Une Victorienne au caractère bien trempé !

sinoue_dame_lampe.jpgIl y a quelques semaines, j’ai découvert complètement par hasard la biographie romancée de Florence Nightingale par Gilbert Sinoué : La Dame à la lampe. Je suis peu habituée à lire ce type d’ouvrage : je ne m’intéresse pas particulièrement au milieu médical, je lis peu de biographies et ne connaissais Nightingale que de nom. La forme (une enquête) ainsi que le cadre victorien ont suscité mon intérêt et bien m’en a pris, car j’ai dévoré cette biographie passionnante en un rien de temps.

sinoue_Florence_Nightingale_nursing_1920.jpgIssue d’une famille aisée aux relations haut placées (parmi les membres du gouvernement notamment), Florence Nightingale était destinée à faire un beau mariage et à mener une existence confortable au sein de la haute société victorienne. C’est pourtant un autre parcours que cette femme pour le moins étonnante a décidé de suivre en devenant infirmière. Il est difficile à notre époque de réaliser combien ce choix était atypique. Avec une plume alerte et sans jamais ennuyer son lecteur, Gilbert Sinoué s’emploie donc à rendre compte de la situation dans les hôpitaux et du métier d’infirmière dans la première moitié du XIXe : la crasse était omniprésente ; les draps n’étaient pas changés pour les nouveaux malades ; les opérations avaient lieu devant les autres patients, avec les moyens les plus rudimentaires, au milieu des hurlements ; les instruments chirurgicaux n’étaient pas nettoyés la plupart du temps, servant directement d’une opération à une autre ; les patients n’étaient pas lavés, ce qui favorisait la propagation de tout ce qu’on était susceptible d’attraper dans un hôpital ; outre les mesures d’hygiène inexistantes, les malades perdaient leur identité aux yeux du personnel soignant, les cas des uns et des autres étant évoqués sans détour devant eux. Quant aux infirmières, souvent alcooliques, elles étaient pour la plupart issues de milieux défavorisés. Elles n’avaient pas choisi ce métier par vocation ; ce n’était d’ailleurs pas un métier à proprement parler, aucune formation n’existant, les infirmières se bornant globalement à surveiller les patients et à effectuer quelques tâches rudimentaires. Dans la salle commune où reposaient les malades, une cage leur était même réservée pour dormir. Autant dire qu’aucune jeune fille de bonne famille n’aurait dû être amenée à fréquenter ce milieu. Le choix de Florence Nightingale est donc fascinant.

sinoue_Florence_Nightingale_Embley_Park.jpgCe roman présente deux qualités majeures. Il s’agit d’abord d’une véritable mine d’informations sur une époque et un milieu, en particulier les hôpitaux anglais pendant la guerre de Crimée. Sans s’enliser dans les descriptions austères ou trop morbides (la première page constitue le seul passage pénible à lire), le récit nous fait découvrir un aspect de l’histoire peu connu des profanes et pourtant fondamental, puisqu’il s’agit d’un moment charnière dans l’évolution de la médecine anglaise. D’autres éléments historiques ajoutent à l’intérêt du récit, par le biais d’anecdotes ou la rencontre de grands personnages (je pense à ce cuisinier français très recherché à Londres mais décidé à s’intéresser au sort des pauvres sur le plan culinaire ; ou encore la reine Victoria, que l’on croise assez indirectement à plusieurs reprises). A noter au passage que l’on apprend que la clitoridectomie était à l’époque fréquente dans le traitement de l’hystérie, des migraines et de l’épilepsie, et que l’on pensait que l’utérus se promenait dans le corps, provoquant l’hystérie, maladie proprement féminine !

sinoue_florence_nightingale.jpgL’intérêt du récit tient également à la personnalité trouble de Florence Nightingale. Prête à mener une vie austère pour se consacrer au bien d’autrui, ne ménageant pas sa  peine, objet d’admiration de ces soldats qu’elle appelle « ses enfants », la Dame à la lampe est aussi une femme névrosée, paradoxalement misanthrope, nombriliste et hypocondriaque (elle a attendu des années une mort imminente, persuadée que son heure n’allait pas tarder), quelqu’un dont les spécialistes disent désormais qu’elle était « maniacodépressive, à la limite de la schizophrénie ». Son portrait fait l’objet d’une enquête minutieuse elle aussi captivante.

