Amanda Sthers, Lettre d’amour sans le dire

Lettre d’amour sans le dire est la lettre d’amour voilée qu’adresse une femme française à un homme japonais qu’elle a rencontré dans un salon de thé et de massage des beaux quartiers parisiens. Issue d’un milieu modeste, la femme a été « installée » à Paris par sa fille, qui a fait un bon mariage et préfère s’épargner les allers-retours dans le Nord de la France tout en réduisant l’écart social qui sépare désormais mère et fille.

Ancienne enseignante, la narratrice a pris une retraite anticipée et a pour ambition vague d’écrire un roman, objectif auquel ni la mère ni la fille ne croient vraiment, tout en prétendant le contraire. Dans cette nouvelle vie parisienne oisive et modérément épanouissante, la femme va faire une rencontre bouleversante. Entrée dans un salon de thé pour se protéger de la pluie, elle est ensuite conduite dans une petite salle attenante à la décoration déconcertante. Elle comprend qu’elle est victime d’une erreur : on l’a prise pour une cliente qui n’est pas venue pour le massage qu’elle avait réservé. Malgré la surprise, la narratrice accepte finalement ce moment inattendu. Elle qui s’est peu choyée, qui n’a jamais eu le temps ni l’argent pour s’offrir ce type de moment, a une révélation. Sous les paumes de l’homme qui vient la masser, un bouleversement se produit. Ce qui l’amène à revenir régulièrement dans le petit salon, qui devient son jardin secret, tandis que son attirance pour le masseur chamboule sa vie. C’est le prémisse de histoire qu’elle lui dévoile alors qu’il est reparti au Japon.

Ce court livre est un texte touchant, dont j’ai particulièrement apprécié l’écriture soignée et les références à la culture japonaise, faite de nuances délicates. Ainsi par exemple, sur un échange avec son professeur de japonais (puisqu’elle apprend la langue pour pouvoir échanger avec celui qu’elle aime) : Il m’a simplement demandé s’il y avait une échéance, je lui ai répondu qu’elle était celle du destin. « Unmei », a-t-il dit, et ce fut le premier mot que m’offrait votre culture (p 10).

Je sais maintenant que le mot Ukiyo n’existe pas dans mon langage, qu’il veut dire profiter de l’instant, hors du déroulement de la vie, comme une bulle de joie (p11).

Ce texte ne se résume pas à une lettre d’amour. Au contraire, c’est une lettre où l’admiration et le désir affleurent avec une retenue volontaire, et vont de paire avec la réappropriation d’un passé difficile. D’une enfance pauvre faite d’abus à un âge moyen où l’aisance matérielle relative n’efface pas l’ennui, l’oubli de soi et un certain isolement. Faut-il saisir cette chance et vivre une nouvelle vie à deux malgré la différence culturelle, la langue, l’âge et le regard des autres ? Cette lettre sera-t-elle envoyée ? Les signes encourageants lors d’instants volés signifient-ils une réciprocité ? C’est toute cette question du renouveau et de l’épanouissement d’une femme « entre deux âges » (expression odieuse) qui est posée là.

131 p

Amanda Sthers, Lettre d’amour sans le dire, 2020

4 thoughts on “Amanda Sthers, Lettre d’amour sans le dire

    1. Finalement le langage n’est évoqué que ponctuellement, mais de façon pertinente (du moins, pour ce que je peux en juger ne parlant pas la langue).

  1. Ça a l’air très délicat et poétique, mais j’avoue que ça ne me tente pas particulièrement. Je crois que j’ai tellement d’autres choses qui m’attendent que je vais passer mon tour ^^

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