Anne Perry, L’Odyssée de Noël

perry_odyssee noel.jpegChaque année je me procure sans trop me poser de questions le récit de Noël d’Anne Perry… c’est devenu une tradition, et même si je sais que ses histoires de Noël sont assez succinctes, que l’enquête n’est pas souvent trépidante et que ce sera gentillet, j’aime me délasser quelques heures en décembre en compagnie de ces Petits Crimes de Noël. L’an dernier je n’avais pas pris le temps de lire L’Odyssée de Noël qui traînait donc dans ma PAL. J’ai profité d’une après-midi au calme pour me blottir au coin du canapé, à côté du sapin de Noël… et ouvrir ce roman étonnamment glauque pour la période !

Où nous entraîne donc Mrs Perry cette fois-ci ? Nous restons à Londres, en compagnie de personnages issus de la série Monk (que je ne connais pas encore).

James Wentworth est désespéré. Son fils a disparu. Depuis un an environ, il a sombré dans la débauche, découvert de sordides lieux de plaisir à Londres au point non pas de s’encanailler comme on pourrait s’y attendre de la part de tout jeune homme de la haute société anglaise, mais d’avoir abandonné sa vie passée et d’avoir de terribles ennuis en raison de la vie dissolue qu’il mène. Ainsi, James fait appel à son vieil ami de toujours Henry Rathbone, lui dit avoir perdu la trace de son fils après avoir enquêté auprès de quelques clubs. Il lui demande de l’aider à le retrouver soit, en réalité, d’enquêter pour lui. J’ai été un peu troublée par ce postulat de départ : autant j’aurais compris que Wentworth cherche un compagnon pour l’aider dans sa quête, autant le fait de le voir dès lors complètement disparaître en laissant Henry s’enfoncer toujours plus loin dans les cloaques londoniens m’a paru dénué de sens. Mais passons.

Rathbone décide de se tourner vers Hester Monk pour lui demander de l’aide. Il tombe sur son secrétaire / comptable Squeaky, ancien souteneur, et tombe d’accord avec lui pour enquêter ensemble sans troubler Hester de leurs préoccupations. Soit. S’ajoute à l’aventure Crow, médecin non diplômé et ami de Squeaky, puis Bessie, jeune fille rencontrée au début de leur enquête.

Le roman s’articule autour de la traque de Lucien, puis d’un certain homme de l’ombre (je ne vous en dis pas plus car l’intrigue est simpliste une fois dépouillée des multiples allées et venues dans une Londres sordide). Ainsi nos personnages vont aller de club en club, de bordel en bordel, découvrir des lieux où l’on consomme l’opium puis des endroits secrets, accessibles depuis de petites arrières-cours du West End, derrière des portes cachées, des escaliers dérobés, d’étroits passages, de longs tunnels reliant toute la ville en un véritable labyrinthe. Ce qui nous donne l’occasion de plonger au plus profond d’une société victorienne pourrie qu’Anne Perry se complait à décrire. Finis les bordels gentillets et les petits fumoirs, on tombe sur des lieux de débauche sado-masochistes, on entend des gémissements et des cris indéfinis, on propose à Rathbone une petit jeu de strangulation, ailleurs on croise un hermaphrodite à moitié débraillé, deux voire trois hommes ensemble. Bref, on cherche visiblement à nous choquer et à nous rappeler combien la société victorienne était hypocrite (ce qui ne nous change pas du propos habituel et convenu d’Anne Perry, mais ici le voyeurisme est le maître mot et les courtes scènes s’enchaînent – peut-être qu’une ou deux scènes seules mais mieux exploitées auraient davantage servi le propos d’Anne Perry). Par contre nos protagonistes, et surtout Squeaky, l’ancien souteneur, dégoulinent de sentiments et d’émotions qu’ils parviennent difficilement à exprimer… (!)

L’enquête en elle-même m’a parfois un peu perdue (l’apparition d’une certaine Rosa d’un seul coup, certaines déductions), tandis que les dialogues s’enlisaient. A la limite, on se fiche un peu d’avoir la clef de l’énigme si énigme il y a, et on regrette que le terrible Shadwell ne soit pas davantage mis en scène (on l’attend pendant à peu près la moitié du récit mais il est bien fade au final). Enfin, je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce petit passage sur ce sinistre individu qui m’a bien amusée  : Dans la lueur rougeoyante des flammes, Henry vit pour la première fois ses yeux, deux trous de serrure ouvrant sur l’enfer (p181). A noter que les personnages pleins de moralité choisissent un procédé curieusement brutal à la fin. La structure du roman est par ailleurs très répétitive… on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un formidable polar, mais curieusement il se lit bien et vous occupera parfaitement l’esprit pour un trajet en train ou une soirée tranquille. J’ai été curieuse de suivre les héros dans les sous-sols londoniens, je regrette que cette promenade se soit davantage résumée à une simple énumération car le cadre aurait pu offrir un point de départ intéressant.

