoria par Lytton Strachey. Ce texte passe pour une curiosité et, s’il n’a pas l’air franchement objectif, il a tout à fait sa place dans les monstrueuses PAL des petits fous que nous sommes !
Lytton Strachey a publié cette biographie en 1921 (il est aussi connu pour son livre Emminent Victorians publié en 1918). Ses biographies rappellent le ton moqueur et subjectif des journaux du XIXe et des premières décennies du XXe. L’analyse psychologique et les sentiments personnels de l’auteur envers la célébrité étudiée jouent un rôle essentiel. Sa mère aurait été suffragette et il aurait fait partie du Bloomsbury Group. Le portrait que vous voyez est d’ailleurs de Vanessa Bell.
Effectivement, cette biographie de Victoria est étonnante et son premier intérêt réside dans l’approche particulière de Lytton Strachey, qui en dit long sur l’auteur – que l’on a l’impression de connaître bien mieux que la reine après lecture, c’est dire ! Le ton est ironique, irrévérencieux la plupart du temps. C’est ce qui fait le charme de ce texte qui ne donne finalement qu’une vision très partielle de la souveraine.
Les questions politiques sont largement détaillées, peut-être au détriment de considérations plus personnelles. On sait finalement peu de l’intimité de la famille royale, des goûts de Victoria ou de la relation qu’elle entretenait avec ses enfants (oui je sais je suis très desperate housewife, j’adorerais savoir comment elle prenait son thé, ce qu’elle offrait à ses petits-enfants à Noël et si elle faisait du tricot ou du vélo !). Quant à son caractère, s’il est évoqué, c’est au moins autant à travers des références plus ou moins précises aux lettres qu’elle a pu écrire que grâce aux pensées que lui prête Strachey, qui a visiblement le don d’inventer et d’extrapoler.
Une fois la reine mariée, elle s’efface et laisse le devant de la scène au prince Albert, son époux. Puis, lorsque celui-ci décède, les hommes qui entourent Victoria ont tout autant d’importance, en particulier Disraeli. Les jeux d’équilibre entre les différents partis et leur rapport à la Couronne sont largement évoqués dans cette biographie, laissant la place à un nombre important de seconds rôles.
Autant vous le dire, cette biographie n’est pas flatteuse pour cette pauvre Victoria. On retrouve le conservatisme et la sévérité qui caractérisent son règne, ses rondeurs et son respect de l’étiquette. Pour le reste, la reine passe globalement pour une femme un peu limitée qui doit énormément au prince Albert, le véritable cerveau du couple royal, ainsi qu’à quelques hommes de confiance tels que Lord Melbourne ou Disraeli, ses premiers ministres favoris. La reine semble également assez facilement influençable et se repose systématiquement sur quelques hommes de la situation, au niveau politique mais aussi personnel, en liant par exemple une amitié étonnante avec John Brown, garde-chasse dans les Highlands. Ainsi, certaines paroles dégoulinantes de flatterie de Disraeli semblent avoir produit l’effet désiré sur la reine, appelée « la Fée » par cet homme qui n’avait visiblement pas peur des comparaisons fâcheuses.
Quelques bizarreries sont également évoquées, comme la collection de tout et n’importe quoi par la reine, chaque objet inutile étant étiqueté, photographié, catalogué et soigneusement rangé. Ou encore, de sérieuses tendances morbides comme le fait de placer à son chevet une photo d’Albert sur son lit de mort ou encore de conserver les appartements du Prince en l’état après son décès… au point de lui faire préparer une bassine d’eau tous les matins!
La partialité et le parti pris de ce livre en font peut-être tout l’intérêt. Quoi qu’il en soit, il est à compléter par une autre biographie pour ce qui est de la simple question historique !
