Cent ans de sommeil profond

rheims_chemin_sortileges.jpgCes derniers jours j’ai mené une expérience scientifique de la plus haute importance, absolument cruciale pour les livrovores que nous sommes : est-il possible de mourir littéralement d’ennui en lisant ? Voilà qui peut prêter à sourire mais qui devient beaucoup plus inquiétant lorsque l’on songe aux nombreux livres que nous dévorons chaque année et qui pourraient, si mon hypothèse se confirme, entraîner un taux de mort subite plus élevé sur cette partie de la population.

Prête à relever tous les défis, j’ai jugé bon de soumettre ma théorie à l’épreuve avec Le Chemin des Sortilèges de Nathalie Rheims, dont les premiers chapitres avaient déjà des effets dévastateurs sur moi (mélancolie profonde, soupirs torturés, œil tressautant pour ne pas avoir à se fixer sur la page devant lui, œillades assassines en direction d’une plaque de chocolat, impossibilité de se lever pour changer enfin le CD lancé en boucle, etc).

Pourtant, tout avait bien commencé. Malgré la lecture d’un billet de Malice (très déçue) puis de la critique dévastatrice de Fashion, je restais incroyablement tentée par le projet aventureux et follement trépidant de Nathalie Rheims : s’inspirer des contes classiques pour écrire une histoire contemporaine mêlant le fantastique à la réalité, jouant avec les personnages qui ont un jour ou l’autre marqué les lecteurs que nous sommes (la petite Sirène, le petit Chaperon rouge, la petite marchande d’allumettes – au passage, je remarque à l’instant l’utilisation récurrente de l’adjectif « petit » dans ces titres, Cendrillon, etc).

Au final, pas grand-chose à dire sur cette lecture. Au lieu de relever un récit que j’ai trouvé très ennuyeux, l’intertextualité n’apporte rien si ce n’est le souvenir de contes agréables et une fâcheuse tendance à la paraphrase soulignée à juste titre par Fashion. La narratrice, après avoir lu un extrait de conte, reprend les personnages ou les situations évoqués afin de dire « ah oui, les méchantes sœurs de Cendrillon c’était ceci dans ma vie ». Ou « ce qu’avait fait Trucmuche dans le conte symbolisait ce qui me restait à accomplir ». Se livrant à une séance d’auto-psychanalyse, l’héroïne ne dégage aucune personnalité et se fond dans le décor dans un texte à mon avis froid, plat, sans aucune émotion malgré une histoire et un projet au départ intéressants. Si j’ai aimé retrouver les contes de mon enfance, j’ai trouvé la frontière entre fantasmes et réalité totalement décousue. Un soupçon de gothique, mais pas suffisamment pour éveiller ma curiosité. Un brin de magie, annoncée avec tant de maladresse que mon agacement n’a fait que croître. Une fin sans surprise, à laquelle je m’attendais bien avant les dernières pages (petits bâillements étouffés). Rien à dire sur l’écriture, fluide et tout à fait correcte, bien que la forme ne compense pas ici le fond, vide abyssal ou puit sans fond, comme vous voudrez. Peut-être que je ne suis pas sensible à ce type de texte ou à cette écriture mais, en ce qui me concerne, cette lecture très certainement vite oubliée s’est faite sans heurt, certes, mais surtout sans éprouver le moindre plaisir. Une vraie déception pour moi qui attendais beaucoup de ce roman.

Alors que faire pour ne pas connaître la fin tragique du lecteur mort d’ennui ? (vos suggestions ?)

Il y a bien sûr la méthode intraitable des 10% de Fashion, qui permet de stopper l’hémorragie à temps en fermant le livre assassin au bout de 10% du nombre total de pages.

Il y a la méthode incertaine du coaching musical : un CD plein de peps pour vous aider à surmonter votre ennui. Ceci ne s’applique que dans certains cas (textes courts ou moyennement ennuyeux).

Pour les textes mortellement soporifiques, malheureusement, difficile de lutter. Je testerai bientôt les effets bénéfiques de la pratique quotidienne du yoga ou de la rock’n’roll attitude sur ces éléments outrageusement nuisibles et pernicieux.