Quant à Noël on y fait bien sûr allusion parfois mais on ne peut pas parler d’ambiance de Noël hormis ces quelques passages. L’hiver est bien présent en revanche, avec des stalactites qui pendent des toits et des gouttières à plusieurs reprises (la répétition m’a frappée car l’image des stalactites n’est pas banale!). Pour le plaisir : Les bûches s’écroulèrent dans l’âtre en projetant une gerbe d’étincelles. Dans treize jours, on célébrerait Noël. La nuit était glaciale et le vent rugissait dans les combles de l’élégante demeure de Primrose Hill. Par-delà s’étendait l’immense ville de Londres qui se préparait à festoyer ; bientôt résonneraient les cantiques et les cloches des églises tandis que l’on se réunirait dans de somptueuses soirées. Il n’y avait plus très longtemps à attendre (p9).

Les avis de : Alice de Books are My Wonderland, Davalian (qui écrit cette phrase très juste : « Le tout est bien entendu imbibé d’un discours moraliste dégoulinant de voyeurisme consenti »),  Petit Speculoos, Samarian, Syl

 

Du même auteur sur ce blog :

Série Charlotte et Thomas Pitt :

Série Petits Crimes de Noël :

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187 p

Anne Perry, L’Odyssée de Noël, 2010 (2012 pour l’édition française)

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Commentaires

ooh c quasi marrant…car c’est un peu Drood….le meme principe mais surement plus complexe (1200 pages, je te le rappelle)….;)…
ah le Londres sordide est et a bien existe…cela en reste effrayant….
bref a laisser passe ce Perry…;)

Écrit par : rachel | 29/12/2013

Oh zut alors ça ne fait pas du tout envie 🙁

Écrit par : Tiphanie | 29/12/2013

Donc y’a mieux mais c’est pas si mal ! c’est ça ? Là je suis dans le Noël d’Hercule Poirot, mais après je pense attaquer celui-là ! je te tiens au courant ! 😉

Écrit par : George | 29/12/2013

Pour l’instant, je vais me contenter de poursuivre la série Monk, je ne note pas.

Écrit par : Adalana | 30/12/2013

Étonnamment, je lis souvent du Anne Perry durant les fêtes; une tradition sans en être une vraiment. Mais pas là ! J’ai peut-être mieux fait de laisser passer mon tour cette année. A vrai dire, Noël a apporté son flot de livres, comme tu t’en doutes, et me voici plongée dans le dernier D’Ormesson. Tout un programme 🙂

Écrit par : Livy | 30/12/2013

je vois que tu te lances aussi dans les « contes de noel » made in anne perry
je n’ai pas lu celui-ci – pour un noel prochain probablement 😉

Écrit par : niki | 30/12/2013

Je l’ai lu en VO l’an dernier, je ne l’ai pas chroniqué, car j’ai eu un peu de mal à trouver le lien avec Noël, justement.

Écrit par : Sharon | 31/12/2013

J’ai lu avec plaisir Le spectacle de Noël et j’ai vraiment beaucoup aimé le thème de la mise en scène de Dracula. Je ne connais pas cet opus ci (d’ailleurs c’était la première fois que je lisais une histoire de Noël d’Anne Perry)… et vu ton compte rendu, je ne pense pas le lire. Mais j’ai remarqué qu’en ce qui concerne les nouvelles policières de Noël on a tendance à nous appâter avec le mot Noël dans le titre, créer une ambiance avec trois flocons de neige et une date ( du style « dans quinze jours ce serait Noël » ou « Une tempête de neige s’était levée ce 23 décembre… ») et… c’est à peu près tout. Un peu rudimentaire comme ambiance de Noël quand même, même si je conviens que le crime n’est pas particulièrement festif ^^. Je désespère de trouver une intrigue policière conséquence ET une vraie ambiance de Noël.
Pendant ces vacances j’ai également lu le 1er de la série Monk (Un étranger dans le miroir) auquel je n’avais pas du tout accroché il y a quelques années et là … miracle (de Noël ? sourire) j’ai vraiment bien aimé. Un univers nettement plus masculin que dans la série Pitt, et malgré quelques détails que l’on voit un peu venir, j’ai trouvé que c’était pas mal du tout, finalement. Hester ne s’appelle pas encore Monk mais je n’en suis pas surprise (tous mes vœux aux jeunes mariés ^^), elle a le même type de caractère que Monk et ils sont tous les deux un peu en exergue de leur milieu social. Je tenterai probablement le tome suivant.