Quelques exemples particulièrement cinglants de traits propres à Strachey :
Sur le Prince Albert : « (…) jusqu’à quel point le comprenait-elle ? Jusqu’à quel point le seau comprend-il le puits ? » (p127)
« On ne peut vraiment pas dire que ses facultés intellectuelles fussent de nature à saisir les principes complexes et délicats de la Constitution qui subit plusieurs transformations sous son règne, sans qu’elle y fût pour rien. » (p 282)
« Son style, si parfaitement illettré, a du moins le mérite de convenir exactement à ses pensées et à ses sentiments ; et la platitude même de sa phraséologie n’est pas dénuée d’une saveur curieusement personnelle. » (p286)
Enfin, Charlotte Brontë aurait écrit sur elle au début de son règne : « Une petite dame grasse et vive, très modestement habillée, sans beaucoup de dignité ni, d’ailleurs, de prétention. » (p 125)
297 p
Lytton Strachey, La reine Victoria, 1921
Commentaires
ralalalalala c’est pas n importe qu ‘elle bio de la reine victoria c’est LE Strachey!!!
decidement ce swap c’est que du bon!!! ;o)
Écrit par : lamousmé | 24/11/2008
Je le veux !! 😀
Écrit par : Emjy | 24/11/2008
incroyable ce que cette pauvre femme finalement a laissé derrière elle malgré ses limites…
au point d’avoir un swap victorien en décembre 2008 !!!
rires
Écrit par : wictoria | 25/11/2008
voilà que jene sais même plus écrire en français, mes bouts de phrase en sont tout bouleversé : c’est un coup de Trafalgar de la part de la traversée (virtuelle) du Channel 🙂
Écrit par : wictoria | 25/11/2008
J’ai entendu parler de cette biographie très récemment, et je crois en effet que l’auteur vaut le détour. Peut-être un jour !
Écrit par : Lilly | 25/11/2008
Ah! Je retire ce que j’ai dit en d’autres lieux. Tu as eu raison et même je vais ajouter ce livre à ma liste à lire. Si c’est complètement malhonnête, ça va me plaire énormément. Surtout si j’ai la bénédiction de Lamousmé. Wictoria a raison: finalement elle est formidable!
Écrit par : Isil | 25/11/2008
@ Lamousmé : bah oui, tant qu’à faire… 🙂
@ Emjy : damn it !
@ Wictoria : cela dit, avant de me décider quant aux (in)capacités intellectuelles de Victoria j’aimerais bien lire d’autres avis à son sujet, ainsi que ses écrits.
@ Lilly : un classique britannique !
@ Isil : je n’ai toujours pas compris d’où venait le souci avec la biographie :o) Tu veux que je te le prête vendredi ?
Écrit par : Lou | 25/11/2008
🙂
Écrit par : Isil | 25/11/2008
La seule chose que je sais de Victoria, c’est ce que j’ai vu dans le film avec Romy Schneider, Les jeunes années d’une reine.. autant dire que si elle est belle et lui aussi, la véracité historique n’est peut-être pas au rendez-vous…
Écrit par : Pimpi | 25/11/2008
oh oui, il était beau ce film avec Romy (comme tous ses films d’ailleurs…)
Écrit par : wictoria | 25/11/2008
Lou, je viens de lire ton post it : le Fanu, oh oui bien, et même, c’est formidable !!!
Écrit par : wictoria | 25/11/2008
@ Isil : commande notée, pareil avec le livre de Mary Dollinger !
@ Pimpi : tst tst tst, qu’insinues-tu donc au sujet de Victoria ? :o) Je ne connaissais pas ce film, il faudra que je le voie ! En fait je ne crois pas avoir vu de films avec la reine, à part « From Hell » sur Jack l’Eventreur.
@ Wictoria : j’en suis restée à Sisi vu en primaire ou maternelle avec ma mère, qui adorait !
Et pour Le Fanu tu es déjà plus inspirée que moi :o)
Écrit par : Lou | 26/11/2008
Si tu veux voir la reine Victoria, je te recommande la série Doctor Who (sur France 4 en ce moment). L’épisode 2 de la saison 2 explique (à sa façon) l’hémophilie dans la famille royale et la raison pour laquelle le Ko i noor a été taillé. Pas très historique mais très amusant.