Au final, en écrivant cette biographie de Florence Nightingale, Gilbert Sinoué offre au lecteur un roman très agréable à lire et sérieusement documenté. A découvrir !

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309 p

Gilbert Sinoué, La Dame à la lampe, 2008

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Commentaires

Je ne serais pas du tout allée de moi-même vers cette biographie pour les mêmes raisons que celles que tu exposes au début de ton billet mais tu t’y entends pour donner envie de lire cette œuvre (comment ça elle est trop longue ma phrase ? ^_^)

Écrit par : Restling | 24/09/2009

@ Restling : elle est très bien ta phrase ;o)

Écrit par : Lou | 24/09/2009

Ahhhhh, ravie d’apprendre que mon utérus se balade parfois dans mon cerveau!!! ;)) L’époque m’intéresse mais j’ai peur qu’il y ait trop de maladies pour moi là-dedans… J’ai déjà dit que j’étais hypocondriaque je crois! ;)) Presque autant que l’héroïne, faut croire… et peu s’en faut pour que je me crois du coup atteinte de maniaco-dépression et de quasi-schizophrénie, vu que je vois le tout associé!!! ;)))

Écrit par : Karine:) | 24/09/2009

Il a l’air drôlement intéressant ce livre ! :))) Il pourrait bien m’intéresser Miss !

Écrit par : Alice | 24/09/2009

et bin..je ne me rappelle plus ce que j’ai lu de gilbert sinoue mais je l’avais classe dans la meme case que Christian Jacq….productif et un peu niais….mais lala tu me fais changer d’avis…vraiment….minutieux….interessant…hummm…

Écrit par : rachel | 24/09/2009

Je note pour plus tard… beaucoup plus tard. Plus pour le milieu médical que pour Florence Nightingale d’ailleurs.

Écrit par : Isil | 24/09/2009

Euh vu que j’ai peur du milieu médical et que je suis aussi hypocondriaque, je pense que je vais fuir cette lecture !

Écrit par : Manu | 24/09/2009

Je le prends en note, car j’adore tout ce qui touche au milieu médical (ce qui est un peu normal puisque je travaille dans ce milieu 🙂 ).

Écrit par : GeishaNellie | 24/09/2009

J’avais lu de bonnes critiques sur Sinoué mais il ne m’attire absolument pas, c’est terrible !

Écrit par : praline | 24/09/2009

Sinoué est un auteur que j’aime beuacoup! J’hésitais, mais là…

Écrit par : chiffonnette | 24/09/2009

Je me souviens d’avoir vu cette bio sur l’étalage de ma librairie, mais ne pas m’y être arrêtée volontairement … Cette Miss Nightingale m’a toujours fait l’effet d’une hystérique et d’une mystique. Je crois que ton billet ne me prouvera pas le contraire. Maintenant, il y a un aspect que j’apprécie particulièrement, c’est l’évolution des hôpitaux et de la médecine en général. Et là, je suis beaucoup plus attirée par ce livre ! En plus, à l’époque Victorienne … Que dire de plus ?!

Écrit par : Nanne | 24/09/2009

Je suis infirmière et donc la vie de F Nightingale est un classique pour moi mais hélas pas dans une version romancée
C’est une icone pour la profession car c’est elle qui a fait passer l’infirmière de « fille de salle » à la professionnelle formée et compétente donc j’ai beaucoup d’admiration pour elle
Son rôle dans la dénonciation des conditions de vie des soldats pendant la guerre de crimée a entrainé des réformes profondes dans l’armée anglaise et à ce titre on peut la mettre tout à côté d’henri Dunand dans un panthéon imaginaire

Écrit par : Dominique | 25/09/2009

Je ne suis pas spécialement tentée, mais ton billet était très intéressant. Erzébeth avait lu une autre bio de cette femme l’année dernière, c’était apparemment moins plaisant comme lecture.

Écrit par : Lilly | 25/09/2009

Je ne connaissais pas du tout!