Écrit par : Soie | 07/01/2014

Je découvre ce billet. Je te rejoins… il se laisse lire mais ce n’est pas ce que l’on recherche. Un peu déçue !

Écrit par : Syl. | 15/01/2014

@ Rachel : ce n’est pas un indispensable je suis d’accord… tu m’intrigues d’autant plus avec « Drood », dont j’attends effectivement quelque chose de plus fourni…

@ Tiphanie : disons que c’est particulier comme livre de Noël !

@ George : je serais très curieuse de connaître ton avis… pour ma part j’ai passé un assez bon moment à le lire (je cherchais une lecture courte et facile dans la mesure où je m’attendais à accoucher à tout moment et ne me voyais pas entamer un Dickens pour l’abandonner en cours)… mais on peut aussi s’en dispenser. Je reste malgré tout assez fidèle aux polars de Noël d’Anne Perry en dépit de la légèreté de l’intrigue en général.

Écrit par : Lou | 17/01/2014

@ Adalana : Je prévois de découvrir « Monk » depuis longtemps mais pour l’instant à part ce récit de Noël qui fait intervenir des personnages de la série je ne connais que la série « Thomas et Charlotte Pitt ».

@ Livy : eh oui Anne Perry c’est aussi une tradition pour moi en cette période. D’habitude je pars pour les fêtes et prends son dernier roman de Noël pour le lire dans le train.
Qu’as-tu eu à Noël ?? Je suis très intriguée par tous ces livres…

@ Niki : disons que, plutôt que de me lancer, je continue, car j’ai déjà lu une bonne partie des récits de Noël (il doit m’en rester deux ou trois à découvrir encore). ça reste plaisant en période de fête :o)

@ Sharon : euh oui je suis bien d’accord ! Dans le tout dernier c’est plus l’hiver que Noël qui est mis en avant à nouveau.

Écrit par : Lou | 17/01/2014

@ Soie : tout comme toi j’ai beaucoup aimé toute la partie consacrée à l’adaptation de « Dracula » au théâtre dans « Le Spectacle de Noël », j’ai trouvé ça intéressant.
Très juste ton commentaire sur le côté trop prometteur de Noël ! Là c’est exactement ça, les fêtes en tant que telles ne sont pas du tout décrites. J’aimerais bien un prochain Anne Perry de Noël qui ait vraiment lieu les 24 et 25, en nous faisant profiter de l’ambiance des fêtes victoriennes ! Un peu de festif avant le crime !
Est-ce que « Christmas Pudding » ne répond pas plus à cette double attente : Noël + polar correct ? Je ne l’ai toujours pas lu mais je garde ce fol espoir… ;o)
Tu me donnes à ton tour envie de lire « Monk », peut-être que j’apprécierai vraiment s’il est un peu moins mièvre que la série Pitt, pour laquelle j’ai une certaine affection mais qui m’énerve un peu parfois. J’ai le premier tome dans ma PAL. Je compte bien le lire pour les British Mysteries.

@ Syl : oui pour ma part c’est un avis un peu mitigé aussi… curieusement je critique pas mal les polars (de Noël) d’Anne Perry mais j’aime bien les retrouver quand même à raison d’un ou deux volumes par an.

Écrit par : Lou | 17/01/2014

bin je pense que cela va te plaire…les descriptions sont vraiment etoffees…peut-etre trop pour moi….;)

Écrit par : rachel | 17/01/2014

@ Rachel : on verra alors, mais tu as plutôt tendance à me donner envie avec tes commentaires :o)

Écrit par : Lou | 18/01/2014

coool….mais courage…;)

Écrit par : rachel | 19/01/2014

Comme tu as pu le lire sur mon blog, j’ai eut du mal à accrocher à cette histoire… trop sombre, trop glauque.

Écrit par : petit_speculoos | 25/01/2014

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