Écrit par : Isil | 26/11/2008
@ Isil : je connaissais la série de nom mais ne savais pas du tout qu’il s’agissait d’époque victorienne !! Thanks so much for letting me know !!
Écrit par : Lou | 28/11/2008
Bon… j’avoue que je me demandais pourquoi tu lisais une bio de la reine Victoria mais après ton billet, je comprends plus. Même que j’ai le goût de la lire, plus pour le ton irrévérencieux qu’autre chose!!
Écrit par : Karine 🙂 | 29/11/2008
Moi aussi j’ai envie de la lire, cette biographie! Même si, comme toi, je risque d’être déçue qu’il n’y ait pas plus de détails sur l’intimité de la famille royale.
Écrit par : Keltia | 02/12/2008
@ Karine 🙂 : mais qu’est-ce que vous avez toutes contre cette pauvre Victoria ? ^^
@ Keltia : si j’en découvre une façon « Desperate Housewives » (bon pas tout à fait peut-être) je me lancerai, c’est sûr !
Écrit par : Lou | 04/12/2008
C’est une bio que je lirai bien sur la fameuse reine Victoria, tant appréciée de ses sujets, Lou. Peut-être pas très objective (mais les biographies le sont-elles réellement ??), mais intéressante. C’est un peu dommage que Lytton Stracher n’appuie que sur les défauts de Victoria. Elle s’est bonnifiée avec le temps …
Écrit par : Nanne | 05/12/2008
@ Nanne : personnellement, je la trouve plutôt sympathique lorsqu’il décrit sa jeunesse. Puis arrive son Prince, qui, en bon stéréotype allemand (eh oui Mr Lou), amène la rigueur à Windsor. Victoria comprend dès lors qu’elle ne peut plus organiser sans cesse des réjouissances, elle ne rit plus à longueur de journée dans les couloirs, c’est le début de l’austérité… :o) J’ai tout de même très envie de lire une biographie moins psychologique et fondée sur plus de témoignages pour compléter cette vision très partielle… bien qu’intéressante.
Écrit par : Lou | 05/12/2008
La réponse à ta question est sur mon blog aujourd’hui !
Écrit par : Alice | 10/12/2008
pour compléter ta lecture je te conseille une visite à l’expo Victoria et Napoléon III au chateau de Compiègne (billet de train à 10 euros depuis Paris) ou une heure de voiture.
Écrit par : Cécile de Quoide9 | 10/12/2008
@ Alice : je suis très en retard mais je vais voir ça :o)
@ Cécile : oui, une visite est prévue avec quelques blogueurs début janvier ! Si ça te tente n’hésite pas à te joindre à nous !
Écrit par : Lou | 17/12/2008
j’aime beaucoup la personnalité de Lytton Stratchey; je n’ai pas lu cette bio de la reine Victoria, mais par contre j’ai lu la biographie que Michael Holroyd lui a consacré, dans laquelle il est notamment question de Dora Carrington. C’est d’ailleurs ce passage du live d’Holroyd qui a inspiré le film « carrington » avec Emma Thompson.
Écrit par : sheherazade | 16/04/2009
@ Sheherazade : qu’ouïs-je ? qu’entends-je ? Je ne suis même pas certaine de connaître ce film de titre mais entre Emma Thomson et Stratchey je dois absolument le voir ! Je pensais lire un jour « Eminent Victorians » et je retiens la biographie. J’aimerais aussi lire les livres que j’ai sur la période, à savoir un livre assez court sur l’histoire du XIXe en Angleterre ainsi que le dictionnaire de Londres de Dickens et un livre sur l’époque victorienne et sa société (avec des thèmes comme la nourriture, la maladie, etc). Merci mille fois pour tes conseils !
Écrit par : Lou | 16/04/2009
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