 

D’autres avis (n’hésitez pas à rajouter vos liens car j’ai sûrement oublié quelques billets) :

Les pour : Karine , Sylire , Clarabel , Lael et Julien .

Les contre : Fashion, dont je partage entièrement le point de vue ; Calepin ; Liliba ; Madame Charlotte ; Devore-livres ; Malice ; Brize.

In-between : Lili Galipette , mitigée.

180 p

Nathalie Rheims, Le Chemin des Sortilèges, 2008

 

Malgré mon billet peu enthousiaste, merci beaucoup à Suzanne de

chez les filles.jpg

et aux éditions Léo Scheer qui m’ont permis de découvrir ce roman.

 

Commentaires

Contente que tu aies survécu à l’expérience !!!! Ce que tu dis de ce bouquin confirme ce que je sentais au vu d’autres critiques : il n’est pas pour moi !!

Écrit par : Papillon | 16/11/2008

Il y a aussi la méthode des 50 pages : si on n’est pas conquis au bout de 50 pages, stop !
Bon, j’avoue que je vais parfois plus loin, soit par curiosité, soit par entêtement…

Écrit par : kathel | 16/11/2008

Décidément, je ne vais pas le lire, ce livre, ça, c’est sûr ! malgré mon amour inconditionnel des contes et l’attrait qu’exercent sur moi les analyses psychanalytiques, je passe mon tour !!

Écrit par : Pimpi | 16/11/2008

Il y avait un autre volet à ton expérience scientifique: peut-on ne pas faire mourir d’ennui les lecteurs du blog en chroniquant un bouquin à mourir d’ennui? Eh bien oui, c’est possible… Même si évidemment, lesdits lecteurs ne sont toujours pas tentés!!!!

Écrit par : Mo | 16/11/2008

j’ai lu ce livre en un jour, ou plutôt en un « tour de train » aller et retour. C’est qu’il est très court et, en plus, comme tu le dis, c’est légèrement agaçant, un style en dessous de ce que j’imaginais pour quelqu’un qui a une telle influence

Écrit par : wictoria | 16/11/2008

Fashion, Malice et toi n’avez pas du tout aimé ? Je passe sans regret !
Moi aussi ce livre m’attirait, j’ai failli craquer plusieurs fois d’ailleurs.

Écrit par : Lilly | 16/11/2008

Ma méthode des 10% n’est pas si intraitable que ça : depuis 3 mois que je l’applique, seuls 4 romans n’ont pas survécu. C’est peu pour ma PAL mais un soulagement immense pour moi, qui n’ai pas eu à me faire violence pour aller au bout d’histoire mal écrites (car finalement je me rends compte que c’est surtout ça qui me fait bâiller d’ennui).
Sinon, ta critique ne m’étonne pas, strange isn’t it ? :))))

Écrit par : fashion | 16/11/2008

je me marre :)) Pas lu le roman, pas voulu, et sans regrets, donc :))

Écrit par : amanda | 16/11/2008

En fait il n’est pas si mal ce bouquin, car il a donné lieu à quelques billets bien acides (et très marrants), tels que celui-ci !

Écrit par : calepin | 16/11/2008

Outch’ !

Même si les contes ne sont pas super bien exploités (p’tre un prétexte facile …), j’ai bien aimé l’ambiance que ce roman réussit à créer. (Si, si)
😉

J’ai bien ri lors de la lecture de ce billet. :))

Écrit par : Leiloona | 16/11/2008

J’ai un peu eu la même expérience avec « la promesse des loups » sauf que je suis arrivée au bout en m’apercevant que la fin était beaucoup plus intéressante. Pour en arriver là, j’ai dû sauter pas mal de passages et même de pages. ça m’a du coup, réduit le temps de lecture.

Écrit par : Laetitia la liseuse | 16/11/2008

Et bien ! Je l’avais noté après la critique de Sylire, mais là !!! (moi je suis pour arrêter avant de mourir !)

