Luc-Michel Fouassier, Les Pantoufles

J’ai découvert avec grand plaisir les éditions de l’Arbre Vengeur cet été dans le cadre d’un échange passionnant organisé via Bookstagram. J’ai un peu tardé à parler de cette maison et de leurs publications éclectiques, engagées, qui sortent des sentiers battus. En voici un parfait exemple !

Dans Les Pantoufles, le narrateur, perturbé par sa situation maritale vacillante, sort de chez lui en claquant la porte et se retrouve enfermé dehors, des charentaises aux pieds. On pourrait s’attendre à ce qu’il s’excuse au bureau, prétexte une migraine intense pour régler son problème de chaussons. Qu’il sorte acheter des chaussures dans le premier magasin ouvert. Qu’il passe quinze appels pour se faire ouvrir la porte.

Mais non. Notre anti-héros va décider de sortir et de vaquer à ses occupations habituelles en charentaises. S’il se laisse porter au début et peut paraître un peu mou du genou (ou du talon), il affirme progressivement son choix et met finalement un point d’honneur à porter fièrement ses charentaises. Il s’installe à l’hôtel pour quelques jours. Va travailler en chaussons, fait une partie de tennis, se rend à une soirée chic où son ex l’a prié de se présenter, entre autres activités.

Même un peu cabossés et odorants au bout d’un certain temps, les chaussons changent tout ou presque : aussi bien l’attitude du narrateur, qui devient de plus en plus assuré, que le regard des autres. Il y a bien sûr les ricanements, du mépris, mais aussi ceux qui, déroutés, perdent de leur assurance en sa compagnie. Et enfin, ceux qui voient là un éclair de génie, une manifestation artistique ou une affirmation identitaire remarquables. Qu’elles portent chance ou l’inverse, ces charentaises ne laissent vraiment pas indifférent !

Contre toute attente, j’ai eu plus de mal que je ne le pensais à me laisser happer par le texte. Néanmoins, j’ai adoré le principe et savouré avec plaisir la deuxième moitié. J’ai aimé l’originalité du sujet, les décisions parfois malicieuses du narrateur et surtout, les réflexions que cela engendre sur le regard de l’autre dans notre pays sommes toutes extrêmement conventionnel. Le contraste avec l’Angleterre et ses villes est d’ailleurs frappant. Luc-Michel Fouassier utilise avec délectation l’imparfait du subjonctif, pour notre plus grand bonheur, même si je n’ai pas toujours goûté les pointes d’humour – je sais que nombreux sont ceux qui se sont régalés, je suis parfois passée un peu à travers.

Quoi qu’il en soit, si vous cherchez un texte atypique, qui donne de bons coups de pied dans le bien pensant et le conservatisme, n’hésitez pas à aller chercher du côté des éditions de L’Arbre vengeur, munis de vos plus belles pantoufles !

117 p

Luc-Michel Fouassier, Les Pantoufles, 2020

5 thoughts on “Luc-Michel Fouassier, Les Pantoufles

    1. Très original, j’ai beaucoup aimé l’idée et globalement l’exécution, même si j’ai préféré certains passages à d’autres.

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