Écrit par : Edelwe | 26/09/2009

Son nom me dit plus que quelque chose car j’ai suivi à la fac un seminaire sur les rebelles et les pionnères anglaises et américaines… et son nom revenait très souvent ! Du coup je note ce livre, car forcément, ça m’intéresse ! 🙂

Écrit par : Cryssilda | 26/09/2009

J’ai eu droit à tout un séminaire d’ethno européenne sur l’évolution du rapport au corps et à la maladie en Occident: Nightingale, Semmelweis… l’hystérie et ses traitements barbares, les hôpitaux et autres asyles… tout un programme avec en prime un exposé et un travail sur la médicalisation de la gynécologie et de l’obstétrique au 18e-19e siècle… Je vais peut-être éviter cette biographie pour le moment. Pas envie de faire une overdose ;).

Écrit par : Agnès | 26/09/2009

@ Karine:) et Manu : vu le sérieux du diagnostic il n’y a pas à avoir peur. Moi aussi j’ai horreur d’aller chez le médecin (sauf mon généraliste qui est très chouette) mais vraiment je pense que ce livre peut tout à fait convenir à quelqu’un d’hypocondriaque, même quand son utérus se balade dans son cerveau ;o)

@ Alice : aucun souci of course ! Par contre j’en avais parlé avec Isa avant donc je le lui passe en premier, mais dès que je le récupère je le mets de côté pour toi.

@ GeishaNellie : pour moi c’est un peu une première mais finalement ça me donne envie de lire d’autres trucs sur l’histoire de la médecine (ses débuts, jusqu’au début du XXe) qui m’attire depuis un certain temps.

@ Rachel et Praline : je ne connaissais pas Sinoué avant, peut-être vaguement de nom mais pas plus que ça. Par contre depuis j’ai vu certains titres qui font que moi aussi je l’aurais classé dans les auteurs de romans historiques un peu faciles si je n’avais pas aimé ce livre. Du coup je ne serai pas mauvaise langue avant l’heure cette fois-ci ^^

@ Isil : au final c’est plus le milieu médical qui m’a intéressée dans ce livre, et ça tombe bien car c’est un aspect largement développé (ouf !).

@ Chiffonnette : je ne connaissais vraiment pas, peut-être que ce sera l’occasion d’aller vers d’autres livres du même auteur pour moi.

@ Nanne : tu vois tu en savais plus que moi ! Justement par rapport à son côté obsessionnel le personnage principal qui mène l’enquête se pose de réelles questions, ne voulant pas l’encenser bêtement.

@ Dominique : c’est vraiment un sujet passionnant ! A-t-elle eu indirectement un impact sur le métier d’infirmière sur le plan international ?

@ Lilly : c’est vrai que j’évoque beaucoup des aspects traités dans le livre, j’avais vraiment envie de partager certaines questions qui m’ont beaucoup intéressée ^^

@ Edelwe : et c’est un hasard pour moi aussi :o)

@ Cryssilda : il faudrait que tu me donnes quelques conseils de lecture inspirés de ton cours, j’ai encore oublié de t’en parler hier… maybe next Saturday !

@ Agnès : ceci dit ce que tu dis m’intéresse énormément… aurais-tu aussi des livres à me conseiller, ou peut-être des sites web ou des noms importants ?

Écrit par : Lou | 28/09/2009

oui c vrai…j’ai un bon souvenir de son avicenne…mais son egyptienne est vraiment proche d’un jacq…;o)…a savoir s’il ne produit pas des livres sous contrats…donc rapidement…

Écrit par : rachel | 29/09/2009

@ Rachel : tout à fait possible !

Écrit par : Lou | 29/09/2009

Désolée de te répondre aussi tard. J’ai effectivement quelques pistes de lecture (plutôt en allemand et en anglais qu’en français d’ailleurs). Je t’envoie ça par mail.

Écrit par : Agnès | 08/11/2009

Je ne suis guère aussi enthousiaste que toi, intéressant sur bien des points mais je me suis un peu ennuyée. En tout cas, un grand merci pour le prêt et de m’avoir fait découvrir le destin exceptionnel de cette femme !

Écrit par : Alice | 14/11/2009

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