Écrit par : Gambadou | 16/11/2008

Sans que ce soit un coup de coeur , j’ai apprécié cette lecture. Je ne m’y suis absoluement pas ennuyée et ce d’autant plus qu’il se lit très vite.

Écrit par : sylire | 16/11/2008

J’ai dû m’arracher pour arriver jusqu’au final qui récompense tout de même le lecteur qui fait preuve de perséverance :o)

Écrit par : Gangoueus | 16/11/2008

Ton billet est loin d’être ennuyant, en tout cas!!! J’ai quant à moi apprécié l’atmosphère mais pas du tout l’utilisation des contes de fées, que j’ai trouvée simpliste. Et bizarrement, moi qui devine toujours tout, je n’avais rien vu venir… weeeird!!! Ceci dit, je me considère plutôt mitigée… probablement que mon billet ne reflète pas ma pensée! :))

Écrit par : Karine 🙂 | 17/11/2008

Ton billet m’a bien fait rire, mais n’a pas entamé ma résolution de découvrir ce livre quand même ..

Écrit par : Aifelle | 17/11/2008

Tu prêches une convaincue, mais la convaincue a rigolé dans son café ce matin et elle te remercie pour ce compte-rendu d’expérience scientifique hautement intéressant! ;-))

Écrit par : chiffonnette | 17/11/2008

Quel courage! 100 ans de sommeil profond, ça commence à être long! 😉

Écrit par : Hilde | 17/11/2008

Bivouac littéraire sur http://poetaille.over-blog.fr

Venez comme vous êtes !

Écrit par : Gérard | 17/11/2008

Au moins tu m’as fait rire !

Écrit par : Thaïs | 17/11/2008

Tu peux me rajouter dans les contre. Je n’ai pas non plus aimé à peu près pour les mêmes raisons que toi : récit ennuyeux, narratrice fadasse…

Écrit par : Cécile | 17/11/2008

Tu peux me rajouter dans les contres aussi. J’ai subi à peu près la même torture que toi lors de cette lecture : baillements, ennuis, coups d’oeil désespérés vers d’autres livres … comme quoi, un petit livre peut sembler bien plus long qu’il l’est en réalité ! mdr !

Écrit par : Joelle | 18/11/2008

@ tous/toutes : ouh là je suis en retard avec les commentaires, vraiment désolée ! Merci à tous d’être passés par là malgré ma lenteur :o)

@ Papillon : je suis quand même passée par une phase de réanimation !

@ Mo : ouf, je ne vous ai pas tous tués indirectement, je n’aurai donc pas la police et le KGB à mes trousses ! :p

@ Fashion : moi aussi, si le contenu est important, c’est la forme qui me fait le plus facilement décrocher et me donne l’impression de perdre mon temps quand je n’y suis pas sensible.

@ Calepin : ce qui pourrait conduire à une deuxième expérience :  » comment se relever d’une lecture effrayante ? » :o)

@ Laetitia : « La promesse des loups ? » ça me fait penser « au pacte des loups », il faudra que je regarde ce que c’est !

@ Gangoueus : j’avais lu un autre billet qui parlait de la fin en bien (après une lecture poussive) et j’avoue que je ne vois pas trop pourquoi comme ça n’a pas du tout fonctionné pour moi. J’aimerais vraiment avoir un retour là-dessus si tu repasses sur cette note. Merci :o)

@ Aifelle : c’est bien, il faut suivre ses envies ! Tu veux que je te le prête ?

Écrit par : Lou | 18/11/2008

Merci pour ce billet qui me permet de gagner du temps et de l’argent à consacrer à une lecture plus prometteuse! Après avoir lu l’avis de Fashion et le tien, je crois que je ne me risquerai pas à cette lecture!

Écrit par : Keltia | 18/11/2008

Je ne prendrai pas non plus le risque, je sors déjà d’une lecture peu captivante et je n’ai pas du tout envie de recommencer !!

Écrit par : Florinette | 18/11/2008

lecture à 50%
ennui déjà à 100%

Écrit par : Cécile de Quoide9 | 18/11/2008

Contre aussi. Mais je suis parfois prête à mourir d’ennui, histoire de vérifier si rien ne peut vraiment sauver un livre. Méthode inefficace, à ne pas suivre.

Écrit par : praline | 18/11/2008

Moi aussi j’ai lu ce livre grâce au site de Suzanne, et je n’ai commenté sur mon blog. J’avoue avoir eu du temps à le terminer. Celui-ci je l’ai vraiment lu pour alimenter mon blog… et pour faire honneur à l’envoi qu’on venait de me faire. On s’embarrasse comme ça parfois…

Écrit par : Léthée | 19/11/2008

Pas aimé non plus ! Et je me retrouve totalement dans ce que tu écris. Ce livre m’a laissée complètement indifférente…

Écrit par : Alwenn | 19/11/2008

Je me suis engagée à le lire, donc je n’y couperai pas. Mais ton billet et les commentaires me refroidissent un peu ! Aie Aie Aie!

Écrit par : Nanou | 19/11/2008

La liste de Celles-qui-n’ont-pas-été-ensorcelées s’allonge !!!

Écrit par : Brize | 20/11/2008

Je t’ai envoyé un mail ..

Écrit par : Aifelle | 22/11/2008

@ toutes : je crois que je n’ai jamais vu un livre envoyé être tellement décrié, peut-être encore plus que celui de Florence Ben Sadoun ! Je l’ai vraiment trouvé inintéressant, je n’ai trouvé aucun élément auquel me raccrocher dans ma lecture poussive. Pourtant je me faisais une idée a priori positive de Nathalie Rheims. Après cette lecture je ne sais pas si je suis prête à renouveler l’expérience.

@ Cécile de Quoide9 : alors, lecture terminée ?:o)

Écrit par : Lou | 22/11/2008

Comme sylire, je ne me suis pas du tout ennuyée avec ce livre, et je peux dire qu’il a même plutôt bien fonctionné.
J’ai aimé son univers onirique et surnaturel pour parler de ce qui nous traverse tous un jour ou l’autre, les deuils de tous ordres, l’abandon, les blessures d’enfance.
J’ai trouvé que c’était même une jolie manière,j’ai aimé entendre bruisser les fantômes et se mêler les voix des rêves des cauchemars et des personnages de contes…

Écrit par : sylvie | 26/11/2008

@ Sylvie : merci de nuancer mon avis complètement différent :o) J’aime beaucoup lire des avis contrastés et je suis ravie de voir le tien. Ce qui me frustre avec ce livre c’est qu’en général, quand je n’ai pas le même avis que quelqu’un sur un livre, je comprends à peu près tout ce qu’il dit avoir ressenti, perçu. Et cette fois-ci je n’arrive pas à imaginer… c’est si rare que je me dis que c’est une des quelques lectures pour lesquelles je suis totalement passée à côté … drôle d’effet en tout cas !

Écrit par : Lou | 26/11/2008

Excellent, ton commentaire 🙂
Je comprends tout à fait ton billet…
J’ai tellement apprécié de terminer rapidement ce livre (j’aurai d’ailleurs du appeler mon blog : « le lecteur lent » !), que j’ai été plus indulgent…

Écrit par : Julien | 28/11/2008

@ Julien : j’adore ta conclusion… « c’était si agréable de finir qu’au final mon souvenir est moins mauvais » ;o)

Écrit par : Lou | 04/12/2008

Je crois bien que c’est le plus mauvais livre que j’ai lu cette année.

Écrit par : Cécile de Quoide9 | 10/12/2008

@ Cécile de Quoide9 : eh bien tu vois pour moi au final c’est la même chose ! Mais comme le disait Praline dans sa réponse à ta première question existentielle, la déception dépend surtout de ce qu’on attend du livre en question. Ma 2e daube est bien daubesque à mon avis, mais je n’en attendais pas grand-chose. Celui-ci me semblait intéressant et j’aimais le thème… d’où ma déception !

Écrit par : Lou | 16/01/2009

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